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Critiques de Chip Zdarsky (145)
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Silver Coin, tome 1

Les amateurs de Bitcoin devraient lire ces nouvelles autour d’une monnaie maléfique. Cela pourrait sans doute les dissuader d’investir massivement dans ces placements pour le moins hasardeux. Au début la chance sourit au possesseur de la silver coin mais par la suite, c’est plutôt la douche froide… un peu comme le cours du Bitcoin !



On verra se succéder 5 récits différents qui changent d’ailleurs de style graphique et qui se situent à des époques tout à fait différentes (et même dans un futur assez éloigné). La trame est légèrement différente et assez indépendante mais le point commun est que personne ne semble échapper à cette malédiction. A noter que des scénaristes différents se sont succédés pour nous livrer leur interprétation rendant l’ensemble un peu inégal dans la qualité.



Enfin, il y aura un récit situé à l’époque de l’Inquisition qui expliquera le pourquoi de cette malédiction ce qui pourra satisfaire notre curiosité. L’argent ne fait pas le bonheur, on le savait. Cependant, certaines pièces de monnaie peuvent causer la mort. Je suppose que la parade se situe dans l’utilisation de la carte bancaire si possible sans contact !

On sait néanmoins, depuis « Conjuring », qu’il existe parfois des objets maléfiques qui entraînent des effets néfastes pour le détenteur. Il est vrai qu’une pièce circule plus facilement de main en main.



Il n’y a rien de vraiment révolutionnaire dans le concept. C’est juste divertissant dans un genre thriller fantastique un peu horrifique façon « Contes de la crypte ». J’aurais aimé un peu plus d’audace et de modernité dans ce comics d’horreur car cela fait quand même très cliché. Mais bon, je suis tatillon là.
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Public Domain, Volume 1

Un vieil illustrateur de comics de superhéros est invité à l'avant première d'une adaptation hollywoodienne du personnage qu'il a inventé.



Bien sûr, il ne touche pas un sous. Les droits appartiennent à la maison d'édition, qui est dirigée par celui qui était, jadis, son scénariste.



Tout cela, c'est avant qu'une stagiaire ne trouve dans un vieux carton, un document prouvant que l'illustrateur n'a jamais cédé ses droits.



Bref : Une histoire en cinq chapitres de Chip Zdarsky, qui raconte une version heureuse de la relation Stan Lee/Jack Kirby.



Excellent.
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Public domain, tome 1

Club N°53 : BD sélectionnée ❤️

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Gros coup de coeur...

... pour ce comics assez "méta" car il traite du droits des auteurs de comics sur leurs personnages face aux maisons d'éditions.



J'ai adoré la galerie de personnage très attachants, le dessin simple mais efficace et les dialogues.



Ce n'est pas spectaculaire mais c'est très bien fait.



J'attends la suite avec impatience.



Gilles

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Attention !! petit bijou et pas cher (10 €).



Un comics sur les Super-Héros mais sans super-héros.



Dans cette histoire, " The Domain " est un comics qui devient un succès planétaire : adaptation en film, produits dérivés...



Sauf que le dessinateur qui est à l'origine de ce comics essaie de récupérer, avec l'aide de ses fils, ses droits d'auteur vu qu'il a été spolié par le scénariste (n'y aurait-il pas une petite ressemblance physique avec Jack Curby ?).



Cette BD rappelle l'histoire de Jerry Siegel et Joe Shuster, les créateurs de Superman qui ont fini par être difficilement dédommagés d'une partie du jackpot.



Au niveau du scénario l'histoire est vraiment bien ficelée avec beaucoup d'humour et des dialogues qui font mouche.



Aaricia

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Récit qui ne décrit pas une énième histoire de Super Héros mais l'exploitation de ceux-ci par des éditeurs et des maisons de production et qui montre le peu d'estime qu'ils ont pour leur créateur d'origine.



Vivement la suite !



