Citations de Breyten Breytenbach (29)
Le coeur- étoile
Les nuages resteront
entre eau et vent
pour forger la lumière
en un noeud plongeant
dissolvant les rêves dont on se souvient
Savez-vous ce qui constitue le cauchemar des jeunes hommes des classes moyennes d'Afrique du Sud aujourd'hui ? Être arrêtés pour excès de vitesse ou sous influence de drogue, et être mis dans la même cellule que des criminels endurcis avant d'être libérés quelques jours plus tard - le plus souvent avec le virus du sida.
La liberté, c'est le minotaure en dehors des murs.
eine kleine Nachtmusik
(où la langue change : un chant de confession)
extrait 2
je me figure que l’encre a absorbé les rêves
des gens qui comme des caillots d’argile
s’accrochent encore enrobés dans des chiffons
et dorment du sommeil des morts
arrivé par la nuit
marmonnant sachant
que la vie n’est pas une option,
l’œil quelconque du videur de lune,
qu’il ne suffit pas d’écouter
le couloir de respiration tremblante,
toi l’accompagnateur qui doit partir en éclaireur,
passant le visage de la nuit derrière la frontière
où se trouvent lumière du jour, mer, humains
(en mémoire de Benedix Schönflies)
si tu lèches le sable d'un pays étranger
quand tu arrives là-bas en visite
tu repousse ses mauvais génies et tourments
Monsieur l'Interrogateur, si vous êtes vraiment ce que je pense, comme vous auriez aimé rencontrer Nails Van Byleveld. Quels romans cet homme doit avoir dans le cercueil de sa mémoire ! Quel paradoxe, quelle joie, on doit éprouver à effilocher l'écheveau de vêtements dont il est habillé ! On en reparlera plus tard.
your letter is delightful, larger and lighter
than thoughts of a flower when the dream
is the earth of a garden
Raconter des histoires est un système de connaissance, un essaim de mots qui sur la page rassemble "l'autorité"; (...) L'imagination n'est-elle pas la première expression de l'identification et par conséquent, de la générosité?
[...]
tu apprends à mendier
à donner en pâture aux bureaucrates insatiables
le remords cru de ton peuple
à tous les Fonctionnaires de la Conscience du Monde
tu regarde dans leur trou-du-cœur : à l'intérieur du miroir
de sorte que tu es encore éveillé le matin
avec un grommellement gris dans la bouche
les mots essaiment
comme des parasites sur ta langue
tes mots bâtissent des nids dans ta gorge
en foule tu es un réfugié professionnel
tu ne bois ni ne fumes
car ta vie est une arme
tu crèves d'un poison nommé désespoir
tu es battu dans un cul-de-sac comme un chien
[...]
(extrait du poème « Exilé, porte-parole », p. 59)
Testament d’un rebelle
donne-moi une plume
que je puisse chanter
que la vie n’est pas vaine
donne-moi une saison
pour regarder l'air dans les yeux
lorsque le pêcher vomit sa plénitude blanche
une tyrannie s'écroule
laisse pleurer les mères
laissent les seins dessécher
tarir les girons
lorsque l'échafaud sèvre pour la dernière fois
donne-moi un amour
qui ne pourrisse jamais entre les doigts
donne-moi un amour
comme celui que je veux te donner
donne-moi un cœur
qui batte sans arrêt
batte batte plus fort que le battement blanc
d’un pigeon craintif dans la nuit
battra plus sec que les plombs amers
donne-moi un cœur, une petite fabrique de sang
qui peut cracher
des fleurs de joie
car le sang est doux est beau
jamais vrai ou faux
je veux mourir avant d'être mort
lorsque mon sang est encore fertile
et rouge
avant que ne tombe la lie noire du doute
donne-moi deux lèvres
et de l’encre claire pour ma langue
qui couvrira de lait
une grande lettre d’amour pour la terre
qui sera de jour en jour plus douce
exorcisera toute l'amertume
qui brûlera plus doux comme l'été
laisse alors venir l'été
sans bandeau ni corbeau
laisse le pilori le pêcher
donner ses fruits rouges en paix
et offre-moi un lai
de colombes de satisfaction
que je puisse chanter de mon pis
que la vie n'est pas vaine
car comme je meurs les yeux ouverts
ma chanson rouge ne périra pas
22.2.66
(pp. 36-37)
Nous avons cru que les Nations unies étaient un compromis international adapté pour fédérer les espoirs et régler les conflits, mais l'organisation a été émasculée par l'unique superpuissance de la planète qui considérait ses intérêts comme suprêmes, et par les petits despotes faisant étalage de leur vanité.
