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Critiques de Cédric Leterme (5)
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Chine : L'autre superpuissance

Interroger les récits téléologiques et réducteurs



« le rapport occidental à la « menace chinoise » est loin d’être universel. Et les représentations d’une Chine conquérante, homogène et univoque, souvent exagérées. ». Dans son éditorial, Cédric Leterme discute de performances économiques, de retour du « péril jaune », d’atelier du monde, de brevets déposés, de planification et de coordination étatique (je ne pense cependant pas que cela représente un « modèle alternatif »), de concentration de pouvoir, de « virage autoritaire, nationaliste, conservateur », de la place des différents pays au sein des institutions internationales, de système financier, « le cœur du pouvoir hégémonique américain réside toujours dans le « privilège exorbitant » que leur confère le statut de monnaie de réserve internationale du dollar », de « monde libre » et d’interventions militaires et de néocolonialisme…



S’il est exact que « la Chine partage un héritage commun avec le Sud – à la fois comme victime de l’impérialisme et du colonialisme et comme acteur majeur du tiers-mondisme ». Cela ne présume rien sur les politiques développées, d’autant, comme le rappelle Cédric Leterme, « La Chine d’aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec la Chine de Bandung, et son insistance sur les relations « gagnant-gagnant » cache mal des asymétries croissantes dans ses rapports économiques et politiques avec le Sud ».



L’éditorialiste aborde les convergences d’intérêts entre bourgeoisies du Sud, l’importance du continent africain pour les entreprises et l’Etat chinois, les accaparements de terres et de ressources, les relations avec les pays d’Amérique du Sud, le piège de la dette, la notion de nouvel impérialisme chinois « à condition d’en reconnaître les spécificités ». Il souligne, contre les visions réductionnistes d’une Chine « homogène et univoque », la place des autorités locales, les difficultés de gestion des contradictions, la croissance des inégalités, les dégradations environnementales, « la concentration et le durcissement considérables du pouvoir », des résistances internes à la société, des dynamiques syndicales ou féministes.



Sommaire :



Editorial : Cédric Leterme : Au-delà de la « menace » chinoise



Point de vue du Sud



Monde



Entretien avec Au Loong-Yu : L’ascension de la Chine comme puissance mondiale



Walden Bello : Les « nouvelles routes de la soie » : plan de domination ou stratégie de crise ?



Eric Harwit, Yu Hong : Le développement de l’internet chinois sur la scène mondiale



Afrique, Amérique latine, Asie



Hoang Thi Ha : Un même lit, mais des rêves différents pour la Chine et l’ANASE



Rubén Laufer : Les «nouvelles routes de la soie » et l’Amérique latine : un autre Nord pour le Sud ?



Ilaria Carrozza : Chine-Afrique : de la rhétorique postcoloniale aux défis de l’après-covid



Enjeux internes



China Labour Bulletin : Droits des travailleurs et relations de travail en Chine



Cai Yiping : Mouvements et droits des femmes en Chine: entre le covid-19 et Pékin+25



Lau Kin Chi : Crise écologique et politiques de développement « durable » en Chine



Shawn Shieh : La refonte de la société civile Chinoise sous Xi Jinping



Le premier article est un entretien avec Au Loong-Yu. Je rappelle son livre :



La Chine. Un capitalisme bureaucratique. Forces et faiblesses



https://entreleslignesentrelesmots.blog/2013/12/02/la-main-invisible-du-marche-est-toujours-soutenue-par-la-botte-visible-de-letat/



ainsi que plusieurs articles sur Hong Kong :



Hong Kong en révolte : Une conversation avec Au Loong-Yu



https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/09/28/hong-kong-en-revolte-une-conversation-avec-au-loong-yu/



L’émergence d’une nouvelle génération : la révolte de Hong Kong vue par un témoin oculaire



https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/08/28/lemergence-dune-nouvelle-generation-la-revolte-de-hong-kong-vue-par-un-temoin-oculaire/



