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Citations de Cécile Campergue (197)


En tant que pratique bouddhiste méritoire, la générosité et donc, la figure du donateur, devient fondamentale et se normalise dans certaines organisations (notamment Kagyü). La pratique du don permet aux maîtres et à la communauté de vivre et permet aux bienfaiteurs (donateurs) d'acquérir des mérites et d'en recevoir un, considéré comme hautement plus important, celui du dharma qui supplante le don matériel. Ce que les fidèles reçoivent donc de leur maître, il leur est impossible de leur rendre, ils s'inscrivent donc dans une logique de dette qu'ils entretiennent. Le maître n'est pas toujours le donataire ultime des dons des fidèles, dans ce cas, il est un intermédiaire nécessaire et efficace dans la circulation des dons effectués. Les généreux donateurs sont proches des maîtres et occupent souvent des postes clefs dans leurs organisations.
L'appel à la générosité de chacun prend sur le terrain plusieurs formes : un projet précis, le fonctionnement d'un centre, payer des dettes, subvenir aux besoins du maître, etc. L'aspect économique n'est pas le sujet préféré des maîtres et des disciples. Quand j'ai abordé la question, plusieurs maîtres m'ont renvoyée aux administrateurs des centres, non sans un léger sourire, m'indiquant que le maître n'intervient qu'au niveau spirituel. Mais majoritairement, ils m'ont répondu à l'aide de discours relativistes, d'euphémismes, tout comme l'ont fait les principaux disciples attachés à des postes clefs dans la gestion d'un centre ; ce qui renvoie aux analyses de Bourdieu réalisées sur le « rire des évêques » à la fin des années 1970. Qui plus est, le fait que ma recherche avait pour objet le maître dans la transmission et la diffusion du Vajrayana en France, certains adeptes ne comprenaient pas le fait que je m'intéresse aux fonctionnements purement matériels et donc foncièrement économiques des supports de la transmission. Pour eux, l'important n'était pas là. J'avais la possibilité d'approcher des maîtres et les questions matérielles leur paraissaient incongrues. Pour la majorité, l'aspect financier est secondaire, ce qui compte, c'est d'aider le dharma à se développer même si parfois des moyens à la limite de la légalité (ou illégaux) sont mis en œuvre. Une certaine gymnastique verbale est utilisée pour masquer la réalité de certaines pratiques. J'ai pu trouver une certaine gêne à l'endroit de plusieurs responsables de centres et pratiquants, certains m'ont néanmoins fait quelques confidences qu'il m'est impossible de restituer ici (pratiques illégales, contournements de la législation française, abus de droit, etc.)*
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*Plusieurs formulent des critiques à l'encontre de certaines pratiques de marketing qu'ils qualifient de « dharma business ».
p. 212
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Conclusion
À chaque fois réinterprété, parfois instrumentalisé, le bouddhisme tibétain est tour à tour expliqué en termes « modernistes » qui en font une religion quasi-scientifique (ou un humanisme) ; en termes « médiatiques » qui proposent le bouddhisme comme un objet consommable, utile, performant et efficace ou « élitistes » qui distinguent un bouddhisme authentique d'un bouddhisme populaire. R. Liogier note à juste titre que « l'influence du bouddhisme ne dépend pas forcément des institutions bouddhistes » mais d'un climat général propice.
Le processus de diffusion et d'implantation du bouddhisme tibétain en France répond donc à des facteurs à la fois endogènes à la tradition tibétaine (mission, propagande entendue comme une « action institutionnelle en vue de propager une foi religieuse »), à la situation politique et économique née de l'exil de nombre de maîtres (sauvegarde, transmission, diffusion du dharma) et à la cause tibétaine devenue une cause universelle défendue par le Dalaï-Lama qui instrumentalise le bouddhisme, puis à des facteurs exogènes : le mythe d'un Tibet magique, la quête de spiritualités asiatiques de la part des Occidentaux (mécénat, pionniers bouddhistes), le contexte religieux français et la laïcité (accueil favorable et institutionnalisation du bouddhisme tibétain) ; la cause tibétaine mobilisatrice à la fois d'institutions, de collectifs et de personnes privées.
Les maîtres détiennent la place centrale dans ce processus que cela soit de manière directe (par leurs actions concrètes) ou indirecte (représentations, projections et actions …
p. 197
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Parmi les francs-maçons bouddhistes les plus connus, citons l'exemple du Dr Schnetzler, mécène qui a toujours affiché publiquement sa double appartenance. L'analyse des programmes de Karma Ling à ces débuts, lorsque celui-ci en était le président, mais aussi par la suite (avec L. Denys), témoigne de l'influence de la voie maçonnique sur le choix des enseignements proposés et aussi, sur l'importance donnée à l’œuvre guénonienne. Avec le Lama Denys, il est le co-organisateur des rencontres entre bouddhistes et francs-maçons. Lama Denys me confia qu'il a toujours connu des francs-maçons et, lorsqu'il recevait des personnes en entretien, il s'est aperçu que l'appartenance maçonnique n'était pas rare. Il décida alors, comme les maçons sont « des personnes souvent cultivées et ouvertes sur le monde », d'organiser un colloque, un échange entre les deux voies. Ainsi, si l'on retrouve beaucoup de francs-maçons dans les centres, c'est qu'ils contribuent matériellement, soit par leur personne (idées, statuts, relations) une aide non négligeable, ce qui explique leur présence à des postes importants et stratégiques, influant sur les activités et les orientations d'un centre. Les programmes de Dhagpo Kagyu Ling et Karma Ling dans les années 1980 témoignent de l'impact des idées humanistes d'ordre maçonnique. Il ne faut pas perdre de vue le pouvoir du mécène qui peut exercer une certaine influence sur le développement du centre et son activité. Dans une grande majorité, ces mécènes ont été élus président des associations. Dans plusieurs organisations, on peut retrouver le cas de figure où les principaux présidents et le personnel administratif, appartiennent ou appartenaient à une obédience maçonnique.
