Citations de Beaudour Allala (16)
Page 41 - La grisaille des voies ferrées qui s’enchevêtrent au trafic autoroutier prend étrangement l’aspect d’une eau qui court, fraîche et creuse sur les mousses de velours que Victor Hugo évoquait pour Rose.
Page 148 - Pour l’heure, le train semble fuir un paysage qui le dépasse. Je contemple ce décor extérieur devenu impressionniste par des fondus de couleurs fugitives, avec ce sentiment de regarder la vie comme on contemple des tableaux prisonniers de leur cadre.
A toutes ces femmes dont ce rouge coule dans les veines
pour ne pas nous faire perdre mémoire.
Combien sont-ils ainsi, à négliger les tableaux des musées qui donnent à voir, au-delà du cadre, le hors champ de notre propre histoire ?
L’écriture touche lorsqu’elle semble susurrer l’inaudible d’un inconscient bousculé...
On n’écrit bien l’amour que lorsqu’il manque terriblement, mais on n’explique pas l’amour, on l’écrit, on le vit, on l’attend, on le souffre et on le meurt...
La folie latente est en chacun de nous et, ressurgit lorsque, traqués comme des souris, on ne peut ni fuir, ni lutter…
chaque mot s’enfile comme les perles d'un chapelet qu'elle passe progressivement entre ses doigts, pour écrire l'amour...
Elle ne voyait que les infimes détails de la vie, ceux-là même qui montrent leurs saillances à chaque fois que l’âme s’agite.
La mort n’est pas celle que l’on croit, elle se tapit dans la lâcheté, bien plus mordante que celle qui ensevelit les corps, grignotant seulement une partie de nous-mêmes.
Il existe des corps éteints, muets dans leur respiration conformiste, des corps qui s’éloignent de vous et dont le deuil est plus difficile à faire parce que ces derniers sont encore bien vivants.
Le mal-être est palpable, jusque dans les soupirs de ma mère qui cherche à respirer, comme on cherche à sortir la tête de l’eau. Elle finit toujours par ouvrir les fenêtres pour volontairement créer des courants d’air qui ne parviennent qu’à faire claquer des portes, seules à pouvoir gueuler leur ras-le-bol.
Elle creuse l’ennui pour y planter du spleen.
Moi Annaëlle, seize ans, l’air morose ;
Lui, Pierrot, vingt, ses yeux brillaient !
Je ne vis qu'il était beau
Qu'en sortant des grands bois sourds.
Soit, n’y pensons plus ! me dis-je.
Depuis, j'y pense toujours.
Chez moi, ce sont les mobiliers et les bêtes qui sont mis à contribution pour s’exprimer à notre place ; que ce soit la télévision allumée vingt-quatre heures sur vingt-quatre ou les aboiements du dogue allemand grognant constamment contre l’ennemi imperceptible, détectant l’ultrason des non-dits de cette famille fantôme.
Elle attendait on ne sait quoi, derrière cette fenêtre donnant toujours sur la même nature morte d’un peintre qui avait oublié que le vent pouvait faire bruisser les feuilles.
L’amour, même imaginaire, donne des ailes à l’audace.