« Tout ce que vous devez savoir sur les manifestations de Hongkong »



https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/06/22/tout-ce-que-vous-devez-savoir-sur-les-manifestations-de-hongkong/



L’auteur revient, entre autres, sur l’héritage colonial de la Chine, l’importance de Hong Kong pour la modernisation du sous-continent, la place de la paysannerie « atomisée », le franchissement des « étapes » de développement, la rapidité de la modernisation capitaliste, l’accumulation dépendante et le bas de chaine de valeur mondiale, l’accumulation autonome, la rétro-ingénierie, la division interne du travail « entre les trois parties du pays », le retard sur les semi-conducteurs…



Il discute des faiblesses politiques de la Chine, du système gouvernemental qui n’assure pas « une succession pacifique du pouvoir d’un dirigeant à l’autre », des tensions au sein du « Parti communiste », de la volonté de s’emparer de Taïwan et de réaliser « l’unification nationale » et des ambitions impériales, des programmes « Chine 2025 » et « Nouvelle route de la soie », du développement de capacités technologiques indépendantes, de la chaine de valeur mondiale, de la construction d’infrastructure dans l’Eurasie, de surproduction et de surcapacité, de néolibéralisme mondial, « Je ne pense pas qu’il soit faux de dire que la Chine fait partie du néolibéralisme mondial », d’Etat capitaliste distinct et de puissance expansionniste, des rapports de classe internationaux, d’autodéfense légitime, du droit à Taïwan à l’autodétermination, de la Chine comme pays impérialiste « avec des faiblesses fondamentales », de l’absence de droits des travailleurs et travailleuses en Chine, de l’importance de voix anti-impérialistes dans la gauche étasunienne…



Je choisis, très subjectivement, de mettre l’accent sur certains éléments des autres articles.



Walden Bello discute des « Nouvelles routes de la soie », des surcapacités de l’économie chinoise, d’internationalisation de cette surcapacité, des discours et des réalités, d’exportation de la crise environnementale, des financements pour les industries extractivistes, d’un « projet technocratique descendant et obsolète »…



D’autres articles abordent les luttes géopolitiques autour des technologies, les pouvoirs et internet, les relations asymétriques entre l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Anase) et la Chine, les effets des investissements et des prêts pour des superstructures, les partenariats commerciaux, les contenus normatifs d’un nouvel ordre régional, l’exploitation des ressources, les impacts environnementaux, les relations avec les pays d’Amérique du Sud, la production de biens primaires et la désindustrialisation, « L’énorme demande chinoise en aliments et matières premières a ouvert un marché alternatif pour de nombreux pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine et Caraïbes », l’érosion des processus d’intégration régionale, le contrôle de matières stratégiques, la diplomatie financière, l’engagement dans des activités de sécurité notamment en Afrique, des réponses à la pandémie de covid-19…



Je souligne la partie « Enjeux internes », les droits des travailleurs et travailleuses, les relations de travail, les évolutions réglementaires, les prérogatives des « entrepreneurs privés », les comités d’arbitrage des conflits du travail, la place de la médiation, les actions collectives, la forte limitation du droit syndical, les ong de défense des salarié·es, le mouvement et les droits des femmes, Pekin+25, la résurgence « des normes culturelles patriarcales conservatrices », les discours consuméristes, le renforcement des stéréotypes sexistes par les algorithmes, l’absence de « définition juridique de la discrimination en droit chinois », la crise écologiques et les politiques environnementales, les effets des millions de petits bruleurs de charbons, les déviations des eaux, les effets de la métropolisation, le coût de la « croissance à tout prix », la cooptation de membres de la « société civile » par le parti, les ong et les coordinations de travailleurs/travailleuses…



