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Citations de Bruno Birolli (64)


Le Katori Maru bat pavillon du Soleil Levant et on sert donc à bord un menu japonais. Les Anglais dédaignent le misoshirô, une soupe de soja fermenté, repoussent les beignets tempura et font la grimace devant le riz. Seuls les gâteaux inspirés de la pâtisserie occidentale trouvent grâce à leurs palais.
Ishiwara fait d'autres découvertes choquantes. Le capitaine du Katori Maru, comme sur tous les bateaux, respecte la vieille règle de courtoisie autorisant les femmes à débarquer en premier. Et, souvenir du temps où les échelles de coupée étaient glissantes, elles descendent au bras d'un homme, mari, frère ou fils. Les célibataires passent en dernier. C'est ce qu'Ishiwara ne peut supporter : il est inadmissible qu'on l'oblige, lui, officier du Soleil Levant sur un bateau de l'Empire, à passer derrière les Blancs !
La traversée est égayée par de bals. Mais Ishiwara ne vibre qu'aux notes rondes comme des sanglots du shamisen et, en matière de danse, il n'est ému que par la retenue des marikos, ces jeunes geishas serrées dans des kimonos colorés comme des ailes de papillon et qui, d'un glissement de la pupille sous la paupière, d'un geste sec de la main ou un balancement discret du pied savent éveiller les émotions les plus délicates. Mais à la place de ces raffinements japonais, seuls le fox-trot, la valse et autres agitations qui lui paraissent obscènes ont droit de cité sur le Katori Maru. Tournoyer ainsi enlacé ressemble par trop à une évocation de l'acte sexuel ! Et il y a pire : les Occidentaux invitent les passagères japonaises à se joindre à eux. Après avoir tout d'abord refusé, gênées, elles se montrent maladroites, incapables de suivre le rythme sur la piste de danse. Ce spectacle qui fait sourire, voire rire, les Occidentaux fait monter la colère aux joues d'Ishiwara : toute la perversité de l'Occident s'avoue ! La galanterie n'est qu'hypocrisie : en ridiculisant ses femmes, c'est le Japon tout entier que ces Anglais rabaissent ! Et dans un geste de défi, pour afficher sa fierté d'être Japonais, Ishiwara revêt un kimono. Il n'a que l'amère satisfaction de constater, de ses propres yeux, que partout où l'homme blanc pose le pied, il foule les civilisations, avilit les coutumes les plus belles et introduit ses goûts dépravés. Sur le Katori Maru, il observe un magnifique exemple de la hâdo ("voie de l'oppression") de l'Occident que dénonçait Nanbu de son vivant.
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La réalité de l'homme est bien éloignée de son apparence d'officier sans faille. La solitude, le désespoir l'étreignent en secret ; cet état de déréliction que seul le Soutra du Lotus, la prière sacrée du nichirénisme psalmodiée en boucle jusqu'à la transe, apaise. Il confie à son journal ce sentiment de perdition qui hante ses insomnies et que seule la sensation du divin peut soulager. Les lignes poignantes qui suivent décrivent un homme dépouillé de sa carapace ; Ishiwara apparaît dans sa nudité. La scène se passe dans la nuit du 1er au 2 janvier 1921. Il a trente-cinq ans et vient de quitter un prêtre nichiréniste :

"Hier, la visite de Komatsu m'a rempli de sérénité mais dans la nuit, la pluie s'est mise à tomber et mon coeur s'est serré de détresse. Au plus profond de la nuit, j'ai joint les mains pour supplier Bouddha de faire se lever les vents divins (kamikaze) qui disperseront les nuages. A l'aube, le soleil s'est levé du monde des ténèbres, et quand j'ai vu à sa lumière que ma prière avait été exaucée, j'ai ressenti une béatitude extrême."
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Bruno Birolli
Swindon savait que les défaites ne sont jamais définitives, que sa profession était une traque sans fin, toujours renouvelée, dans les terres du Mal.
