Céline Ripoll

LA FEMME SOLEIL

Groupe Narrinyeri

Le soleil est une femme qui passe parmi nous
Caressant d’une main vive ou d’un geste plus doux.
Quand elle a rayonné pour chacun des vivants
Elle prend le chemin qui va en descendant.
Jadis elle fit une promesse qu’elle honore encore
Celle d’illuminer le grand pays des morts.
Ils l’attendent debout, s’assemblent puis se reculent
Ralentissant sa marche vers le crépuscule.
Ils invitent Dame soleil à rester avec eux
Sa chaleur fait tant de bien aux âmes des plus vieux.
Elle les réchauffe alors un par un, puis
S’éclipse pour reparaître le lendemain matin.
Chaleur précieuse au milieu de leur nuit,
Souvenirs ravivés du monde, de leurs vies,
Elle reçoit alors le cadeau le plus doux,
La peau rouge flamboyante d’un kangourou.
Elle la revêt puis poursuit son chemin,
Au matin elle apparaît, portant la cape des anciens.

La main de Uetonga ne tremble pas. Les spirales, les lignes s’entremêlent. Au fur et à mesure qu’il tatoue, Uetonga nomme :
« Voici le long chemin de la vie de ta mère, celui de ton père, ton rang, ton territoire, tes victoires. »
Dans la chaleur, l’odeur de la suie, Mataora serre les poings, enfonçant ses ongles dans la paume de ses mains. Il murmure : « Niwareka, je souffre, mais la torture de mon corps n’est rien comparée à celle de mon âme. Je souffre de t’avoir perdue… »

Si tu étais venu chez nous, nous t'aurions accueilli à bras ouverts. Mais tu es venu ici chez toi, et on ne sait comment t'accueillir chez toi.

Poussée par les vents, la pirogue de Tama Ahua file sur le grand Océan. Protégé des Dieux, il est parti du pays de Hawaiki Nui avec ses trois femmes et les membres de son clan. Guidé par les étoiles il les a menés au nord de la terre du long nuage blanc.

Les anciens Maori disaient qu'il fallait rêver l'histoire de Tama Ahua, pour trouver en des lieux très précis cette pierre unique, le jade, aux nuances multiples, caractéristiques de chaque protagoniste de l'histoire. On dit encore aujourd'hui que c'est cette pierre qui vous saisit, vous appelle et vous demande de la porter vous donnant force, courage et ténacité.

- Vois-tu cette couronne de pics rocheux ? répond-elle en désignant une à une les montagnes de l’île. Il y en a neuf. Une grotte se trouve au pied de chacune d’elles, dont l’entrée est obstruée par une grande plaque de basalte. Nos enfants sont emprisonnés dans huit de ces grottes. Tu-Tona vit dans la neuvième, mais ceux qui savent quelle est cette grotte seront dévorés dans d’atroces souffrances s’ils le révèlent. Ces pierres que je te donne, jeune ami, sont les larmes des parents qui ont perdu leurs enfants. Car notre roi est devenu un ogre. Autrefois il était bon, mais un matin il s’est réveillé les yeux pleins de folie.
Teiki se rappelle alors ce que lui a raconté sa grand-mère sur Tu-Tona.
- Dans son sommeil, poursuit la jeune femme, il avait fait un rêve. La silhouette d’un enfant se détachait dans le soleil et venait le tuer avec une lance.

En Nouvelle-Zélande, il est une pierre rare, difficile à trouver, fragile à travailler, qui a longtemps indiqué le rang social, la force et la propriété foncière de celui qui la possédait. C'est le jade, dans lequel, les hei tiki, pendentifs, les patu, les armes, ont été sculptés.

- Oh ! mon fils, je n’ai jamais douté. Que je suis fière de toi et comme tu as grandi ! lui dit la vieille femme, les yeux pleins de larmes. Tu as fait face à tous les dangers, tu as surmonté ta peur, déjoué les ruses et su te faire des alliés.
- Tes mots, grand-mère, ce sont eux qui m’ont à chaque fois éclairé. Je les ai utilisés comme une arme contre mes ennemis.
- Tu as raison, les mots d’une mère ou d’un père sont les lumières qui guident les pas de son enfant. Mais ces pas là, ce n’est pas moi qui les ai faits, c’est bien toi. J’admire ton humilité et ton courage, tu es jeune et déjà d’une grande sagesse. Si mes paroles t’ont parfois aidé, c’est que tu as accepté de les écouter. Viens contre moi, mon grand garçon, que je te serre dans mes bras.

Il vous incombe désormais de reconstruire ce qui a été détruit et de protéger ce qui reste de l'habitat des êtres vivants, qu'ils soient animaux, plantes ou rochers. Chacun a droit à son espace, chacun aide l'autre par sa présence, chacun menace l'autre par son absence.

Des contes surprenants, très poétiques, je ne pensais pas qu'en Papouasie Nouvelle-Guinée, il y avait ce genre d'histoires. c'est une magnifique découverte.