Ce n’est encore que temps de brume
Arpents de neige
À la fin de nos lettres éprises de branche vive.
Ce n’est que longue magie d’estuaire.
Cryptes d’eau bleuie,
Escalier d’étoiles gravides,
Angoisse du feu tellurien.
Ce n’est encore que peuple dans les tavernes ivres d’hiver.
La flamme brûle encore,
Feuillages d’étoiles,
Langage d’orge et de blé.
Je creuse, médite,
Plantant ma tente
Au bord des eaux-lyre.*
… Cueillir, bâtir,
Près du lac embrasé.
Raconter la flamme,
Témoin d’amitié.
Ici mon chant est murmure,
Souvenir et secret.
L’arbre et le puits,
Demeurer, semer.
… Murmurer, passer.
Celui qui creuse écoute…
* Le lac de Kinnérét (Tibériade) est ainsi nommé parce qu’il a la forme d’une lyre (kinnōr) — (Quatre poèmes, dont deux sous forme d'extraits, aussi présentés en hébreu ; 1ère partie, p. 17-20).
La brise souffle encore…
La brise souffle encore
Au secret de l’homme,
Et les pages de la vie
S’exhalent en poème
L’arbre ouvre sa splendeur d’abîme
Sur la colline
Et l’étrange frondaison y cache
Son temps
Qui vient offrir au soir l’oblation à l’autel ?
Ainsi a-t-il cueilli des fleurs dans les bois.
Qui se cache derrière l’arbre
Dans l’angoisse des temps ?
O berges et couleurs et la douce clarté
Des candélabres dans la maison.
Qui tourne les pages du Livre en silence ?
Tout disparaît comme sable, bruit de mer.
Près de la fenêtre un regard attend
Le jour de beauté.
L’étourneau
Plus ancien que d’infinies marées
Écarte une épaule au ciel châtelain
Quel esprit regarder dans la tourmente de l’ajonc ?
Écouter…
Dans d’ocres tavernes les rires ne partagent l’hiver, trop graves ils prennent un sens
L’exil revient maintenant sur notre œil solitaire
Quelle flamme dans la nuit avec justesse contempler ?
Et dans la gibecière un vide d’étoiles pour chanter au ciel suzerain.
Rouault
Crépuscule automnal,
Artisans et laboureurs,
Une parole brûle.
Exode d’étoiles,
La mort et la vie,
Un horizon murmure.
Lac du matin,
Bleu, rouge, vert,
Îles silencieuses,
Barque et silhouettes,
Le vent de sérénité
Berce les feuillages.
Pascal et Rouault, êtres de feu, dont l’œuvre est brûlante, éprouvent une commune passion pour le sens spirituel, voilé par les vaines apparences, ce sens que l’homme, enfermé dans sa convoitise, ne peut discerner ni dans le livre de l’Ecriture, ni dans le livre du monde.
Nos rêves nocturnes ont été bercés par les flots. Derrière le rideau, à travers le hublot, un monde se levait. Au matin, dans la brume, nous longeons les côtes. Souvenir d’Ulysse. La mer, la terre et le ciel. « Présent du vent, présent du soleil, présent des oiseaux »
Partir, s’arracher
Alliance d’étoiles,
Présence voilée.
Sable du désert,
Teinte d’exil,
Marcher, se souvenir.
Chênes, éclat de midi,
Temps d’hospitalité,
Trois ombres approchent.
La déchirure, le puits,
Promesse de miel,
La vie devient chemin.
Dans la forêt près d’une étoile
Nos visages reposent
Et le gué est bientôt sans mémoire
Le regard, une ronde et ce vœu
Et le monde est bientôt toute mémoire