À la suite des colloques « Bouddhisme et Maçonnerie » à Karma Ling, les francs-maçons bouddhistes ont constaté qu'ils étaient nombreux, et certains ont eu l'idée de fonder une fraternelle franc-maçonne et bouddhiste, « L'Acacia et le Lotus » avec comme Président d'honneur J-P. Schnetzler et comme Président, J-F. Gantois.
p. 195
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On se rappelle le Colonel Olcott, fondateur de la Société théosophique avec Blavatsky, Besant qui prendra la direction de cette société pendant un quart de siècle (jusqu'en 1933) et David-Neel, la grande vulgarisatrice du bouddhisme tibétain qui continue d'avoir un succès considérable. Ces trois personnes ont toutes, à un moment de leur vie, été initiées à la franc-maçonnerie et y auront des fonctions importantes, pour A. Besant particulièrement. On peut ajouter le passage de Guénon à la franc-maçonnerie, qui, encore une fois, même s'il n'est pas un apologiste du bouddhiste n'en reste pas moins une figure incontournable dont de nombreux bouddhistes occidentaux se réclament. Nombre de francs-maçons ont contribué par leurs écrits, idées et actions, à l'installation du Vajrayana en France. Présents dans la société en général, on les retrouve en politiqué(1), dans les médias, le monde des affaires, les institutions, l'université, l'enseignement bouddhiste, bref, comme me le répétera l'un d'eux : « nous sommes partout ! ». Les mécènes, souvent aisés, qui participent à l'implantation des centres appartiennent souvent (ou ont appartenu) à une obédience maçonnique et se sont investis pour un maître ou plusieurs. On peut penser que ce lien relève d'une simple coïncidence (il existe des francs-maçons chrétiens, hindous, musulmans, etc.) mais leur poids, le caractère quasi systématique de leur présence à des postes clefs de la diffusion du bouddhisme tibétain, mérite un véritable intérêt et il serait intéressant d'envisager des recherches ultérieures(2). Plusieurs enseignants bouddhistes français sont également francs-maçons (je m'abstiendrai de divulguer leurs noms car leur appartenance maçonnique n'est pas toujours publique). Quelques maîtres viennent également en loge pour y faire des conférences, comme Lama Denys, mais aussi Sogyal Rinpoché ou Lama Jigmé Rinpoché.
La complexité de la voie maçonnique et de ses différents rites, le manque de temps et le fait qu'elle m'écarte de mon propos, m'empêche de l'analyser en profondeur. Il serait souhaitable de comprendre ce qui, dans l'enseignement même de leurs doctrines respectives (bouddhisme et franc-maçonnerie), engendre un lien si étroit. J.-F. Gantois, Maçon et bouddhiste (Kagyü), engagé dans le dialogue interreligieux et membre UBF (rédacteur en chef de la revue trimestrielle Actualités Bouddhistes)
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(1) On trouve des bouddhistes francs-maçons dans les « deux » maçonneries françaises qui sont sensiblement différentes, puisque l'une est théiste, chrétienne et l'autre se veut libérale, adogmatique. Elles s'ignorent et se méprisent parfois, comme j'ai pu le constater en discutant avec de nombreux maçons de différentes obédiences.
(2) La Franc-Maçonnerie est l'objet de beaucoup de fantasmes relayés dans la presse chaque année. Le secret maçonnique et les scandales concernant des Maçons incitent nombre de personnes à voir dans la Franc-Maçonnerie un « superpouvoir » ultra puissant qui contrôle la société. La thèse du complot judéo-maçonnique est d'ailleurs bien connue.
p. 193
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Le savoir des sages, des « hommes supérieurs » sont mis en valeur, et, dans certains groupes ésotériques, la prééminence d'un retour à un ordre « naturel » et ancien, alliée à une critique sans concession du monde matérialiste et consumériste occidentale, rejoint la critique bouddhiste dispensée par nombre de maîtres sur la décadence d'un Occident malade ayant besoin d'une sagesse traditionnelle pour vaincre son mal, d'où les conférences aux titres accrocheurs tels que celle de Sogyal Rinpoché vue en amont. Cette critique rejoint celle opérée par Guénon sur la décadence moderne utilisée en force par de nombreux bouddhistes (et notamment des intellectuels) qui revendiquent son héritage. La recherche d'une philosophie sophia perennis, d'une tradition immémoriale, va légitimer le retour au « droit naturel des Anciens ». On retrouve cette idéologie dans l'ashram d'A. Desjardins qui souhaite restaurer une république de « sages », dont L-M. Mazenq a analysé la teneur conservatrice et réactionnaire. Cette volonté d'un retour à une hiérarchie « naturelle » (où le « pouvoir incarne la Loi » selon L-M. Mazenq) est parfaitement illustrée dans les propos de M. Ricard à propos des souhaits du Dalaï-Lama :
« Dans cet esprit, le Dalaï-Lama estime qu'il serait extrêmement bienfaisant de créer une société de sages constituée de personnes reconnues par leur sagesse, leur altruisme et leur ouverture d'esprit. Ces sages défendraient les intérêts non plus des nations, mais de l'humanité toute entière. Seule une telle assemblée aurait une chance de résoudre des problèmes globaux, comme ceux de l'environnement, de la surpopulation, des droits de l'homme, etc. » Le désir d'une « société de sages », sorte d' « aristocratie spirituelle » qui régnerait sur l'humanité entière...
