En revenant de l'école, Salme m'offrit un dessin. Taïme me tendit un tissu brodé de la taille d'un mouchoir. Les motifs entremêlés ne signifiaient rien pour moi mais ils contenaient toute l'affection pudique que Taïme voulait m'exprimer. Je sentis une digue lâcher tranquillement au fond de ma poitrine. Je souriais de toutes mes dents, emplie de joie et de reconnaissance envers cette femme qui me tendait maintenant les bras. Elle était plus jeune que moi et semblait porter toute la sagesse du monde.
Les livres étaient mes trésors, plus précieux que des rubis. Je les choisissais dans la bibliothèque de l'hôtel, classique mais fournie. Je les traitais avec délicatesse, les ouvrais sans faire de pli sur la tranche et refusais d'y laisser la moindre trace de mon passage. J'accumulais dans d'épais cahiers lignés que papa avait récupérés Dieu - sait - où les citations qui me plaisaient, les mots qui m'emportaient, et des listes de romans à découvrir.
Cet épisode eut l'étonnant effet d'apaiser ma propre culpabilité vis-à-vis de Vincent. Tandis que je m'évertuais à convaincre Maria qu'elle n'y était pour rien dans cet accident, je me persuadais moi-même sans le vouloir que Vincent avait lui aussi été victime de cette fatalité : au mauvais endroit, au mauvais moment.