Ce n'est donc pas assez, dirons-nous avec un archéologue estimable, de constater l'emploi de certains nombres : il faut les expliquer. Il ne suiïit pas de prouver que les proportions de plusieurs basiliques sont identiquement les mêmes : il faut avoir établi l'unité de mesures, et découvrir la raison de leur emploi. Si on l'emprunte, comme il paraît, à la valeur numérique des lettres de l'alphabet hébreux, à la philosophie transcendantale des Juifs, il est essentiel de démontrer au préalable que ces traditions étaient connues, acceptées , réalisées par les architectes et les confréries de francs-maçons au moyen âge.
Établissons-enfin, comme résumé de toutes nos raisons contre la fameuse terreur, si gratuitement prêtée a nos pères à propos de l'an 1000, qu'après la sécurité revenue, quand l'art se reprit à ses droits par l'expansion plus abondante de ses richesses sculptées, il ne constata par aucun trait apparent le grand rôle qu'aurait eu ce sentiment dans les affaires humaines de presque tout un siècle.
De là des signes, les monuments les représentations figurées des choses dont on veut transmettre ou maintenir l'expression; de là, en un mot, ces symboles innombrables dont l'homme s'est emparé, dès le berceau du monde, pour activer la puissance de sa parole, jeter à tous et partout la lumière de sa pensée , et revêtir d'un corps les idées les plus métaphysiques et les plus abstraites.
Instruire, prêcher, commenter l'Évangile, en laisser la trace plus profonde dans les âmes, le faire arriver au coeur et à la mémoire par les yeux, ce fut donc le but de notre symbolisme, à nous chrétiens, mais avec ce caractère de plus, que n'eut jamais assez le symbolisme antique, d'une tendance non interrompue à séparer l'homme de la terre, à spiritualiser la partie matérielle de son être et à l'élever par de continuels désirs vers le ciel, où sont toutes ses espérances. Telle fut la cause de sa naissance , de sa vie, de ses progrès; c'est l'explication de toute notre iconographie sacrée, dans laquelle il faut bien se garder, nous nous hâtons de le dire et nous comptons le prouver, de voir en rien le caprice des imaginations artistiques, la fantaisie de travailleurs satiriques ou facétieux, non plus que l'inintelligente profusion d'éléments inutiles ou muets, pris au hasard et accolés sans discernement aux façades ou aux corniches intérieures de nos églises.
Le sens chrétien, que nous avons vu jusqu'ici vivant de toutes les ressources de l'art, comme de la plus complète expression de ses aspirations et de sa pensée intime, ne pouvait se passer du plus éloquent et du plus gracieux de ses compléments. L'homme aime tant la nature, l'histoire, et les allégories qui les lui reproduisent à défaut des faits réels, qu'il les cherche partout, et toujours il les rencontre avec bonheur; elles semblent mettre en lui une surabondance de vie. Elles font plus : elles le transportent en des sphères supérieures, élèvent sa pensée, surnaturalisent son imagination, et l'intelligence même la plus grossière s'identifie sans peine avec les éléments des régions nouvelles où l'âme savoure un avant-goût de son existence à venir.
Mais d'abord qu'est-ce qu'un symbole ?
En remontant à la source grecque de ce mot, nous trouvons sa plus expresse signification dans celui dont nous l'avons formé : συμβάλλεσθαι . C'est, dans la langue originale, une note, un signe : voilà le sens propre et primitif. Mais ici, comme toujours, le substantif est sorti de cette enveloppe gênante et s'est étendu jusqu'à d'autres objets avec lesquels on lui découvrit quelque affinité.
C'est la merveilleuse histoire de ce symbolisme nouveau qu'il nous faut tracer par un rapide aperçu avant de passer au développement des principes qu'il adopta et des théories qui l'animèrent. Remontons donc en peu de mots aux causes du symbolisme chrétien; parcourons ses phases consécutives ; voyons quelles lois il a suivies dans son application à l'art catholique depuis ses premières manifestations jusqu'à uous.
Cette tendance à trouver un sens mystique aux nombres cités dans les livres historiques ou prophétiques de la Bible est si grande dans S. Augustin, ce genre d'explication plaît tant à son esprit philosophique et méditatif, qu'il perd rarement l'occasion d'en faire un moyen d'enseignement.
Les peintres-verriers, qui conformaient leur travail aux règles précises et aux justes exigences de l'architecture religieuse , nous avaient laissé dans leurs pages transparentes de fidèles spécimens des monuments, des costumes et même de la physionomie humaine de leur époque.