p. 186
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Mis à part quelques articles comme celui de B. Faure(1) qui vont à l'encontre des images et discours stéréotypés, le bouddhisme est largement crédité d'une modernité qui lui serait intrinsèque (une « religion à la carte(2) ») et d'une ouverture qui va à l'encontre des monothéistes. Comme le fait H. Tincq, auteur de plusieurs articles sur le bouddhisme dans plusieurs journaux et magazines, c'est l'absence de dogme et de prosélytisme qui est plébiscité(3). Les maîtres y sont dépeints comme des sources de bénédiction et le caractère institutionnel, bureaucratique et hiérarchique du bouddhisme tibétain est relayé au second plan, voire absent du propos. L'importance accordée à l'image, aux photographies esthétiques, favorise les perceptions positives à son égard.
Dans un article du numéro sur le Tibet de Vogue, on peut lire de Dashang Kagyu Ling : « l'hospitalité des lamas est grande. Même si le bouddhisme ne vous inspire guère, vous pouvez louer des chambres ou studios de l'Institut Marpa (confort assuré) et passer à Kagyu-Ling des vacances tranquillisantes ». Cette insistance sur le caractère touristique des centres se retrouve massivement dans les magazines bouddhistes comme le bimestriel Samsâra et le mensuel Bouddhisme Actualités.
Dans ces revues, la marchandisation du bouddhisme est présente : on trouve des pages « boutique » où sont vendus à la fois de l'artisanat tibétain, des objets militants pour la cause tibétaine, des CD, des DVD des enseignements du Dalaï-Lama ou d'autres …
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(1) « Le bouddhisme n'est pas un pacifisme », Le Monde, vendredi 12 octobre 2001.
(2)Qui fait écho au « bricolage » de C. Lévi-Strauss dans La pensée sauvage, Pion, Paris, 1969.
(3) « La force tranquille du bouddhisme en France », Le Monde, mercredi 30 octobre 1996, p. 3.
p. 172
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Médias, presse et éditeurs
D'une manière générale, les médias, la presse écrite et la grande majorité des éditeurs s'intéressant au bouddhisme en donneront une image essentiellement positive. L'adhésion de représentants de ces organes de diffusion d'idées et de fabrique d'opinion au bouddhisme, vient souvent influencer leurs écrits. Mais le bouddhisme est aussi devenu un objet de consommation, il fait vendre. Il n'y a pas que les publicitaires qui vont exploiter le bouddhisme et le Tibet. Les éditeurs, les écrivains, les journalistes et les cinéastes vont également s'emparer du phénomène. Selon leurs inflexions personnelles mais aussi par opportunisme financier (les ventes bouddhiques rapportent), certains vont déployer une logique apologétique. Ce marché fort juteux est visible lors d'un simple détour au rayon « Bouddhisme » ou « Spiritualités Orientales » des grandes librairies ou à celui des librairies ésotériques. On y trouve une quantité d'ouvrages vulgarisateurs aux côtés d'enseignements canoniques sous forme de « catéchisme » de plusieurs maîtres. Ces ouvrages font l'apologie du bouddhisme à la lumière de l'expérience personnelle (réelle ou fictive) de l'auteur …
p. 169
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Les centres sont devenus pour certains des organisations matérielles importantes (divers édifices religieux, bâtiments pour les résidents et pour les hébergements ponctuels, terrain avec jardin, camping, etc.) et sont capables d'accueillir des milliers de personnes pour des événements particuliers, comme des périodes d'enseignements de dignitaires religieux. Pendant les premières années de l'établissement des communautés bouddhistes tibétaines, le Dalaï-Lama était une figure respectée par la majorité des écoles et des maîtres. Cependant, et suite aux dissensions et conflits de l'exil entre lignées religieuses, et particulièrement la prééminence Guéloug dans le GTE et l'instrumentalisation du bouddhisme à des fins politiques (soutien à la cause tibétaine), certaines écoles, mais plus encore certains maîtres et disciples ont pris leur distance avec le pontife, souhaitant séparer les activités politiques des activités religieuses, comme le préconisait le XVIe Karmapa, aiment à dire les disciples de ce dernier. Lors de ses déplacements en France, le Dalaï-Lama attire des milliers de personnes et sa popularité ne fait que servir les centres où il accepte de se rendre. L'enjeu est donc grand pour les centres qui reçoivent sa visite.
