Suivant un empirisme conséquent, la morale est un art illusoire, puisque la conduite de l'homme est entièrement déterminée par les circonstances extérieures et par l'organisation qu'il a reçue, sans que lui-même y entre pour rien ; de sorte que, proprement, lui-même n'est rien. L'homme est constitué par la raison, c'est-à-dire par le devoir, et cette répudiation du devoir est un suicide, l'empirisme est l'ennemi .telle est la thèse que ce livre cherche à démontrer, l'idée maîtresse à laquelle il se rattache tout entier.
Après avoir écarté l'obstacle, on s'efforce d'atteindre une juste notion du monde moral, en appliquant aux données de l'expérience les mêmes principes de la raison qui servent à constituer l'expérience.
Dans l'ordre intellectuel, le positivisme, à le considérer d'une manière générale, nous paraît être jusqu'ici le fait capital du XIXe siècle, quoiqu'il ne représente pas le XIXe siècle tout entier. Non-seulement il domine le mouvement scientifique de la France contemporaine, mais il a rendu plus ou moins à la France la direction du mouvement scientifique européen.
Il serait vain de prétendre établir un lien logique entre tous les morceaux dont ce volume est composé. On verra cependant sans peine que le petit discours sur la Paix est en quelque sorte un complément de Mon utopie, à le seconde partie de laquelle se rattache de lui-même celui du Droit de famille. La justification du Libéralisme politique (dont on a retranché les applications à l'objet très particulier de la séance où elle a été présentée) légitime, en l'expliquant, la distinction nette et profonde du droit et de la morale, que le dernier travail, où nous assignons sa place à l'Économique dans l'organisme de la science , revendique énergiquement contre le socialisme de la chaire.
L'idée que nous nous faisons de la science nous dicte nos méthodes, et le choix de la méthode commande les conclusions. Si haut que nous remontions vers le moment où les hommes ont essayé de se comprendre eux-mêmes, nous voyons l'empirisme et le rationalisme se partager les esprits, sans que l'une de ces tendances ait jamais réussi à s'imposer entièrement par la suppression de l'autre. Ce phénomène constituerait à lui seul une présomption assez forte en faveur de l'idée que chacune d'elles renferme une part d'erreur et de vérité.
Au fond, la négation du mal est l'unique solution possible ; mais ce n'est pas une solution positive, précisément parce qu'elle est l'unique. En enseignant que le mal est un non-être, le rationalisme ne nous apprend rien; il exprime, à son habitude, une vérité qui va sans dire ; mais il ne fournit aucune lumière sur ce qu'il importe de savoir.
La question sociale, comme on l'appelle, c'est la question de l'humanité. Il s'agit d'arriver, si la chose est possible, à constituer l'humanité, c'est-à-dire à établir un ordre de choses dans lequel chacun puisse développer et utiliser, en quelque mesure, les facultés que Dieu lui a départies, de sorte qu'il obtienne par son travail une existence matériellement et moralement supportable. Qu'il faille tendre à ce but s'il est accessible, on ne s'arrêtera pas à l'établir, pensant que personne ne s'avancera pour le contester. Mais est-il réalisable? Plusieurs en doutent. L'art diffère de l'instinct et de la routine en ceci qu'il déduit ses règles de la science. Une pratique raisonnable se fonde sur la connaissance de la vérité théorique, et commande par conséquent la recherche préalable de cette vérité.
A la prendre dans son ensemble, l'humanité n'est pas heureuse. Le plus grand nombre des individus qui la composent ne sont pas tels qu'ils devraient être, ils ne sont pas vraiment formés, mais ils peuvent se préparer à de meilleures destinées s'ils cherchent à s'en rendre dignes; et le premier symptôme de progrès chez eux sera de connaître leur imperfection, de sentir leurs besoins.
La morale n'est pas une science indépendante, parce qu'il n'y a qu'une science, du tronc de laquelle toutes les branches doivent partir : c'est la science de l'unité, la philosophie première; mais il y a quelque chose de primitif dans la morale, et la philosophie première ne saurait se développer dans une direction certaine sans tenir compte de cet élément moral primitif.
La religion ne relève d'aucune de nos facultés plus particulièrement que des autres ; elle veut nous posséder tout entiers . La religion est une vie ; rien n'est plus banal que ce mot, mais rien n'est plus vrai ni plus important. Il faut en tirer les conséquences et s'y soumettre sans biaiser.
La femme est une personne, car elle a des devoirs. Ni l'opinion ni la loi ne songent à lui refuser des devoirs; or il ne saurait exister un devoir séparé du droit le devoir implique toujours au moins le droit de remplir son devoir. La notion de la personnalité n'a pas toujours été clairement discernée, et la personnalité juridique de la femme n'est admise par l'opinion et consacrée par la loi qu'avec des restrictions qui en diminuent singulièrement la portée pratique; mais si tel individu peut être plus ou moins personne au point de vue de la psychologie ou de l'histoire naturelle, la personnalité juridique ne comporte pas cette application de la quantité. Le système contraire est celui de l'esclavage.