Il est toujours difficile d’aborder les fonctionnements socio-économiques dans une région du monde et leurs impacts dans la structuration éco-politique mondiale sans verser dans une certaine « personnalisation ». Mettre un nom, ici la Chine, tend à « nationaliser » les fonctionnements et les contradictions des systèmes concrets et historiques du capitalisme, des différentes puissances, des impérialismes, etc. Or les lectures « nationales » sont plus que discutables. Elles effacent les rapports sociaux et leurs histoires. La lecture en « pays » ou « nation » ne saurait, à mes yeux, rendre compte des hiérarchies et contradictions effectives. Elles participent d’une homogénéisation fantasmatique des intérêts de populations sous la bannière d’un drapeau. Il en est de même des formulations en termes de « menaces » (L’éditorialiste a bien raison de poser la question « une menace pour qui et pour quoi » et « des récits téléologiques et réducteurs »)…



Sans oublier que certain·es nostalgiques d’ordres assez fantaisistes mais liberticides, au nom de processus révolutionnaires réels, conjuguent les présents avec du socialisme n’ayant jamais existé…
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L'avenir du travail vu du Sud

Autres scénarios possibles contre le techno-déterministe de l’« avenir du travail »



Dans son introduction, Cédric Leterme aborde la question de l’« avenir du travail » et sa focalisation « sous l’angle étroit des conséquences (réelles ou supposées) des évolutions technologiques actuelles sur le travail ». Il interroge : « Qu’est-ce qui pousse ainsi et quasiment en même temps la Banque mondiale, l’OCDE, le G20 ou encore le FMI, pour n’en citer que quelques-uns, à se pencher sur l’avenir du travail dans des termes si étrangement similaires ? ». Des organismes souvent , pour ne pas dire toujours, peu favorable aux travailleuses et aux travailleurs, à leurs droits collectifs et individuels.



Pour l’auteur, le débat actuel se passe « en l’absence, voire au détriment, de ceux et celles qui constituent pourtant l’écrasante majorité des travailleur·euses de la planète, à savoir les travailleur·euses de ce que l’on peut qualifier de « Sud Global » ».



Il présente son ouvrage et insiste sur la parole des protagonistes du Sud elleux-mêmes, « Directement, à travers des entretiens que nous avons pu réaliser (une quinzaine en tout) avec des syndicalistes, des activistes ou des intellectuel·les du Sud. Et indirectement aussi, en mobilisant presque uniquement des travaux et des écrits produits également par des personnes originaires ou vivant dans le Sud ». Comme l’auteur l’indique aussi, « cet ouvrage participe donc du projet plus large du Centre tricontinental (CETRI) qui consiste à rendre visible au Nord la réalité et les mouvements sociaux du Sud, en essayant toujours de laisser ces derniers parler pour eux-mêmes » (voir par exemple, les numéros d’Alternatives Sud)

Il propose une critique du débat dominant à partir de savoirs et de positions originales du Sud (réalité avant tout politique et économique), revient sur certaines analyses publiées dans la revue citée, discute du soi-disant rattrapage socio-économique. Des éléments mis en avant, je souligne, la faible part du PIB accordée aux dépenses publiques sociales, la part de l’emploi formel dans l’emploi global, les fortes dépendances à l’extraction et à la transformation des matières premières, les effets de la mondialisation, la faiblesse des revenus et la place de la pauvreté…



Le livre se compose de trois parties. La première revient sur les origines et les principaux acteurs de ce débat mondial sur l’« avenir du travail ». La seconde sur les discussion sur l’« avenir du travail » et « la question plus large de l’avenir de l’économie numérique ». La troisième, en décentrement d’une focale étroitement technologique, envisage particulièrement trois éléments : « la question du modèle et des stratégies de « développement ; la question des migrations ; la question de l’organisation des travailleur·euses ». Le gros du prolétariat, de la classe ouvrière mondiale se situe au Sud. J’ajoute qu’il en est de même pour le travail domestique effectué gratuitement pour autrui par les femmes, une dimension du travail qui ne doit pas être oublié…



Cédric Leterme aborde, entre autres, l’histoire et le fonctionnement de l’Organisation internationale du travail (OIT), son tripartisme et la naturalisation de « la participation des employeurs et des rapports sociaux capitalistes dont ceux-ci sont coproducteurs ». L’auteur explique pourquoi la grande majorité des travailleuses et des travailleurs sont exclu es des dispositifs et des règles de l’OIT. Il souligne aussi les raisons de l’inadéquation de cette structure et de ses dispositifs pour la grande masse des de celleux travaillant dans le monde. Il ne faut cependant pas négliger ce socle de conventions sur lequel des syndicats peuvent s’appuyer dans certains pays.