p. 165
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Exemples d'entités juridiques
Les premiers centres ont dès leurs premières années d'existence, eu des activités plutôt restreintes et intimistes, du fait des conditions matérielles (tout était à construire). Depuis, certains se sont dotés d'infrastructures hôtelières modernes, dispensent des enseignements ouverts à tous et se tournent vers des actions sociales et caritatives. Peu à peu, d'abord association à vocation culturelle, certaines associations se sont dotées d'une entité cultuelle et ont également, pour plusieurs d'entre elles, créé d'autres associations culturelles venant s'insérer dans le projet commun de l'association initiale. Des sociétés commerciales ont aussi vu le jour, permettant de commercialiser différents objets et d'avoir une maison d'édition. Nous donnons quelques exemples de ces formes juridiques, en n'oubliant pas que ces choix ont été faits par les personnels administratifs des centres, des Occidentaux souvent proches des maîtres à qui ils demandaient l'aval, une approbation qui pour certains ne pouvait être que symbolique ; le maître tibétain ne parlant quelquefois uniquement le tibétain ou son dialecte local et n'étant pas au fait du droit français en matière de juridiction associative. Ce qui n'empêchait pas une orientation. Lama Guendune, par exemple, voulait que le monastère du Bost se développe comme les monastères chrétiens. Grâce aux multiples entrevues avec des personnels de plusieurs centres (quelle que soit la lignée), il est apparu que, proche des maîtres, se trouvent souvent des avocats, des juges ou des individus aux compétences précises dans les domaines du droit et des finances et qui ont pu gérer les questions administratives et financières.
p. 163
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Nombre de centres se sont d'abord constitués en associations culturelles avant de se transformer, pour certaines, en associations cultuelles. Plusieurs centres disposent des deux entités juridiques. Pour participer aux différentes activités que propose une association culturelle à but non lucratif, il est légalement indispensable d'en être membre. Les cotisations correspondant au prix de la carte d'adhésion de ladite association sont très variables. L'association cultuelle, régie par la loi de séparation des Églises et de l'État de 1905 est une association dépendante de la loi 1901 à but non lucratif, mais qui a pour objet l'exercice exclusif du culte. Certaines associations n'ont qu'un but culturel alors même qu'elles proposent, diffusent et dispensent des enseignements bouddhistes. La réglementation de l'État en ce qui concerne la séparation entre le cultuel et le culturel est assez floue, les motivations des lois de 1901 et 1905 ayant perdu de leur actualités(1). De plus, il existe deux formes juridiques d'associations cultuelles, celles constituées selon le droit local et celles qui dépendent de la loi de 1905. Les premières bénéficient d'avantages fiscaux et ne sont pas obligées de limiter leur objet à l'exercice du culte comme les secondes(2). En un mot, le régime des lieux de culte manque de clarté.
Dix congrégations religieuses d'obédience tibétaine ont été reconnues par le Conseil d'État. Le terme « congrégation » vient du latin « troupeau », « congregatio » : confrérie de dévotion/paroisse. Les congrégations ont pour origine la loi de 1901 mais ne sont assimilables ni aux associations régies par les titres I et II de la loi de 1901, ni aux associations cultuelles de 1905. La congrégation est soumise à la « juridiction de l'ordinaire du lieu de l’implantation » par une autorité religieuse reconnue. Elle doit respecter plusieurs critères dont « l'engagement et les activités des membres soient inspirés par une foi religieuse, existence de vœux, vie communautaire sous une même règle, autorité d'un supérieur investi de pouvoirs particuliers et relevant lui-même de la hiérarchie propre à la religion dont il se réclame » ; « la pratique d'un culte, l'exercice exclusif de ce culte ». L'existence de vœux doit être précisée. Dans plusieurs congrégations tibétaines comme à Dashang Kagyu Ling, un seul lama est moine dans la communauté. À Dhagpo Kagyu Ling, la communauté est mixte mais les jeunes novices ne vivent pas dans un monastère mais dans une cabane en bois construite au milieu du centre ou dans des caravanes. Précisons que si l'existence de vœux est un « critère majeur de reconnaissance d'une congrégation selon la doctrine administrative », le décret des 13 et 19 février 1790 qui supprimait les vœux solennels attachés à la vie contemplative monastique et aux grands ordres religieux, est toujours en vigueur(3).
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(1) « Le problème de l'imbrication des fonctions se retrouve à propos de la conception des édifices du culte qui deviennent de plus en plus des centres communautaires, comportant de nombreuses salles de réunion ou des logements. Cette évolution correspond aux nouvelles formes de vie religieuse et rejoint paradoxalement les conceptions des centres israélites ou des mosquées, où l'on pratique à la fois des activités d'enseignement et de culture, des ablutions, des repas rituels en commun, des soins médicaux et une entraide sociale. Comment séparer alors le cultuel de tout le reste ? » Alain Boyer, « Congrégations et associations cultuelles », CERAS, Les religions dans la cité, n°267, automne 2001, La Revue Projet, Publications.
(2) « Réflexions sur la laïcité. Considérations générales : Un siècle de laïcité », Rapport public adopté par l'Assemblée Générale du Conseil d'État le 5 février 2004, p. 268.
(3) « Si la pratique des vœux perpétuels demeure, le Conseil interprète les obligations posées par le texte de 1790 comme signifiant que ne peut figurer dans les statuts des établissements congréganistes soumis à son approbation « la mention de vœux perpétuels ou définitifs, laquelle serait contraire aux dispositions toujours en vigueur du décret des 13-19 février 1790 selon lesquelles les vœux ne sont pas reconnus par la loi ».
p. 161
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Des alpinistes ont défendu et défendent la cause tibétaine à travers des associations humanitaires, en France mais aussi au Népal.
