Bernard Kouchner

Et si l’on révisait l’histoire géopolitique des cinquante dernières années en Europe et dans le monde ?



La fin de la deuxième guerre mondiale et le partage de l’Europe, l’espoir ou la crainte du communisme, la vie de chaque côté du rideau de fer. 1968, qui dans le monde ne se résume pas au mois de Mai. L’invention de Médecin sans frontières, la naissance du droit d’ingérence, les boat-people, la création de Solidarnosc, l’effondrement du mur de Berlin, l’espoir et la crainte de voir la grande Allemagne réunifiée, la renaissance des Balkans après une guerre terrible, et la lente et difficile construction de l’Union Européenne. L’après 11 Septembre, la guerre en Irak, la haine de l’autre, l’antisémitisme, toute une histoire si proche et déjà si lointaine, notre Histoire.



A l’Est, à ma gauche mais un peu à droite : Adam Michnick, 68 ans, icone de la dissidence dans la Pologne communiste depuis son adolescence, héros du syndicat Solidarnosc qui lutta contre l’oppression Soviétique, historien, journaliste, fondateur du plus important quotidien polonais « La Gazetta Wyborcza » et à l’Ouest, à ma gauche aussi, mais un peu à droite quand même, Bernard Kouchner,74 ans, French doctor, conseiller des plus grands, plusieurs fois ministre, et icone médiatique engagée que l’on ne présente plus.

Ces deux figures européennes emblématiques croisent leurs mémoires, comparent leurs parcours de vie intense et exaltant, s’accordent ou se désaccordent dans un entretien conduit par Jolanta Kurska et nous livrent ainsi un formidable manuel d’histoire contemporaine.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..

Une pièce un peu datée mais des répliques truffées d'humour qui rendent l'ensemble plaisant à lire. C'est vivant, les répliques sont brèves, les dessins (satiriques) sont drôles. J'ai lu cet ouvrage il y a plusieurs années, j'avais bien ri. Je viens d'en relire des extraits, mon ressenti est resté intact.



Je salue l'éditeur qui a pris le risque de publier cet ouvrage, lorsque l'on sait combien la liberté d'expression se tenait et se tient toujours en équilibre sur un fil ténu. En témoigne l'actualité contemporaine, on pourrait citer de nombreux exemples de cette fragilité, hélas.



L'ouvrage, tout en vers, est assez court et se lit rapidement.

Une rencontre entre l'abbé Pierre et Bernard Kouchner. Ce dialogue entre le chrétien engagé et l'humaniste offre bien des points de convergence. Et il y a surtout une urgence : c'est ensemble que nous pouvons rendre le monde meilleur et la Terre habitable à tous, au-delà des clivages idéologiques, politiques ou religieux.

Vraiment agréable à lire. On peut assez facilement se laisser glisser et imaginer être présent et assister à la discussion. La forme m'a donc été bien agréable.

Je serai plus mitigé sur le fond. Même si finalement, je me suis laissé entrainer par la forme, le fond m'a tout de même un peu déçu. Bien sûr, la découverte du contexte Polonais m'a intéressé, mais il reste trop peu évoqué, je l'aurai aimé plus approfondi.

De plus, je ne peux m'empêcher d'avoir un certains sentiment de publicité pour Bernard Kouchner, de promotion de sa personne. Il est assez dommage que beaucoup, ou trop, tourne autour de lui et de ses réalisations car malgré tout, ce qu'il raconte est intéressant.

Les propos d'Adam Michnik, malheureusement moins en valeur, sont quant à eux beaucoup plus intéressants, et modestes aussi. C'est pour moi le vrai point positif de cet ouvrage, j'ai découvert une personne qui m'a réellement intéressé par son humilité et son abnégation. Ses propos m'ont donné envie d'aller plus loin sur l'Europe de l'Est, et la Pologne en particulier. Susciter la curiosité me semble une qualité merveilleuse d'un ouvrage, et celui-ci a rempli ce critère.

L’Ile de Lumière ou Un bateau blanc pour les boat people



Je viens de lire L’Ile de lumière, récit d’une mission humanitaire de plusieurs mois que j’avais déjà lu en 1990. L’émotion ressentie en redécouvrant le sort des Vietnamiens et autres Cambodgiens fuyant les enfers communistes à la fin des années soixante-dix est demeurée intacte et est même supérieure à celle de ma première lecture.