Pendant combien de temps allons-nous continuer sur le fil du rasoir comme des schizophrènes entre le discours d'égalité et de justice, et la pratique d'un pouvoir arbitraire et voleur ? [...] Comment se fait-il que la vie humaine n'ait plus de valeur ? [...] Pourquoi appelons-nous "révolution démocratique nationale" le processus par lequel l'État et toutes ses institutions - et, par extension, la culture et l'économie- deviennent l'auge dans laquelle se nourrissent le parti et ses cadres ?
(Qui, à part des intellectuels dépravés et les copains politiques, a développé les notions horribles de «nettoyage ethnique», d'«extermination des cancrelats», d'«ivoirité» et d'«apartheid» - pour ne citer que quelques fruits «glorieux» de l'esprit ? )
La liberté ne devrait pas être un privilège.
Un Etat devrait être le lieu d'exercice d'un pouvoir légitime et d'arbitrage pour une administration des intérêts d'une grande communauté composite vivant dans les frontières «naturelles» qui marquent une certain cohésion culturelle. Mais les Etats que nous avons en Afrique sont en grande partie des constructions coloniales fantaisistes, transmises à des élites locales loyales mais pas libres, qui devaient assurer une bonne gouvernance et la poursuite de l'exploitation rentable des «indigènes».
1 / chuchotements d'une tour en feu
au début
au commencement
du poème
nous sommes à nouveau
comme toujours
à la fin des temps
…
l'esprit m'a pénétré
non par méditation mais par sensations
ni par vision mais par dévoilement
j'arrive d'un pays noir et maudit
mais suis-je vraiment ici ?
car aller et venir ne font qu'une trace
et le vrai départ c'est rester sur place...
p.9-10
Je le dis souvent, en prenant un raccourci terrible, la poésie est à la prose ce que la révolution est à la politique. Il s'agit, dans le cas de la poésie ou de la révolution, d'un processus de transformation, de mise en question radicale même au risque de se perdre ou d'adopter des positions qui ne sont pas comprises.
Le poème est une capsule d'espace et de temps ; il est toujours fini - on ne peut pas plus y ajouter qu'en retrancher quelque chose -, cependant il n'est jamais complet tant qu'il n'a pas été consommé (consumé) par toi, Lectrice. Evidemment, il y aura autant de versions originales qu'il y a de lecteurs, puisque chaque participant découvre sa propre lecture.
On subventionne les fermiers européens pour qu'ils produisent des récoltes, et des millions de gens meurent de faim. Nous nous enrichissons et nous nous engraissons en élevant des milliers de porcs, et nous ne pouvons plus boire l'eau des nappes phréatiques.[...] Nous stimulons nos économies par la production et la vente d'armes et des tueurs de treize ans avec des perruques et des kalachnikovs meilleur marché qu'un sac de riz n'ont d'autre moyen d'être initiés à l'humanité qu'en devenant fous.
La cour internationale de justice devrait-elle considérer Omar Hassan el-Béchir comme responsable de la tentative de génocide au Darfour ? Oui ! Robert Mugabe et des acolytes assassins couverts de sang devraient-ils être inculpés de crimes contre leur propre population ? Oui ! Bush, Cheney, Rumsfeld, Rice et Wolfowitz devraient-ils être eux aussi traduits devant un tribunal international et condamnés pour crimes de guerre ? Bien sûr ! Bush doit bénéficier d'un procès aussi juste que Saddam Hussein. (La seule différence entre les deux, c'est que le veul Américain a le courage et l'honneur d'un paon de café du Commerce.)