Je trouve toujours discutable la notion de « compromis de classe » pour parler de la situation durant les « trente glorieuses » dans les pays occidentaux. Il me semble plus utile de parler de « mode de régulation » particulier du système capitaliste compte tenu du contexte et des rapports de force…







Il me semble toujours nécessaire de rappeler que le mode de production capitaliste, dans ses formes anciennes ou actuelles, ne se déploie pas de manière « symétrique » ou « égal » dans l’ensemble des régions. Les asymétries, les inégalités et les dominations sont « consubstantielles » à ses organisations. Le travail, les révolutions industrielles n’engendrent ni les mêmes conséquences ni les mêmes contradictions dans les pays « impérialistes » et dans les pays « dominés » dans la chaine de la division internationale.



Cédric Leterme souligne les perspectives étroitement technologiques des institutions. Une forme de déni des rapports sociaux. Les réformes impulsées par les organismes internationaux, plans d’ajustement structurel, privatisations, restrictions des interventions de l’Etat hors police et armée, « réformes » du travail, « nous dirigent vers le passé plutôt que vers le futur ». Une modernité sur des formes renouvelées d’exploitation des forces de travail. Les conséquences des évolutions technologiques ne peuvent être pensées hors des dominations et des « rapports d’exploitation inter et intra-nationaux », il en est de même de leurs impacts sociaux. Sans oublier leurs coûts environnementaux différenciés… Les présupposés volontairement inexacts se doublent de la négation de points aveugles – comme la situation des populations autochtones, de la masse des paysan nes ou de la situation de la majorité des femmes, etc.



A très juste titre, l’auteur souligne l’étroitesse du cadre de pensée dont « l’indépassabilité de la mondialisation et, encore plus fondamentalement, du capitalisme, sont peut-être les plus évidents, tant ils forment la toile de fond sur laquelle s’expriment ensuite éventuellement des divergences entre telle ou telle approche », ou la naturalisation du travail informel dans les économies du Sud… L’homogénéité des points de vue exprimés recouvrent bien les intérêts matériels des classes dominantes…







Ce n’est pas la première fois que le « progrès » et son « caractère inéluctable » est imaginé sur des inventions industriels. Et si les bouleversements induits par la digitalisation seront importants peut-on parler de « quatrième révolution technologique » ?



De quelles « ruptures dans le monde du travail » les évolutions technologiques seraient-elles porteuses ? Je souligne en premier lieu le silence sur la baisse radicale du temps de travail qu’elles pourraient engendrer. Quelles sont les conséquences de l’introduction peut-être massive des robots ? (il faudrait revenir sur les procès d’automation, voir par exemple : Avertissement de Pierre Cours-Salies à l’ouvrage de Pierre Naville : Vers l’automatisme social ? Machines, informatique, autonomie et liberté et Pierre Naville : Vers l’automatisme social ? Machines, informatique, autonomie et liberté). Sans oublier que l’automatisation a plutôt pour conséquence de déplacer le travail et de le rendre largement invisible (lire par exemple, Patrick Rozenblatt : Razzia sur le travail (Critique sur l’invalorisation du travail au 21e siècle), ) ; il ne faut pas confondre travail et emploi. Le premier effet des entreprises numériques est bien l’exploitation à grande échelle du travail gratuit ou sous-payé.