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Avec malice Swindon provoqua Allen:
- Le renseignement est un progrès pour l'humanité de l'ordre du passage de la cueillette à l'agriculture, mon cher Gordon. On ne fauche pas, on n'abat pas dans le renseignement, on plante, on cultive et on récolte, on élève, on soigne et on trait!"
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"Les terres du Mal" est l'opus 2 de "La Suite de Shanghai", le premier roman "Le music-hall des espions" a paru en janvier 2017, "Les terres du Mal" en février 2019. "La suite de Sanghai" comprendra quatre romans allant de 1930 à 1941.
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Le ventilateur froissait l’air au-dessus de sa tête. Ce froissement à peine audible le transporta dans son passé… La moiteur était insupportable ; respirer, une épreuve… Les premières gouttes cinglèrent l’allée comme des crachats puis ce fut le déluge. La pluie tambourinait sur les tôles de la véranda, rendait impossible de s’entendre alors les hommes - tous Britanniques – se turent… La pluie de mousson cessa. Des arbres, de la pelouse et de la terre détrempée renaquirent les exhalaisons que la chaleur avait étouffées… Ragaillardis, impatients de s’en jeter un derrière la cravate et comptant ne pas s’arrêter au premier, les membres du club se dirigèrent vers le bar…
C’étaient les souvenirs de ses deux années en Birmanie. Il était un jeune fonctionnaire de l’administration coloniale. Il gardait la nostalgie de la forêt émeraude. Et le souvenir d’un lent ennui.
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- La Justice n’a pas sa place dans le renseignement, j’en conviens ! S’il arrive que la justice triomphe, je m’en réjouie mais elle n’est pas ma priorité. Dans notre profession, nous agissons dans le dessein - et seulement dans celui-là – que l’Empire dure le plus longtemps, même si c’est injuste. C’est notre justification. Notre combat consiste à piéger nos ennemis avant qu’ils ne nous piègent et, si pour y parvenir, nous sommes obligés d’avoir recours à des méthodes qui dérogent avec la morale, nous sommes libres de les employer…
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Il ne pût jamais expliquer rationnellement pourquoi il dévala l’escalier, pourquoi il empoigna le Mauser du garde russe abattu à l’entrée, comment il se retrouva à tirer sur les autos qui s’enfuyaient et à hurler : « Faut les prendre vivants ! » au garde russe à ses côtés… Les capturer ! Non pour les juger ! La justice n’avait pas de place dans cette rage. Les écharper, leur briser les dents, leur faire payer la terreur de l’ouvrier agenouillé avant le coup de feu fatal… Il vidait son chargeur. Il ne savait pas si ses balles étoilaient la vitre de la dernière voiture ou si c’était celles du garde russe…
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Ce qui sauvait Swindon était son sens du spectacle. Il se dévaluait en permanence comme s’il n’était que l’acteur d’un modeste théâtre amateur qui, bien que se divertissant beaucoup à monter sur les planches, ne se méprenait pas sur la médiocrité de talent et le dérisoire de la farce qu’il interprétait. Ce qu’escamotait exactement cette moquerie de soi-même, Desfossés l’ignorait. Mais il flairait une forte dose de duplicité, il en fallait pour être un résident de l’Intelligence Service.
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Petit Tai ne vit pas les deux hommes qui déboulèrent dans son dos par l’escalier de service. Ils le foudroyèrent de trois balles chacun. Petit Tai ne saurait jamais que la petite infirmière se prénommait Mei, Il était déjà mort quand son corps s’étala sur le dallage du couloir…
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Les yeux d’Iva brillaient de plaisir :
- J’espère que vous n’êtes pas ennuyeux !
- Je le suis à mourir.
Elle avait du chien. Non grâce à son physique ; bien qu’elle fût jolie, elle ne s’en souciait guère. Elle avait, sous une assurance presque masculine, la maladresse d’une jeune femme qui ne connait pas encore ses limites. Sa vivacité le subjuguait.
