Charlotte de Turckheim

Vivre sans être aimée ? Vivre sans être amoureuse ? C’est comme si je vivais dans une pièce sans allumer la lumière ! J’adore partager mon quotidien avec un homme, cela m’enrichit et m’épanouit. Du petit déjeuner au coucher, je n’ai jamais trouvé cela pesant ou ennuyeux contrairement à beaucoup de couples autour de moi.

Évidemment, je suis tombée amoureuse de Coluche, mais j’ai compris qu’il n’était pas question pour lui de quitter sa femme ; quant à moi, j’étais incapable de vivre une relation cachée. J’ai coupé les ponts. Plus tard, après son divorce, un ami commun m’a appelée pour me dire que Coluche voulait me revoir. J’étais libre, lui aussi : j’y suis allée. Il habitait à l’hôtel Lutetia à ce moment-là. Mais quand je l’ai revu j’ai tout de suite compris qu’il n’était plus le même. La douleur l’avait transformé, l’angoisse et le désarroi le rendaient difficile. Il pouvait être très désagréable aussi. Quelque chose en lui s’était éteint. Et puis, il y avait trop de drogue et d’alcool autour de lui. J’aurais bien aimé conserver le manuscrit de La fin du monde aura lieu un mardi , mais après tous mes déménagements je crois l’avoir définitivement égaré. Coluche l’avait écrit à la main sur un cahier d’écolier où j’avais collé des bouts de texte, des idées… Son écriture était extraordinaire car tous les mots étaient attachés, presque en phonétique. Il se moquait des conventions, des convenances, du jugement des autres et j’adorais cet aspect de sa personnalité. Quand les premiers textos sont apparus, j’ai repensé tout de suite à ce cahier et à l’écriture si originale de Coluche. Une écriture rapide sans point ni virgule, sans lettre muette, où les mots étaient attachés les uns aux autres. Il y avait chez lui une urgence d’aller à l’essentiel, de dire, de vivre : « urgensdedirdevivr ».

Ce goût pour le bricolage et le faire soi-même a développé chez moi un esprit particulier : je ne supporte pas de ne pas trouver une solution à un problème pratique et je peux même devenir désagréable si j’entends « ça n’est pas possible » ! J’ai aussi tendance à ne pas me contenter des réponses toutes faites. Actuellement, le manque d’eau est vraiment préoccupant en Provence.

J’ai l’impression que nous, les femmes, on a souvent peur de s’aventurer hors de notre périmètre, de notre milieu, de nos habitudes et je vois bien que cela restreint les possibilités de rencontres. Je ne sais plus qui a écrit cette phrase tellement juste : « Il ne se passe jamais rien d’intéressant dans la zone de sécurité. »

Quand on est metteur en scène, on est obligé d’avoir de l’autorité pour diriger une équipe. Mais cette autorité s’obtient de plusieurs façons. Si je passe ma journée à gueuler sur un plateau de théâtre ou de cinéma, j’obtiendrai peut-être ce que je désire, mais jamais ce petit supplément d’âme qui peut faire toute la différence. En revanche, si j’arrive à acquérir le consentement, l’approbation et même le plaisir de l’autre, j’augmente mes chances d’obtenir ce que je veux, voire un bonus que je n’avais même pas imaginé. Un vrai deal gagnant-gagnant. C’est la même chose à cheval : quand il m’offre ce que je veux sans le forcer, quel bonheur !
Ce sport est une école fabuleuse pour se confronter à ses peurs et tenter de les apprivoiser. C’est aussi très bon pour calmer son ego !

Je connais des filles de 20 ans déjà mères de quatre enfants : elles ne peuvent ni étudier ni évoluer. Leur vie est fichue et leur seul choix devient la prostitution ou la criminalité. C’est ignoble de bousiller des vies de cette façon ! Aux Philippines, le clergé se moque du niveau de vie des habitants alors que la grande pauvreté est, de mon point de vue, entretenue par le fait que les femmes font trop d’enfants.
Des situations tout aussi dramatiques pullulent dans le monde. Au Maroc, par exemple, l’article 490 du Code pénal marocain punit d’un an de prison les relations sexuelles hors mariage et l’avortement y est interdit. Résultat ?

De nombreuses études montrent que l’impact du cannabis sur le système neuronal d’un ado peut être catastrophique. Le jeune cerveau est fragile et les scientifiques savent que le cannabis fumé à l’adolescence fait baisser jusqu’à 8 points le quotient intellectuel. Notre cerveau est une machine extraordinaire, susceptible aussi de se dérégler de façon extraordinaire. J’ai bien conscience que nos enfants ont besoin de transgresser l’autorité des parents, de se confronter au danger et aux interdits pour grandir et devenir adultes. Améliore-t-on les choses en légalisant le cannabis ? Ne favorise-t-on pas une escalade vers les drogues dures ?

La prise de drogue, surtout si l’on ignore qu’on en a absorbé, débloque violemment des émotions négatives qui seraient, en temps normal, régulées par notre conscience. La chimie subtile du cerveau qui nous protège et contrôle nos émotions ne peut plus fonctionner. Du jour au lendemain, ma vie s’en est trouvée bouleversée : j’ai souffert de vertiges et de pertes d’équilibre, j’avais régulièrement l’impression d’être séparée de mon corps… Flippant ! Je suis devenue claustrophobe et j’ai mis des années à pouvoir prendre l’ascenseur ou à remonter dans un avion. Quarante ans plus tard, je suis toujours incapable de me déplacer en métro !

Après tout, un homme de 65 ans un peu bedonnant qui séduit une femme de quinze ans de moins que lui, c’est très banal au cinéma comme dans la vie et personne, moi la première, ne se demande si c’est légitime ! Pendant deux ans, le temps de l’écriture du scénario, je n’envisage même pas qu’un des rôles principaux puisse être interprété par une femme et j’en rajoute une couche en ne pensant pas à moi pour l’interpréter ! J’étais consternée et cela m’a boostée pour réfléchir à la place des femmes dans notre société et dans mon métier. Le cinéma est un monde majoritairement masculin et cela doit changer.

Nos armes sont trop souvent la séduction, comme si pour réussir il fallait toujours en passer par le désir des hommes. Et ce ne sont pas les émissions de télé-réalité qui donnent une image moderne des femmes, encore moins certaines chanteuses qui mélangent musique et érotisme torride. Nous avons du mal à croire en nous, à oser, à nous imposer, à prendre le pouvoir. Nous avons été trop longtemps complices. Inconsciemment ou non. Moi-même, en écrivant un sketch sur « comment séduire un homme en faisant la biche », je répondais à la volonté de se soumettre à une injonction masculine.