Ceux qui témoignent d'une sympathie à l'égard de la cause tibétaine et qui s'engagent à la défendre par diverses actions militantes, humanitaires ou politiques participent à la promotion de la culture tibétaine (religieuse et culturelle), et de ce fait du bouddhisme. L'activisme militant et la politisation du bouddhisme tibétain sont plus ou moins concomitants à l'institutionnalisation du dharma, qui, en tant que religion récemment installée sur le sol français, va bénéficier de certaines faveurs que d'autres religions installées depuis plus longtemps, peinent à obtenir.
p. 157
Il en résulte que le bouddhisme est « l'altérité rassurante et indolore qui permet de prétendre que l'on accepte des différences qui ne sont qu'apparentes et qui ne mettent pas en péril la culture dominante ». L'univers social de complaisance à l'égard du bouddhisme tibétain lui a donc permis d'accéder à un statut enviable, « bénéficiant d'une normalisation institutionnelle et psychologique ». Remarquons que les maîtres tibétains les plus connus en France et ayant comme résidence principale l'hexagone ne sont pas considérés comme des réfugiés politiques et ont pris la nationalité française sans trop de difficultés51.
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note 52 : Ce fut Bernard Lebeau alors président de l'U.B.F et de Dhagpo Kagyu Ling l'acteur principal de la démarche*. L'UBF rassemblait à l'époque de nombreux Francs-Maçons selon plusieurs témoignages. On retrouve de ce fait, dans de nombreux centres pionniers, des Francs-Maçons aux fonctions administratives.
* ( le Conseil d'État accorde pour la première fois à une association non-catholique, la reconnaissance légale en tant que congrégation religieuse à la communauté Dhagpo Kagyu Ling — Karma Dharma Chakra — en 1988)
p. 160
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Ces maîtres nient habituellement l'utilisation d'un quelconque prosélytisme, également nié par nombre d'observateurs et d'adeptes, ce qui contribue à son efficacité réelle et empirique. D'autres apparaissent plus froids et distants. Il faut dire que nombre de maîtres « mettent tout en œuvre pour entretenir la fiction que l'adhésion de leurs disciples résulte d'un choix conscient et rationnel » comme l'évoque L. Obadia. Sur le terrain, j'ai pu constater l'efficacité de cette fiction, agrémentée d'une forte idéalisation et fascination du maître. On peut facilement parler “d'hagiolâtrie” comme récrivait M. Weber en faisant référence aux laïcs et à leur adoration des lamas. Objet de projections, le maître est pour de nombreux fidèles « ce qu'il y a de plus précieux » dans leur vie. Lama Mönlam me confie que les lamas tibétains sont des « missionnaires invités par des Occidentaux » et qu'ils « doivent répandre le dharma dans le monde entier pour le bien de tous les êtres ». Cette acceptation et revendication d'une mission bouddhique sont rarement énoncées comme telles.
p. 143
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Il relève que le cas du bouddhisme tibétain se prête particulièrement bien à cette démonstration, les maîtres tibétains ajustant leur message aux idéologies et aux valeurs occidentales en offrant aux laïcs une « voie de salut qui correspond à leurs aspirations » Effectivement, pour s'intégrer dans notre société, les maîtres adoptent un discours moderniste qui fait du dharma la médecine la mieux adaptée pour des Occidentaux noyés dans le matérialisme et le consumérisme. Ils reprennent, comme les apologistes, le discours qui occulte la réalité religieuse du bouddhisme pour n'en faire qu'une science, une philosophie, un chemin spirituel ou une sagesse. Dans tous les prospectus et autres brochures des centres, il est rarement question de religion, mais bien de « science de l'esprit » où de voie spirituelle. La rhétorique consiste à présenter le bouddhisme tibétain comme atemporel, aculturel et authentique. Il s'agit là essentiellement d'un choix stratégique d'adaptation au discours moderniste qui veut que l'homme soit rationnel et pragmatique.