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« Qu’est-ce que la démocratie ? La démocratie, ainsi que le pensent les étudiants, théoriquement, semble être la liberté morale et l’égalité personnelle […]. Brièvement, la démocratie dans ce dernier sens est l’esprit des masses, elle est l’omnipotence du faible. En d’autres termes, le processus par lequel la volonté de la vie est mise en mouvement est les émotions de la foule qui sont des forces aveugles […]. Nous, au contraire, pensons que l’État est l’organe qui apporte la vertu et met en mouvement la société […]. Nous reconnaissons l’État […] comme un système de vie synthétiquement systématisée […].
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Dans la vision religieuse de Chigaku, la conversion de l’humanité au nichirénisme ne peut se faire de manière pacifique. Elle aura lieu au cours d’une guerre mondiale épouvantable, une « guerre illimitée » du spirituel contre le matérialisme. Ses adeptes sont invités à se consacrer corps et âme à préparer l’avènement de ce monde meilleur qui naîtra dans un déchaînement de violences et de destructions dantesques : « Ne priez pas pour le bien-être de l’humanité ! […] Priez pour l’agression ! Sans agression, il n’y a pas de mouvement […] et les activités de nos missionnaires seront infructueuses. »
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Fort d’avoir assimilé les sciences de l’Occident tout en préservant son système autoritaire, le Japon est donc une terre d’Harmonie qui réconcilie les civilisations entre elles, en prenant à chacune ce qu’elle a de meilleur. Maintenant que l’Inde et la Chine ont été colonisées par « l’homme blanc », le Japon est le dernier pays à préserver « l’esprit de l’Orient ». Il est du devoir du Japon de réintroduire cet héritage sublime dans les pays où il a disparu, et le premier d’entre eux est l’immense Chine. Il faut lui donner de nouveaux chefs, vertueux et dévoués
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Ishiwara brûle d’impatience ; il veut sentir le souffle de l’Histoire, peser sur son cours. Il aspire à diriger les événements comme on fait défiler au pas des fantassins. Malheureusement, il doit patienter. Cela fait plusieurs mois qu’il attend son ordre de mission ; le document s’est égaré dans les étages du ministère de l’Armée. La date de son départ reste en suspend. Il espérait attendre au 65e régiment d’Aizu-Wakamatsu au milieu de conscrits impressionnés par ses barrettes de capitaine et où il avait passé le printemps, heureux. Malheureusement, ses supérieurs l’ont rappelé à Tokyo.
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Les grandes puissances parlent du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais c’est pour mieux détruire les empires de leurs rivaux. L’empire allemand, l’Autriche-Hongrie ont été démantelés, maintenant elles ciblent le Japon. Mais en même temps, la France, l’Angleterre et les États-Unis gardent leurs colonies.
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Par l’intrigue et par la force, l’armée impériale a émoussé ce poignard dirigé contre le Japon. Elle a occupé la Corée en 1905, l’a annexée en 1910 et l’administre depuis avec une poigne de fer. Ishiwara a servi en Corée de 1910 à 1912. Il n’a vu que la crasse,la misère et l’arriération. Le Japon balayera ses vices et y ouvrira la route de la modernité.
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Ishiwara n’a pas besoin de savoir comment le monde tourne. L’enseignement qu’il a reçu entre douze et vingt-neuf ans est une formation de technicien de la guerre ; aucun effort n’a été fait pour l’enrichir intellectuellement. Du point de vue de la pensée militaire même, sa formation reste succincte. En un an, il n’a assisté qu’à quarante-neuf cours d’histoire militaire, à vingt-sept leçons de stratégie et de tactique et il n’a suivi que quarante-sept conférences sur les missions d’un officier. La seule matière générale sur laquelle l’accent est mis est l’allemand, avec cent cinquante-trois cours.
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« L’obéissance est le premier devoir [des militaires]. […] ceux en service actif sont interdits de discuter du système militaire […], des questions politiques, de former des associations ou de se réunir dans ce but ; pas plus qu’ils ne sont autorisés à s’exprimer publiquement, ou par écrit, par voie de publication et de pétition sur les questions politiques. »
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« Depuis ma naissance, mon destin était d’entrer dans l’armée ; c’est le triste sort réservé aux enfants de samouraïs pauvres et dont les familles, gênées financièrement, ne peuvent assumer le coût de leurs études. »
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