Il faut dire que j’ai pu voir en vidéos disponibles sur Internet les sauvetages en mer de ces pauvres gens que harcelèrent les pirates malaisiens en les volant, les violant et les tuant quelquefois. Sans oublier les soldats malaisiens presque aussi sauvages qui, obéissant aux ordres venus d’en haut, les refoulèrent sans pitié alors qu’ils tentaient de débarquer sur les côtes d’un pays hostile à leur arrivée considérée comme invasion. D’ailleurs le HCR estime qu’environ deux-cent cinquante mille Vietnamiens se noyèrent en Mer de Chine en choisissant cette forme d’évasion très risquée.

En sa qualité de médecin et plein d’un idéal humaniste mais aussi de scrupules pour d’anciennes prises de positions très pro-communistes, Bernard Kouchner, n’accepta plus de laisser faire et grâce à une campagne médiatique à laquelle s’opposa pourtant Médecins Sans Frontières, l’ONG dont il fut l’un des fondateurs emblématiques, mais à laquelle au sein du Comité Un Bateau pour le Vietnam participèrent Yves Montand, Simone Signoret, Jean-Paul Sartre, Raymond Aron, André Glucksmann et autres personnalités de l’époque, il récolta suffisamment d’argent pour acheter un bateau et le faire transformer en navire-hôpital. C’était L’Ile de Lumière, un nom prédestiné. A son bord et avec les équipes successives de bénévoles emplis de dévouement, il put d’abord soigner les blessés et malades de l’île de Paulo Bidong peuplée de 45.000 réfugiés avant de partir en mer pour y repêcher et soigner quelques 2.500 naufragés et permettre à plusieurs centaines d’entre eux d’entamer une nouvelle vie en France, à défaut des Etats-Unis.

Bernard Kouchner raconte fidèlement son expérience semblable à une odyssée moderne et qui, par ses aspects les plus dramatiques, a pu profondément le marquer alors qu’il avait déjà accompli plusieurs missions dans d’autres pays et des situations différentes. Mais c’est sans doute le sauvetage des boat people à bord d’un beau bateau blanc qui le fit connaître du grand public, pour le meilleur et pour le pire. Car ce médecin si enthousiaste et généreux, à cause d’erreurs du moins considérées comme telles par ses adversaires voire ses ennemis, finit par payer cher la rançon d’une gloire voulue ou pas.

Quoi qu’il en soit, voilà un personnage hors normes qui mérite d’être mieux connu, à cause de sa bonté de cœur, de son admirable courage et de son obstination à vouloir secourir des milliers de gens de toutes conditions et de toutes générations qui, sans lui et les altruistes équipes de l’Ile de Lumière, auraient connu une mort certaine, mais aussi à cause de sa culpabilité familiale telle qu’il la révèle au fil de son récit mais à la pointe peut-être trop discrète et pudique de son stylo.

Voilà donc les raisons de lire ou de relire cette bouleversante « Ile de Lumière » qui, par son contenu aussi original qu’essentiel et puis son important cahier de photos, devrait rester dans les annales de l’Histoire de l’humanité… mais aussi de l’inhumanité.

Je ne connaissais que vaguement ces deux personnes pourtant assez illustres. Mais moyennement appréciées, surtout pour l'une d'elle et là je les découvre vraiment :



Deux personnages aux idées religieuses différentes qui deviennent amis, qui respectent leurs idées et surtout qui ont un but en commun : aider les autres.

La discussion est relativement bien menée par Jolanta Kurska, peut-être qu'un peu trop de sujets sont abordés, et le sont par conséquent de manière trop superficielle. Le temps de parole semble pencher en faveur de Bernard Kouchner. Et pour un lecteur français, il est plus difficile de se faire un avis précis sur les propos de Adam Michnik car il est forcément moins médiatisé en France.



La quatrième de couverture annonce qu'il vont "reconnaitre leur erreurs", un vœu pieux, mais c'est malheureusement un échec, pour BK en tout cas. AM, dans l’ensemble, est plus posé que son interlocuteur et plus lucide sur la difficulté de juger des faits historiques.