Cédric Leterme revient sur deux tendances longues de l’histoire du travail « la standardisation et l’externalisation des tâches ». Il aborde, entre autres, les visions linéaires et techno-déterminées de l’histoire économique mondiale construite par certains, les contradictions engendrées par les bouleversements technologiques, « loin d’être des évènements universels et univoques », le mythe de la supériorité civilisationnelle de l’Occident, la division internationale du « travail numérique », le caractère énergivore de la miniaturisation, le bilan environnemental peu reluisant des technologies de l’information, la production de déchets dont « la plus grosse partie est exportée légalement ou illégalement vers des pays du Sud ».



La technologie n’est pas une « force autonome dont les origines et les conséquences sont abstraites de l’histoire, des rapports de pouvoir, de culture, etc. ». L’auteur discute des logiciels propriétaires et des logiciels libres, de la maitrise ou non des appareils, des plateformes numériques autogérées, de la flexibilisation des marchés du travail, des auto-entrepreneurs/auto-entrepreneuses, des accès à l’Internet, de « l’idée de plateformes neutres dénuées de biais de « race », de classe ou de genre », des algorithmes « qui organisent les appariements entre prestataires et donneurs d’ordre » (en complément possible, Préface d’Antonio A. Casilli à l’ouvrage de Olivier Ertzscheid : L’appétit des géants. Pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes ; Olivier Ertzscheid : L’appétit des géants. Pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes ; Francis Lagacé : Bêtise naturelle de l’intelligence artificielle) , des conditions de travail sur les plates-formes, de micro-travaux externalisables, du joug de la technologie, des processus de déqualification, de division internationale du travail et de son invisibilisation, des effets en termes de migrations, de sous-valorisation ou d’absence de valorisation du travail des femmes.







Entités globales, monopolistiques, souvent étasuniennes. Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), Natu (Netflix, AirBnB, Tesla, Uber), et autres Batx (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi). Trois piliers de l’« écosystème du numérique » le hardware, le software et la connectivité réseau. E-commerce et sa trompeuse régulation. L’auteur fournit des exemples dans certains pays sur les actions des multinationales et les dépendances fortes construites.Il parle de techno-messianisme et de l’émergence d’une économie numérique « néocoloniale »…







S’il fallait malgré tout parler de l’« avenir du travail » au Sud ?



Cédric Leterme aborde les stratégies alternatives de « développement », la sortie du développement basé sur les exportations, la vision mécaniste du développement « qui en fait une succession de « phases » prédéfinies », l’autosuffisance en produits alimentaires essentiels, les réformes agraires, l’agro-écologie, les protections douanières, les effets du travail du care, les coopératives de travail, l’ancrage local, « les alternatives au développement plutôt que des alternatives de développement », les autres savoirs, la notion du buen vivir, les nouvelles formes d’énergie…



Il discute des migrations, leur globalisation et leur féminisation, des droits, « les droits des migrant·es sont des droits des travailleurs et des travailleuses », le bilan honteux des mort·es en méditerranée, l’expatriation de qualifié·es, les divisions sexuelles et raciales du travail, les transformations des marchés du travail et leur féminisation, l’extension de la classe ouvrière (je reste plus dubitatif sur la notion de précariat), les accaparements de terres, l’informalité comme fruit de politiques délibérées, la reconnaissance du travail domestique…



Il n’est pas possible de circonscrire les conséquences du « souffle libéral » à un ensemble d’évolutions technologiques. Il n’y a pas de « techno-déterminisme ». Il convient de prendre en compte l’ensemble des évolutions socio-économiques et d’analyser les choix politiques, ne pas oublier les rapports sociaux dont ceux de classe. « Plus largement, il s’agit également de faire toute leur place aux réalités et autonomies locales tout en maintenant des espaces d’échanges et de coordination à des échelles plus large… »







En complément de ces analyses du point de vue du Sud. Les luttes ici contre les nouvelles formes de travail et les conséquences de la digitalisation ne peuvent faire l’impasse sur la division internationale du travail et les politiques néocoloniales ou impérialistes. Le mouvement syndical ne peut contourner la nécessité de combiner des réponses « régionales » ou « sous-continentales » avec les soutiens et les solidarités avec les travailleuses et les travailleurs du Sud. Pour construire les conditions de possibles émancipations, il faut à la fois rompre avec le patriotisme d’entreprise et avec le patriotisme national ou européen. Les intérêts des salarié·es au niveau international exiger de toujours prendre en compte les asymétries et les dominations au sein même du prolétariat…


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Petit manuel de discussions politiques

Comment organiser des échanges politiques en promouvant au mieux l'horizontalité et l'équitable répartition de la parole ?

