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EAN : 9782849507841
168 pages
Syllepse (20/05/2019)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
L’«avenir du travail» est le sujet du moment dans le petit monde de la «gouvernance mondiale». Toutes les organisations internationales, ou presque, en ont fait une priorité, sans parler des think tanks et autres cabinets de conseil. Leur point commun: penser cet avenir sous l’angle étroit de la «quatrième révolution industrielle» avec ses robots, ses imprimantes 3D et ses plateformes numériques pour mieux vendre des (dé)régulations du travail.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Autres scénarios possibles contre le techno-déterministe de l'« avenir du travail »

Dans son introduction, Cédric Leterme aborde la question de l'« avenir du travail » et sa focalisation « sous l'angle étroit des conséquences (réelles ou supposées) des évolutions technologiques actuelles sur le travail ». Il interroge : « Qu'est-ce qui pousse ainsi et quasiment en même temps la Banque mondiale, l'OCDE, le G20 ou encore le FMI, pour n'en citer que quelques-uns, à se pencher sur l'avenir du travail dans des termes si étrangement similaires ? ». Des organismes souvent , pour ne pas dire toujours, peu favorable aux travailleuses et aux travailleurs, à leurs droits collectifs et individuels.

Pour l'auteur, le débat actuel se passe « en l'absence, voire au détriment, de ceux et celles qui constituent pourtant l'écrasante majorité des travailleur·euses de la planète, à savoir les travailleur·euses de ce que l'on peut qualifier de « Sud Global » ».

Il présente son ouvrage et insiste sur la parole des protagonistes du Sud elleux-mêmes, « Directement, à travers des entretiens que nous avons pu réaliser (une quinzaine en tout) avec des syndicalistes, des activistes ou des intellectuel·les du Sud. Et indirectement aussi, en mobilisant presque uniquement des travaux et des écrits produits également par des personnes originaires ou vivant dans le Sud ». Comme l'auteur l'indique aussi, « cet ouvrage participe donc du projet plus large du Centre tricontinental (CETRI) qui consiste à rendre visible au Nord la réalité et les mouvements sociaux du Sud, en essayant toujours de laisser ces derniers parler pour eux-mêmes » (voir par exemple, les numéros d'Alternatives Sud)
Il propose une critique du débat dominant à partir de savoirs et de positions originales du Sud (réalité avant tout politique et économique), revient sur certaines analyses publiées dans la revue citée, discute du soi-disant rattrapage socio-économique. Des éléments mis en avant, je souligne, la faible part du PIB accordée aux dépenses publiques sociales, la part de l'emploi formel dans l'emploi global, les fortes dépendances à l'extraction et à la transformation des matières premières, les effets de la mondialisation, la faiblesse des revenus et la place de la pauvreté…

Le livre se compose de trois parties. La première revient sur les origines et les principaux acteurs de ce débat mondial sur l'« avenir du travail ». La seconde sur les discussion sur l'« avenir du travail » et « la question plus large de l'avenir de l'économie numérique ». La troisième, en décentrement d'une focale étroitement technologique, envisage particulièrement trois éléments : « la question du modèle et des stratégies de « développement ; la question des migrations ; la question de l'organisation des travailleur·euses ». le gros du prolétariat, de la classe ouvrière mondiale se situe au Sud. J'ajoute qu'il en est de même pour le travail domestique effectué gratuitement pour autrui par les femmes, une dimension du travail qui ne doit pas être oublié…

Cédric Leterme aborde, entre autres, l'histoire et le fonctionnement de l'Organisation internationale du travail (OIT), son tripartisme et la naturalisation de « la participation des employeurs et des rapports sociaux capitalistes dont ceux-ci sont coproducteurs ». L'auteur explique pourquoi la grande majorité des travailleuses et des travailleurs sont exclu es des dispositifs et des règles de l'OIT. Il souligne aussi les raisons de l'inadéquation de cette structure et de ses dispositifs pour la grande masse des de celleux travaillant dans le monde. Il ne faut cependant pas négliger ce socle de conventions sur lequel des syndicats peuvent s'appuyer dans certains pays.