p. 141
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2. Propager le dharma
2.1. Stratégies d'adaptation
Une majorité de lamas tibétains qui s'installent sur le territoire français pour y prêcher le dharma, adopte une logique missionnaire, logique reprise par plusieurs de leurs homologues occidentaux. Comme c'est le cas dans le développement des groupes hindouistes en Occident, « les disciples soutiennent les activités missionnaires des gurus d'un point de vue logistique et matériel, et deviennent des relais de leur enseignement ». Avec L. Obadia, il faut noter l'incontournable propagande tibétaine sans que celle-ci soit forcément dirigée et contrôlée par les autorités tibétaines en exil. L. Obadia mentionne que « l'efficacité de la propagande bouddhiste tibétaine résulte très directement (sinon délibérément ?) de la double occultation du caractère missionnaire et de la dimension institutionnelle de la religion bouddhique ». Il souligne également que les lamas tibétains agissent en vertu d'un « habitus religieux », avec des « croyances et des techniques de persuasion qui leur ont été inculquées et qu'ils mettent en œuvre en ce qu'ils pensent être la vérité ». Ils ne sont, pour autant, « ni des manipulateurs ni des calculateurs ». Pour ma part et m'en tenant à mes propres observations, je dirais que certains maîtres, et ce, qu'ils soient d'origine tibétaine, bhoutanaise ou occidentale, peuvent faire usage de procédés « manipulatoires(1) », et, comme dans l'Himalaya par le passé (mais également aujourd'hui), certains peuvent avoir une « moralité douteuse ». Tous ne sont pas concernés par la recherche de l'Éveil, le bonheur d'autrui et la cessation de leurs souffrances mais aussi par l'obtention de « prospérité matérielle ou renommée dans ce monde » et les moyens utilisés pour cela ne sont pas tous conformes à l'éthique bouddhiste, comme il n'en a d'ailleurs jamais été le cas. Même si ses propos semblent naïfs, ils ont le mérite de retranscrire une tension structurante de l'autorité des maîtres et de la représentation que s'en font une majorité d'Occidentaux. M.E. Spiro soulignait que les bouddhistes diffèrent peu des autres personnes en général et le fait qu'ils ne souscrivent pas à toutes les doctrines normatives du bouddhisme est une indication de leur similarité avec les autres108. Dans le Vajrayana, les différentes activités des maîtres peuvent toujours être considérées comme l’œuvre d'un bodhisattva et à cet égard, ne peuvent être soumises à la critique (du point de vue de certains enseignements). De plus, c'est souvent une rhétorique relativiste, usant du dogme de la double vérité, qui vient justifier et légitimer les éventuelles frasques d'un maître.
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(1) P. Breton définit manipulatoire comme une « action violente et contraignante, qui prive de liberté ceux qui y sont soumis ». La manipulation s'appuie sur une « stratégie centrale », restreindre la liberté de l'auditoire d'une manière invisible. Cf. La parole manipulée, op.cit., p. 24-25.
p. 139 et 140
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Dilgo Khyentsé Rinpoché crée un centre plus haut sur la même colline (au lieu-dit « La Sonnerie ») en 1978, Shétchen Tenyi Dargyéling. Un centre de retraites de trois ans y est également bâti (dont l'association Songsten Chanteloube basée à « La Bicanderie » placée sous l'autorité de Tulkou Péma et sa famille) en 1980, pour les disciples de Kangyour Rinpoché, Dilgo Khyentsé Rinpoché et Dudjom Rinpoché, et placé sous la responsabilité de Tulkou Péma Wangyal. Lama Kunzang, après avoir fondé un centre en 1972 en Belgique, fonde Nyima Dzong en France en 1974, appartenant à son réseau de centres OKC, dans le Sud de la France, près de Castellane. Le centre est placé sous l'autorité spirituelle de Kangyour Rinpoché et particulièrement son fils, Péma Wangyal. Seul centre entièrement communautaire, vivant en quasi-autarcie, Lama Kunzang et son centre ont fait l'objet d'une instruction judiciaire et Lama Kunzang fut mis en détention judiciaire pendant six mois. Avec Lama Denys et Ole Nydahl, il sera parmi les premiers Occidentaux à porter le titre de lama tout en administrant plusieurs centres.
p. 134
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En Bourgogne, Dashang Kagyu Ling (aussi appelé « Temple des Mille Bouddhas ») est le premier à avoir accueilli les retraites de longue durée. Placé sous l'autorité de Kalou Rinpoché et dirigé par des lamas bhoutanais, ce centre a connu des difficultés de gestion. Plusieurs versions coexistent quant à son historique. Dans la version officielle, la plus commune, la propriété abritait un château en mauvais état investi par une petite communauté d'artistes ayant fondé l'association Padma Christi, syncrétisme entre la tradition chrétienne et la religion bouddhiste. Certains membres étaient partis en Inde et d'autres avaient rencontré Kalou Rinpoché en Écosse. Suite à des mésententes, quelques-uns décidèrent d'inviter Kalou Rinpoché. Le couple propriétaire des lieux aurait offert le château à ce dernier en 1974(1). Leur fille, Hermès, sera la plus jeune occidentale à effectuer la retraite de trois ans. Les lamas bhoutanais choisis par Kalou Rinpoché pour diriger le centre sont Lama Seunam, directeur spirituel, Lama Orgyen, l'oumzé, « maître des rituels », Lama Shérab, supérieur de la congrégation et Lama Tempa Gyaltso(2), qui s'est occupé pendant un temps des longues retraites. Des centres-filiales existent dans d'autres régions françaises, les Kagyu Dashang Tcheu Ling.
...
On remarque, sur le territoire et dans les organisations destinées à unifier la lignée Karma-Kagyü, une scission que viendra matérialiser « l'affaire des Karmapa » dans laquelle deux camps vont s'opposer, chacun soutenant sa réincarnation du XVIe Karmapa. La concurrence interne au sein des lignées est de ce fait active, et ce, depuis le début de l'introduction du dharma en France. La lignée Karma-Kagyü est ainsi scindée en deux factions, tout en restant la lignée la plus importante en termes de nombre de centres, d'adeptes et de maîtres.
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(1) Selon des témoins de l'époque, les propriétaires du Château (un couple) auraient été plus ou moins forcés de faire une donation à Kalou Rinpoché par Mme Eysseric qui en contre partie devait éponger les dettes de l'association Padma Christi et faire restaurer le château puis entreprendre la construction des centres de retraites. Lama Migyur, bras droit du responsable de la Congrégation, me dira que le château n'a pas fait l'objet d'une donation mais a été racheté par Kalou Rinpoché et deux autres personnes.