S'inscrivant dans la continuité des pratiques de l'éducation populaire, les auteurs proposent, après un travail d'expérimentation/réflexion, des clés pour parvenir à des discussions fructueuses.

Accessible, tant dans le fond, la forme que le prix, ce petit manuel servira à tous les types d'organisations : associations établies, collectifs informels, cercles de réflexions, rassemblements ponctuels ou tout autre forme imaginable.

Encore une belle livrée des éditions du Commun.
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Impasses numériques - Points de Vue du Sud

Les effets sociaux de la digitalisation et de la privation des données collectées



« La production, le développement et la diffusion des technologies numériques suscitent des inquiétudes – politiques, économiques, environnementales – de plus en plus largement débattues. Leurs conséquences sur les rapports Nord-Sud sont toutefois encore trop souvent ignorées. Elles risquent pourtant de creuser les inégalités, tout en créant de nouvelles formes de dépendance et d’exploitation. ». Dans son éditorial, Nouveaux enjeux Nord-Sud dans l’économie numérique, Cédric Leterme revient sur l’éclatement de la « bulle Internet » en 2001, un « modèle d’extraction et d’exploitation systématique des « données » », la crise économique et financière de 2008, les « plateformes collaboratives », l’« uberisation », la généralisation des smartphones (le terme ordiphone utilisé au Québec me semble plus adéquat), les algorithmes, la spéculation sur la profitabilité future de certaines entreprises…



Les « données numériques » et leur exploitation sont au cœur d’un modèle industriel, « ces entreprises particulières sont à la fois des intermédiaires et l’architecture même des échanges qu’elles rendent possibles, avec à la clé l’accès aux fameuses données et à la possibilité de les valoriser ». Le marché des recherches en ligne ou des réseaux sociaux est déjà très concentré, voire en situation de monopole, la concentration économique se double d’une concentration géographique (Etats-Unis et Chine).



L’éditorialiste souligne, entre autres, le creusement des inégalités Nord-Sud (en terme d’accès à l’internet, de numérisation, d’accès et de maitrise des technologies), les nouvelles sources de dépendances, la localisation au Sud des étapes les moins rémunératrices du cycle de production numérique, les nouvelles formes de colonisation et d’exploitation, l’illusoire immatérialité. Il cite Sibo Chen à propos du processus de production des TIC : « (1) l’extraction des minéraux, (2) la fabrication et l’assemblage des TIC, (3) le génie logiciel, (4) les centres d’appels et autres services, (5) le travail numérique des « prosommateurs » et (6) le désassemblage des TIC et des appareils électroniques grand public obsolètes » aucun il convient d’ajouter l’usage immodérée d’électricité…



Cédric Leterme interroge les réactions des Etats, la surveillance de masse grâce aux technologies numériques et leurs usages en terme de contrôle ou de répression, les liens entre les entreprises et les projets sécuritaires, « … la facilité avec laquelle ces mêmes entreprises mettent aussi leur technologie au service de projets sécuritaires, et surtout l’intérêt qu’elles tirent d’une utilisation massive de leurs technologies, peu importent les finalités ». Il poursuit avec le Manifeste pour une justice numérique, la défense des principes aussi radicaux que nécessaires « comme l’idée que les « données » (et les informations qui en découlent) devraient être considérées comme des extensions des individus ou des collectivités dont elles émanent (ce qui signifie qu’elles leur appartiennent, et à eux seuls, et non pas au premier qui les récolte, comme c’est le cas actuellement) ou encore que les infrastructures numériques fondamentales devraient être gouvernées comme des services d’utilité publique, ce qui inclut « les plateformes informatiques, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les services de courriel, les systèmes de sécurité de base, les services de paiement et les plateformes de commerce électronique ». L’autodétermination des populations passent aussi par la maitrise de l’ensemble de la chaine « numérique », ce qui – pour moi – ne saurait se confondre avec la « souveraineté » étatique dans ce domaine comme dans d’autres…