Je trouve toujours discutable la notion de « compromis de classe » pour parler de la situation durant les « trente glorieuses » dans les pays occidentaux. Il me semble plus utile de parler de « mode de régulation » particulier du système capitaliste compte tenu du contexte et des rapports de force…



Il me semble toujours nécessaire de rappeler que le mode de production capitaliste, dans ses formes anciennes ou actuelles, ne se déploie pas de manière « symétrique » ou « égal » dans l'ensemble des régions. Les asymétries, les inégalités et les dominations sont « consubstantielles » à ses organisations. le travail, les révolutions industrielles n'engendrent ni les mêmes conséquences ni les mêmes contradictions dans les pays « impérialistes » et dans les pays « dominés » dans la chaine de la division internationale.

Cédric Leterme souligne les perspectives étroitement technologiques des institutions. Une forme de déni des rapports sociaux. Les réformes impulsées par les organismes internationaux, plans d'ajustement structurel, privatisations, restrictions des interventions de l'Etat hors police et armée, « réformes » du travail, « nous dirigent vers le passé plutôt que vers le futur ». Une modernité sur des formes renouvelées d'exploitation des forces de travail. Les conséquences des évolutions technologiques ne peuvent être pensées hors des dominations et des « rapports d'exploitation inter et intra-nationaux », il en est de même de leurs impacts sociaux. Sans oublier leurs coûts environnementaux différenciés… Les présupposés volontairement inexacts se doublent de la négation de points aveugles – comme la situation des populations autochtones, de la masse des paysan nes ou de la situation de la majorité des femmes, etc.

A très juste titre, l'auteur souligne l'étroitesse du cadre de pensée dont « l'indépassabilité de la mondialisation et, encore plus fondamentalement, du capitalisme, sont peut-être les plus évidents, tant ils forment la toile de fond sur laquelle s'expriment ensuite éventuellement des divergences entre telle ou telle approche », ou la naturalisation du travail informel dans les économies du Sud… L'homogénéité des points de vue exprimés recouvrent bien les intérêts matériels des classes dominantes…



Ce n'est pas la première fois que le « progrès » et son « caractère inéluctable » est imaginé sur des inventions industriels. Et si les bouleversements induits par la digitalisation seront importants peut-on parler de « quatrième révolution technologique » ?

De quelles « ruptures dans le monde du travail » les évolutions technologiques seraient-elles porteuses ? Je souligne en premier lieu le silence sur la baisse radicale du temps de travail qu'elles pourraient engendrer. Quelles sont les conséquences de l'introduction peut-être massive des robots ? (il faudrait revenir sur les procès d'automation, voir par exemple : Avertissement de Pierre Cours-Salies à l'ouvrage de Pierre Naville : Vers l'automatisme social ? Machines, informatique, autonomie et liberté et Pierre Naville : Vers l'automatisme social ? Machines, informatique, autonomie et liberté). Sans oublier que l'automatisation a plutôt pour conséquence de déplacer le travail et de le rendre largement invisible (lire par exemple, Patrick Rozenblatt : Razzia sur le travail (Critique sur l'invalorisation du travail au 21e siècle), ) ; il ne faut pas confondre travail et emploi. le premier effet des entreprises numériques est bien l'exploitation à grande échelle du travail gratuit ou sous-payé.
Cédric Leterme revient sur deux tendances longues de l'histoire du travail « la standardisation et l'externalisation des tâches ». Il aborde, entre autres, les visions linéaires et techno-déterminées de l'histoire économique mondiale construite par certains, les contradictions engendrées par les bouleversements technologiques, « loin d'être des évènements universels et univoques », le mythe de la supériorité civilisationnelle de l'Occident, la division internationale du « travail numérique », le caractère énergivore de la miniaturisation, le bilan environnemental peu reluisant des technologies de l'information, la production de déchets dont « la plus grosse partie est exportée légalement ou illégalement vers des pays du Sud ».

La technologie n'est pas une « force autonome dont les origines et les conséquences sont abstraites de l'histoire, des rapports de pouvoir, de culture, etc. ». L'auteur discute des logiciels propriétaires et des logiciels libres, de la maitrise ou non des appareils, des plateformes numériques autogérées, de la flexibilisation des marchés du travail, des auto-entrepreneurs/auto-entrepreneuses, des accès à l'Internet, de « l'idée de plateformes neutres dénuées de biais de « race », de classe ou de genre », des algorithmes « qui organisent les appariements entre prestataires et donneurs d'ordre » (en complément possible, Préface d'Antonio A. Casilli à l'ouvrage de Olivier Ertzscheid : L'appétit des géants. Pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes ; Olivier Ertzscheid : L'appétit des géants. Pouvoir des algorithmes, ambitions des plateformes ; Francis Lagacé : Bêtise naturelle de l'intelligence artificielle) , des conditions de travail sur les plates-formes, de micro-travaux externalisables, du joug de la technologie, des processus de déqualification, de division internationale du travail et de son invisibilisation, des effets en termes de migrations, de sous-valorisation ou d'absence de valorisation du travail des femmes.