(2) Ce lama moine en retraite la plupart du temps, était un tibétain apatride qui était en Inde quand les Chinois sont entrés au Tibet. Il a dû se marier avec une nonne pour pouvoir s'installer en France. C'est Lama Tempa Tendar qui l'a remplacé, le frère de Lama Shérab.
p. 131
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Nombre d'observateurs s'accordent pour dire que les bouddhistes tibétains « aiment à construire(1) », les projets de restauration et d'agrandissement, de création de nouveaux centres par l'achat de châteaux, de domaines et autres bâtisses, la fabrication de stûpa, de temples et parfois de monastères, etc., sont fréquents et les appels aux dons et à la générosité de chacun (usant de la rhétorique de la compassion et de la paix dans le monde) en sont une des conséquences. Certains ont un souci réel d'expansion et ont des projets financiers et matériels très vastes. Le nombre d'associations (centres) s'est vu décuplé après les années 1990, mais toutes les lignées tibétaines ne sont pas quantitativement représentées de la même manière.
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- Ces données ne sont qu'une approximation, la difficulté de recenser tous les centres, leur date de création et aussi parfois leur date de cessation d'activité est un frein à la comptabilisation précise des centres sur une période de plus de trente cinq ans.
(1) Comme le note R. Liogier, (2004: 270). Les projets sont parfois tellement coûteux que les demandes de dons s'étalent sur de nombreuses années et que des emprunts importants sont réalisés, d'où l'endettement de certaines organisations.
p. 126
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II. LE MAITRE, AGENT ACTIF
Les mécènes, par leur apport financier et matériel sont essentiels tout comme le sont les disciples fervents qui s'impliquent dans les projets de leurs maîtres. Les plus généreux, ayant un statut social élevé, sont souvent les plus proches des maîtres. Cependant, les lamas tibétains œuvrant à la propagation du dharma en faisant le don de ce dernier, sont loin d'être passifs et ne se consacrent pas uniquement aux fonctions religieuses. En se référant à une généalogie mythique, à une biographie ponctuée d'actes extraordinaires qui en font à leur tour des personnages hors du commun (ce qui marque une continuité avec les fameux namthar, ces hagiographies destinées à « enregistrer les traces d'une sainteté objective »), la majorité des maîtres de toutes générations vont participer, parfois activement, à l'édification de leurs centres mais surtout, à l'affermissement de leurs caractéristiques saintes. Les changements de statut sont d'ailleurs notoires. Par exemple, plusieurs Tibétains venus en tant qu'étudiants et préalablement reconnus comme des réincarnations d'abbés de petits monastères au Tibet changent leur statut d'étudiants en tülkou.
Dans un autre contexte, celui de l'Afrique, A. Richards envisage « les "mécanismes" de maintien et de transfert des "droits politiques" c'est-à-dire les procédés et les stratégies permettant de conserver le pouvoir, les privilèges et les prestiges ; et remarque qu'ils impliquent la référence à un passé plus ou moins mythique, à des actes de fondation, à une tradition ». L'importance accordée au lignage ininterrompu et à une lignée spécifique de transmission est constitutive du pouvoir incarné des maîtres, notamment des tülkou. Leur qualité supra humaine fait qu'ils doivent être envisagés comme des bouddhas vivants.
p. 124
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Les différents mouvements spirituels et religieux qui apparaissent dans les années 1970-1980 en France, à partir de petites communautés libertaires, vont correspondre à la « nébuleuse mystique ésotérique » décrite par les sociologues, avec, dans une large mesure, un recours à la pensée holistique et une certaine nostalgie des pouvoirs et des fonctions des sociétés traditionnelles, comme le note L-M. Mazenq. C'est à cette époque que les premières communautés bouddhistes françaises d'obédience tibétaine voient le jour, souvent influencées par les groupes relevant de cette nébuleuse.

I. DES « CATALYSEURS » :KANGYOUR RINPOCHE, KALOU RINPOCHE ET LE XVIe KARMAPA
Le terme catalyseur désigne la capacité d'un être, en l'occurrence d'un maître, à susciter, déclencher et mobiliser des affects positifs, engendrant des comportements (sociaux, religieux, politiques et économiques) favorisant son activité. Les lamas rencontrés en exil vont personnifier l'image du saint et du yogi au charisme extraordinaire, qui contrastera souvent, aux dires de témoins, aux maîtres spirituels rencontrés dans leur religion d'origine (essentiellement le catholicisme). La figure du maître, supérieure au commun des mortels, est mise en exergue : considérés comme des êtres exceptionnels, des modèles de sainteté, les maîtres vont être divinisés par les Occidentaux.
La figure paternelle est utile pour comprendre les mécanismes et les rouages des relations de maître à disciple en contexte occidental. En effet, même si dans des textes traditionnels, on trouve les notions de « père lama » et de « fils spirituel », la connotation parentale est marquée chez nombre de disciples que j'ai pu rencontrer. Le travail de Vassilis Saroglou sur la question du père dans le monachisme chrétien, Structuration psychique de l'expérience religieuse, est à cet égard éclairant. L'étude de P. Bishop, Dreams of Power, également, notamment lorsqu'il fait référence à la manifestation du père divins dans le bouddhisme tibétain traditionnel et la continuité de cette réception dans l'imaginaire occidental.