Une remarque. Il me semble dangereux de confondre des projections statistiques avec des prédictions. Les rapports sociaux sont traversés de contradictions, aucune des contraintes créées n’est indépassable, l’avenir ne peut être réduit à des mécanismes « déterministes mesquins ». Les événements historiques dont les soulèvements et les révolutions montrent l’inanité des projections linéaires d’un futur ressemblant au présent. Il faut bien évidement analyser les contraintes économiques et sociales des nouveaux développements « technologiques », les risques possibles – et déjà présents – pour les organisations sociales et les individus en terme de démocratie ou de liberté. N’acceptons cependant pas de parler d’intelligence artificielle (IA) pour des capacités de calcul ou d’« apprentissage automatisé ». Derrière les machines il y a encore et toujours des êtres humains en relation, même s’ils sont dépossédés de la maitrise des rapports sociaux…



Sommaire



Ordre numérique mondial



Renata Ávila Pinto : La souveraineté à l’épreuve du colonialisme numérique



Parminder Jeet Singh : Bras de fer Etats-Unis-Chine : nécessité d’un non-alignement numérique



Sociétés de contrôle



Claudio Altenhain : De New York à São Paulo : « tropicalisation » de la surveillance numérique



Iginio Gagliardone : La Chine modèle-t-elle les sociétés de l’information africaines à son image ?



Développement



Anita Gurumurthy, Deepti Bharthur : Ce que les acteurs du développement doivent savoir sur l’e-commerce



Julia Verne, Julian Stenmanns, Stefan Ouma : La connectivité, condition du développement pour l’Afrique ?



Agriculture / Environnement



Pat Mooney : Numérisation, pouvoir des entreprises et concentration de la chaîne alimentaire



Sibo Chen : « Immatérielle », l’expansion mondiale des TIC ?



Genre



Anita Gurumurthy, Cecilia Alemany Billorou, Nandini Chami : L’égalité des genres dans l’économie numérique



Dorothea Kleine, Hannah McCarrick : Inclusion numérique, entrepreneuriat féminin et sujets néolibéraux



Travail



Alison Gillwald, Aude Schoentgen, Mothobi Onkokame : Microtravail en Afrique : un levier de développement ?



Felipe Calvão, Kaveri Thara : Avenirs et enjeux de l’automatisation et du travail numérique en Inde



Je choisis de n’aborder que quelques articles.



Les entreprises géants du web créent de « nouvelle dépendances », leurs produits semblent indispensables, l’autonomie des utilisateurs et des utilisatrices est un mensonge, leur concentration leur octroie un pouvoir hors des choix démocratiques. Outre l’espionnage direct et indirect des citoyen·nes, Renata Avila Pinto souligne l’architecture juridique nationale et internationale, le système des brevets et des droits d’auteur (significativement les autrices ne sont jamais citées), l’hégémonie des grandes entreprises technologies états-uniennes et chinoises, les standards adoptés dans les différents pays qui renforcent les intérêts commerciaux de celles-ci, les clauses abusives et les sanctions prévues dans les contrats commerciaux, « Les appareils, les logiciels et le matériel sont conçus en vue d’une consommation personnelle plutôt que pour la création ou l’utilisation collective »…



Mais des législations peuvent promouvoir les logiciels libres, des fournisseurs d’accès respectueux des droits humains, l’interdiction de conserver et de vendre les données extraites des utilisations, le développement des aptitudes à coder… L’autrice fait état des politiques de « souveraineté » technologique dans certains Etats.