On connait le BK de MSF, le ministre des affaires étrangères, l'adorateur de Sarte et plus récemment de Hessel. On connait aussi ses combats pour le droit d'ingérence, et ses diverses actions humanitaires. Mais BK aime toujours le Che car c'est romantique, pourtant AM lui rappelle bien que c'était un assassin. BK a fait mai 68 pour libérer la société, les moeurs et "pour rencontrer de belles jeunes filles" sic. Il aimait les Vietcongs parce qu'ils libéraient le Vietnam, il aimait les Khmers rouges parce qu'ils libéraient Phnom Penh. Bref, sa vie durant, il a milité pour un bon nombre de combats sans les mener et s'est très souvent fourvoyé. Ses seuls regrets sont de n'avoir pu participer à la guerre (la deuxième) pour défendre ses valeurs (qu'il aille dire ça aux millions de personnes qui ont perdu la vie) et de ne pas s'être assez occupé de "sa famille et de ses femmes" sic.

BK est d'une contradiction profonde et ce livre a le mérite de la souligner, on est face à tout un florilège de balivernes que peut débiter un bon nombre de commentateurs de sa sensibilité. Comme disait Georges Brassens dans la troisième strophe de "Mourir pour des idées":



Les Saints Jean bouche d'or

Qui prêchent le martyre

Le plus souvent, d'ailleurs,

S'attardent ici bas.

Mourir pour des idées,

C'est le cas de le dire

C'est leur raison de vivre,

Ils ne s'en privent pas

Dans presque tous les camps

On en voit qui supplantent

Bientôt Mathusalem

Dans la longévité

J'en conclus qu'ils doivent

Se dire, en aparté:

Mourons pour des idées

D'accord,

Mais de mort lente,

D'accord

Mais de mort lente.

J'avais pour volonté de noter essentiellement l'écriture, le style, le mode narratif, et pas l'histoire racontée. Ici, je fais une exception. Oublions le style, la littérature. Ils ne sont pas mauvais, mais si on veut du magnifique français, relisons Stendhal.

Ici, ce qui compte est le témoignage sur le désespoir de ces centaines de milliers d'hommes, de femmes d'enfants, qui ont pensé n'avoir pas d'autre issue que de fuir en prenant des risques insensés, le désespoir de ceux qui ont vu leur femme ou leur fille kidnappées par des pirates pour être revendues dans les bordels de Thaïlande, de ceux dont on a saboté les embarcations pour les laisser errer et mourir de soif et de faim au milieu de l'océan...

... et de l'initiative prise par une poignée de personnes pour aller tenter d'en sauver quelques uns, se séparant de leurs anciens amis en politique.



Quatre ans après la parution du livre, en 1984, j'ai rencontré à Saïgon un homme qui cherchait une filière sure pour faire partir clandestinement ses deux filles. Y a-t-il des filières sûres ?
Lien : https://www.edilivre.com/app..

Je tiens à remercier BABELIO et les Editions ALLARY qui m'ont permis de lire l'essai 'MEMOIRES CROISEES". Il s'agit d'entretiens conduits par Jolanta KURSKA entre Bernard KOUCHNER, fondateur de Médecins sans Frontières et de Médecins du Monde, ancien Ministre et Adam MICHNIK, dissident polonais de renom , héros de Solidarnosc et fondateur du Journal GAZETA WIBORCZA.

Les auteurs passent en revue les évènements marquants des cinquante dernières années depuis les évènements de 1968 jusqu'à la crise ukrainienne récente.

D'origine israélite tous deux, ils parlent de leur enfance, très marquée par les persécutions raciales.

Il serait très long de passer en revue tous les sujets abordés par les deux auteurs : la chute du communisme, le conflit israélo-palestinien, la guerre d'Irak, les crises européennes. Cependant, tous deux partagent une adhésion sans faille à l'Union Européenne. Chez Michnik, qui n'est portant pas un ultra-libéral, je constate cependant un rejet vif du régime polonais d'avant 1989, qui, chez Kouchner, me semble plus modéré.

Au total, un livre intéressant, où les idées des deux auteurs sont souvent concordantes, avec parfois quelques différences, jamais bien marquées.