Entités globales, monopolistiques, souvent étasuniennes. Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), Natu (Netflix, AirBnB, Tesla, Uber), et autres Batx (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi). Trois piliers de l'« écosystème du numérique » le hardware, le software et la connectivité réseau. E-commerce et sa trompeuse régulation. L'auteur fournit des exemples dans certains pays sur les actions des multinationales et les dépendances fortes construites.Il parle de techno-messianisme et de l'émergence d'une économie numérique « néocoloniale »…



S'il fallait malgré tout parler de l'« avenir du travail » au Sud ?

Cédric Leterme aborde les stratégies alternatives de « développement », la sortie du développement basé sur les exportations, la vision mécaniste du développement « qui en fait une succession de « phases » prédéfinies », l'autosuffisance en produits alimentaires essentiels, les réformes agraires, l'agro-écologie, les protections douanières, les effets du travail du care, les coopératives de travail, l'ancrage local, « les alternatives au développement plutôt que des alternatives de développement », les autres savoirs, la notion du buen vivir, les nouvelles formes d'énergie…

Il discute des migrations, leur globalisation et leur féminisation, des droits, « les droits des migrant·es sont des droits des travailleurs et des travailleuses », le bilan honteux des mort·es en méditerranée, l'expatriation de qualifié·es, les divisions sexuelles et raciales du travail, les transformations des marchés du travail et leur féminisation, l'extension de la classe ouvrière (je reste plus dubitatif sur la notion de précariat), les accaparements de terres, l'informalité comme fruit de politiques délibérées, la reconnaissance du travail domestique…

Il n'est pas possible de circonscrire les conséquences du « souffle libéral » à un ensemble d'évolutions technologiques. Il n'y a pas de « techno-déterminisme ». Il convient de prendre en compte l'ensemble des évolutions socio-économiques et d'analyser les choix politiques, ne pas oublier les rapports sociaux dont ceux de classe. « Plus largement, il s'agit également de faire toute leur place aux réalités et autonomies locales tout en maintenant des espaces d'échanges et de coordination à des échelles plus large… »



En complément de ces analyses du point de vue du Sud. Les luttes ici contre les nouvelles formes de travail et les conséquences de la digitalisation ne peuvent faire l'impasse sur la division internationale du travail et les politiques néocoloniales ou impérialistes. le mouvement syndical ne peut contourner la nécessité de combiner des réponses « régionales » ou « sous-continentales » avec les soutiens et les solidarités avec les travailleuses et les travailleurs du Sud. Pour construire les conditions de possibles émancipations, il faut à la fois rompre avec le patriotisme d'entreprise et avec le patriotisme national ou européen. Les intérêts des salarié·es au niveau international exiger de toujours prendre en compte les asymétries et les dominations au sein même du prolétariat…

Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Directement, à travers des entretiens que nous avons pu réaliser (une quinzaine en tout) avec des syndicalistes, des activistes ou des intellectuel·les du Sud. Et indirectement aussi, en mobilisant presque uniquement des travaux et des écrits produits également par des personnes originaires ou vivant dans le Sud ». Comme l’auteur l’indique aussi, « cet ouvrage participe donc du projet plus large du Centre tricontinental (CETRI) qui consiste à rendre visible au Nord la réalité et les mouvements sociaux du Sud, en essayant toujours de laisser ces derniers parler pour eux-mêmes
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Qu’est-ce qui pousse ainsi et quasiment en même temps la Banque mondiale, l’OCDE, le G20 ou encore le FMI, pour n’en citer que quelques-uns, à se pencher sur l’avenir du travail dans des termes si étrangement similaires ?
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Plus largement, il s’agit également de faire toute leur place aux réalités et autonomies locales tout en maintenant des espaces d’échanges et de coordination à des échelles plus large…
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