En 1964, le journaliste A. Desjardins se rend avec sa famille auprès du Dalaï-Lama pour lui demander de filmer des cérémonies initiatiques, afin de faire découvrir aux Occidentaux le tantrisme tibétain. Le succès de ces documentaires est tel qu'il provoque des départs afin de rencontrer ces maîtres de sagesse comme pour Matthieu Ricard et le futur Lama Denys. Les connexions faites en Inde entre disciples et maîtres permettent d'organiser des voyages et de procéder à la diffusion du dharma à l'Ouest.
Les premiers Occidentaux, pionniers de l'implantation du dharma en France, sont souvent des mécènes, pourvoyeurs de ressources financières. Pour la plupart, ils sont issus d'un milieu fortuné, tout au moins relativement aisé (comme M. Ricard ; O. Nydahl, Denis Esseyric, R. Spatz, B. Benson, etc.) et ils ont, en plus d'avoir un capital économique important, souvent accès à de nombreuses relations et à différents réseaux pour contribuer à l'établissement du dharma en France et participer à son implantation matérielle. Ces dispositions sont nécessaires car ce sont eux qui vont les premiers mobilisés leurs connaissances afin que leur(s) maître(s) puissent s'installer dans les meilleures conditions. Ils vont également partager leur enthousiasme et vont pour cela procéder à des actions de prédications. En présentant leurs amis et autres relations aux maîtres qu'ils souhaitent seconder, ils vont, avec l'accord de ses derniers, déployer diverses stratégies afin de fonder des associations, réaliser des publications, des conférences et des expositions dans le but de faire connaître le dharma et ses maîtres nouvellement arrivés sur le territoire. Certains vont également se lancer dans la fondation de leur propre centre sous l'autorité de leur maître, mobilisant à la fois des ressources matérielles et relationnelles importantes.
En usant de l'approche prosoprographique, il est nécessaire de présenter ces différents acteurs, les maîtres n'ayant pas réalisé seuls leurs desseins. Parfois même, ils ont été plus ou moins contraints et mobilisés par des disciples enthousiastes d'enseigner le dharma et de venir en Occident.
p. 113 et 114
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Conclusion
Le principe de transmission par réincarnation (système des tülkou) est d'une importance capitale dans le monde indo-tibétain en tant que recherche d'une continuité mais également parce qu'il permet aux Tibétains de maintenir un monde social cohérent et significatif. Après le Ve Dalaï-Lama, le Tibet entre dans une « direction bodhisatvacratique » qui peut rappeler la « dynastie karmique des Dalaï-Lamas » dont parle R. Liogier. L'alliance entre le religieux et le politique (chos srid gnyis ldan) et également entre le monde visible et invisible sont des traits essentiels du bouddhisme tibétain qu'il ne faut pas sous-estimer.
Suite à l'entrée en force de la Chine, de nombreux maîtres et autres religieux quitteront leur terre pour s'exiler en Inde, au Népal et au Bhoutan. Ces derniers vont être confrontés à des problématiques inédites : la survie et la sauvegarde de leur religion mais plus encore la sauvegarde des lignées, la préservation de leur culture, la reconstruction des institutions bouddhiques tibétaines avec pour corollaire la dépendance aux fonds étrangers (souvent occidentaux), la transmission aux jeunes générations de tülkou, la promotion de la cause tibétaine, etc.
L'exil des principaux religieux tibétains (à partir de 1950), l'action politique et religieuse du Dalaï-Lama et l'engouement de jeunes Occidentaux pour les spiritualités orientales sont les prémices d'une propagation du dharma à l'Ouest. Parallèlement, les problématiques économiques, sociales et politiques nées de l'exil, le centralisme de l'école Guéloug et les rivalités entre maîtres auront des conséquences sur les orientations des différents lamas, sur leur politique de préservation, de transmission et sur les conditions de diffusion de leur religion. Les premiers maîtres arrivés en France — dans le but d'enseigner le dharma seront dépendants financièrement de leurs mécènes occidentaux. Cependant, ces mécènes vont être religieusement dépendants de leurs maîtres, ces derniers leur offrant le « don du dharma », supérieur aux autres dons. Tous ces maîtres ne peuvent être perçus comme des missionnaires patentés ; certains préféreront la discrétion et la sélection de disciples pour mener à biens leurs projets. D'autres ne demandaient pas à venir en Occident et ont répondu à la requête de leur propre maître. Les conditions économiques seront déterminantes dans bien des cas. Avec un rôle de tout premier plan, nombre de lamas, notamment des tülkou, les plus emblématiques et les plus fascinants, vont être à la fois vénérés comme des hommes et des êtres quasi-divins par les Occidentaux. Le mythe du Tibet et de sa religion participe de fait à l'accueil favorable des maîtres et à l'installation de leurs lignées par l'établissement de lieux de culte qui vont connaître une rapide expansion.
Comme le souligne P. Bishop, lorsque le bouddhisme tibétain arrive en Occident, seule une fraction de la structure religieuse a fait le voyage, seuls les spécialistes s'établissent à l'Ouest. Nous ne retrouvons pas non plus le système social tibétain. Ainsi, c'est à une partie seulement de l'institution bouddhiste tibétaine que nous avons à faire.
p. 109 et 110
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