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Citation de Woland


[...] ... Quelquefois, Hanna remporta une sorte de succès. Je me rappelle son interrogatoire sur les sélections dans le camp. Les autres accusées nièrent avoir jamais rien eu à voir avec cela. Hanna reconnut si facilement y avoir participé, non pas seule, mais comme les autres et avec elles, que le président jugea bon d'insister.

- "Comment se déroulaient les sélections ?"

Hanna expliqua que les surveillantes s'étaient mises d'accord pour retirer dix déportées de chacun des six groupes de même effectif dont elles avaient la responsabilité, soit en tout soixante déportées, mais que, l'état sanitaire pouvant être très différent d'un groupe à l'autre, c'est finalement en commun qu'elles décidaient qui serait renvoyé. [= à Auschwitz et à la mort.]

- "Aucune d'entre vous n'a refusé de procéder ainsi, vous avez toutes agi en plein accord ?

- Oui.

- Vous ne saviez pas que vous envoyiez ces détenues à la mort ?

- Si, mais les nouvelles détenues arrivaient, et il fallait que des anciennes leur laissent la place.

- Donc, pour faire de la place, vous avez dit : toi, toi et toi, vous allez être renvoyées et mises à mort ?"

Hanna ne comprit pas ce que le président voulait lui demander.

- "J'ai ... Je veux dire ... Qu'est-ce que vous auriez fait ?"

Il y eut un moment de silence. Il n'est pas d'usage, dans la procédure en vigueur en Allemagne, que des accusés posent des questions aux juges. Mais voilà, la question avait été posée, et tout le monde attendait la réponse du président. Il était obligé de répondre, il ne pouvait éluder la question ni la balayer d'une remarque acerbe ou en posant lui-même une question en contre-feu ; c'était évident pour tout le monde, y compris pour lui, et je compris pourquoi il avait choisi ce truc de prendre l'air irrité. Il en avait fait un masque, derrière lequel il pouvait se donner un peu de temps pour trouver la réponse. Mais pas trop de temps : plus il attendait, plus la tension montait ; et plus la réponse devrait être bonne.

- "Il est des choses dans lesquelles on n'a tout simplement pas le droit de tremper et qu'il faut fuir, si cela ne vous coûte pas la vie."

Cela aurait peut-être suffi s'il avait dit la même chose, mais en parlant d'Hanna, ou encore de lui-même. Parler de ce que l'on doit et ne doit pas, et de ce que cela coûte, cela ne répondait pas au sérieux de la question qu'avait posée Hanna. Elle avait voulu savoir ce que, dans sa situation, elle aurait dû faire, et non s'entendre dire qu'il y a des choses qu'on ne fait pas. La réponse du juge était désemparée et pitoyable. Tout le monde le sentit. On réagit avec un soupir de déception, et l'on eut un regard étonné pour Hanna, qui avait en quelque sorte gagné cet échange. Mais elle restait plongée dans ses pensées.

- "Donc j'aurais ... Je n'aurais pas ... Je n'aurais pas dû, chez Siemens, aller m'engager ?"

Ce n'était pas une question adressée au juge. Elle parlait pour elle-même, se posait à elle-même la question, en hésitant, parce qu'elle ne se l'était jamais posée, qu'elle doutait que ce fût la bonne question, et qu'elle en ignorait la réponse. ... [...]
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