Claudio Altenhain analyse plus particulièrement la « tropicalisation » de la surveillance numérique, les partenariats entre les Etats et certaines grandes sociétés du secteur informatique (partenariat public-privé – derrière ce nom se cache la main mise très lucrative du privé sur le public), l’assemblage unique d’éléments (par exemple, banque de données, caméras de surveillance et algorithmes), les usages des « magadonnées » et le « gouvernement algorithmique », les extrapolations de futur possible (comme déjà indiqué une projection statistiques ne dit que peu de chose sur la réalité à venir) et les conséquences en terme de répression de ce qui ne s’est pas produit, « un déplacement du centre d’intérêt gouvernemental de l’effectif au potentiel et à la temporalité préventive du futur antérieur », les typologies de suspicion et les populations visées…



J’ai été notamment intéressé les analyses d’Anita Gurumurthy et Deepti Bharthur sur l’e-commerce même si je trouve plus que discutable de parler de « générer de la valeur » pour les entreprises de ce secteur. La réalisation et la captation de valeur induite par le travail productif des salarié·es des secteurs industriels me semble plus exacte d’un point de vue analytique. Elles abordent les effets de la « plateformisation », les mythes autour du commerce dit électronique, la présence de capital financier mondial, la manipulation des prix, la fabrication d’illusions de pénurie. Les autrices formulent un certain nombre de propositions en terme d’infrastructure publique, de protections des données, « La nécessité de conserver la propriété des données au niveau national pour les décisions économiques intérieures, le rôle possible des blocs régionaux dans le commerce numérique et les nouveaux cadres de mutualisation régionale des données, plutôt que la « libre circulation », sont autant d’idées et de considérations qui engagent directement les pays du Sud dans des politiques alternatives »…



Il me semble important de souligner les articles sur la chaîne alimentaire, les effets de la numérisation des données, la concentration industrielle verticale et horizontale, la concentration des recherches, « près de la moitié de la recherche agricole privée porte sur la seule culture du maïs », l’accaparement par la « propriété intellectuelle » y compris de l’ADN séquencé des plantes, la perte de la diversité génétique, la baisse de la valeur nutritionnelle d’aliments, les limites de la robotique, les effets sur l’emploi en absence de réduction radicale du temps de travail, le principe de précaution et son abandon, la souveraineté et la sécurité alimentaire…



Deux articles sont consacrés aux femmes dans l’économie numérique. Les autrices soulignent, entre autres, les disparités entre les sexes en matière de capacité techno-sociales, les effets du passage à une « agriculture entrepreneuriale », l’inversion possible des avancées en matière d’égalité pour les femmes avec la « quatrième révolution industrielle », les rhétoriques dominantes sur l’e-commerce, la valorisation du « travail flexible » et du « travail à domicile », l’exploitation des corps, le déficit démocratiques dans l’élaboration des normes internationales, la survalorisation de l’IA (intelligence artificielle, je renvoie à ma remarque précédente), l’imaginaire politique sur les « données ouvertes », le caractère réducteur des approches néolibérales de l’« inclusion numérique féminine » et le focus sur les seules « entrepreneuses »…



D’autres articles traitent du « micro-travail » et de ses conséquences sociales, des effets de l’automation sans réduction du temps de travail, des contraintes derrière les mots de « liberté » et de flexibilité », des effets sociaux de l’utilisation privative des algorithmes, du travail en Inde, de l’OIT et de protection sociale…



Reste une dimension insuffisamment abordée – son champ est par ailleurs plus universel -, la séparation des producteurs/productrices et des outils, des concepteurs/conceptrices d’avec les utilisateurs/utilisatrices. Cette division sociale du travail rend impossible la maitrise des procès et la démocratisation de ceux-ci. Elle concoure à la dépossession et à la subordination de la majorité de la population…




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Petit manuel de discussions politiques

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