C'est dans le cadre de l'opération Masse Critique non-fiction de Babelio que j'ai eu le plaisir de découvrir cette biographie très intéressante d'une talentueuse actrice fort méprisée et au tragique destin.
Corinne Luchaire, née Rosita Luchaire en 1921, morte à 28 ans de tuberculose seule dans le taxi qui la ramenait chez elle... Elle était la fille aînée de Jean Luchaire, patron de presse collabo sous l'Occupation et éphémère ministre de l'Information de Pétain à Sigmaringen... où il avait emmené sa fille malade. Mais revenons au début...
Cette très jolie jeune fille fait ses débuts au cinéma en 1938. Tout de suite remarquée pour sa beauté, son jeu très inhabituel et moderne, bien loin des jeunes ingénues nunuches à la mode, elle ne fera qu'une petite dizaine de films avant que la guerre ne stoppe sa carrière. Frivole, inconsciente, uniquement préoccupée de cinéma et de théâtre, elle vivra l'Occupation dans un tourbillon de fêtes, d'avant-premières et... d'abondance. Entourée par les amis peu recommandables de son père, ne se préoccupant pas de politique, aveugle aux souffrances des Français, elle se rendra compte trop tard de ce qui attend sa famille. De santé fragile et atteinte de tuberculose, sa vie "parisienne" entouré du gratin de l'époque, de Tino Rossi à Charles Trénet en passant par Arletty ou Giraudoux, cette vie donc lui causera à la Libération un tort considérable, la livrant aux pires rumeurs. Elle qui n'eut aucune activité politique, qui ne tint jamais de propos antisémites, se vit reprocher sa vie mondaine décomplexée en temps de guerre et surtout surtout d'être "fille de".
Fiancée à Charles Trénet (!) puis mariée brièvement à un aristocrate escroc, maîtresse comme Arletty d'un bel officier autrichien de la Wehrmacht (et non pas de hauts dignitaires nazis comme il fut raconté), entre prison à Fresnes et séjours en sanatorium, elle fut condamnée à 10 ans d'indignité nationale. Elle finira sa vie, seule avec sa fillette de 6 ans, dans la misère, juste épaulée par Pierre Barillet (de Barillet et Grédy, les auteurs de théâtre de boulevard) et par le jeune cinéaste Jean-Charles Tachella. Ni sa franchise totale lors des interrogatoires, ni le témoignage de Simone Signoret qu'elle a aidé des juifs à fuir, ne la sauveront. Calomniée, insultée, surveillée, la Garbo française ne survit aujourd'hui que dans les romans du nobélisé Patrick Modiano et les mémoires des cinéphiles avertis.
Une biographie très détaillée et complète qui brosse le portrait d'une inconsciente devenue star à 17 ans et proscrite à 24 ans... Un style de narration manquant parfois un peu de vie mais qui n'empêche pas de s'attacher à cette jeune femme. On a du mal à quitter ce livre sans l'avoir suivie jusqu'au bout de ce chemin parsemé de paillettes, puis chemin de croix. Même la lettre qui l'avertissait que sa peine était réduite à 5 ans ne lui parviendra jamais...
A réserver aux passionnés de cinéma, de cette période de notre Histoire et à ceux qui ne connaissent pas bien le Tout-Paris qui fit bombance de 1940 à 1944 de Fernandel et Mistinguett à Danièle Darrieux en passant par les sinistres Bony et Laffont. De quoi se faire une idée précise de la vie de la "Haute" à cette sombre période.
Une vie ruinée par l'inconséquence et la maladie alors que d'autres qui firent bien pire s'en sont sortis à moindre mal...
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