David

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Lien : https://mediatheque.lannion...
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Peter Parker - Spectacular Spider-Man, tome..

Après avoir vu le dernier Spider-Man au cinéma, j'étais curieuse de découvrir les comics et, ne sachant par où commencer, j'ai emprunté celui-ci à la bibliothèque, un peu par hasard.



Heureusement que je connais un peu l'histoire de Peter Parker parce que prendre en cours de route pourrait être vraiment complexe. Il me manquait certains éléments mais, dans l'ensemble, j'ai pu saisir ce qui se passait. Peter est de retour à New-York et se retrouve rapidement assailli, devant affronter des voleurs qui s'emparent de nouvelles technologies...



J'ai rapidement été prise dans la toile d'araignée - autrement dit l'intrigue - et j'ai aimé découvrir Spider-Man en comics. L'histoire en elle-même n'est pas la plus passionnante, c'était surtout le plaisir de retrouver un super-héros que j'aime bien !



Il y a quelques moments assez drôles dans les échanges verbaux entre les différents personnages et il y a de l'action ! Alors, même si je n'ai pas été captivée par l'intrigue, c'était une chouette lecture et j'ai hâte de voir ce que les auteurs vont nous proposer par la suite !
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Public domain, tome 1

A mi-chemin entre bande dessinée et comics, voici une proposition originale.

Graphiquement, le style est très expressif avec des couleurs vives sans recherche de réalisme entrecoupé de vignettes plus nuancées pour les retours en arrière. Le découpage est fluide et mêle dialogues et action de manière dynamique.

C'est le scénario qui fait la différence, s'attaquant simultanément à plusieurs aspects de la vie d'artiste, fantasmés ou réels.

Écrivain raté, bédéiste un peu en manque de reconnaissance, fans, il brosse le portrait d'une galerie de personnages attachants à souhait.

Leur psychologie est fine, non manichéenne malgré une action située dans l'antre de la superpuissance et de ses héros emblématiques.

Tout cela respire la bonhommie grâce un ton résolument optimiste et un certain humour subtil, ce qui fait un bien fou.

Bravo et j'ai hâte de voir la suite...
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Daredevil, tome 6 : En taule

La prison fait grandir l'individu ?)

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Ce tome fait suite à Daredevil, tome 5 (épisodes 21 à 25, et annuel 1) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 26 à 30, initialement parus en 2021, écrits par Chip Zdarsky, dessinés et encrés par Marco Checchetto pour les séquences de Daredevil pour les épisodes 26 à 30, dessinés par Mike Hawthorne et encrés par Adriano di Benedetto pour les épisodes 26, 27 et 30, avec une mise en couleurs réalisée par Marcio Menyz. Les couvertures ont été réalisées par Checchetto.



La vie est longue et la vie est histoires. Si vous ne vivez pas une histoire, vous en dévorez. Sous la forme de livres, de chansons, de séries télé, de films. Ici en prison, les histoires sont sur pause. Daredevil est en prison, mais il a pu conserver son masque et donc son anonymat. Il se tient assis sans bouger dans la grande salle commune en écoutant les conversations : des histoires de bravoure, des histoires de regrets. Marcus, un grand afro-américain musculeux, s'approche de lui, pour lui dire que son attitude met tout le monde mal à l'aise. En réponse à la question du superhéros, il lui répond qu'il devrait se livrer à une activité normale, comme lire un livre, ou chercher la castagne. Daredevil indique qu'il va rejoindre sa cellule pour ne pas indisposer les autres détenus. Il ajoute qu'il a la ferme intention de faire ses deux ans. Marcus sourit amèrement : lui fera ses trois ans pour détention de cocaïne, et quand il sortira il ne pourra pas retirer son masque. Alors que Daredevil pourra retourner à sa vie normale de médecin, de policier ou d'avocat. Il n'accomplira jamais sa sentence complète. La discussion s'interrompt là car le directeur de prison convoque Daredevil.



Emmené par un gardien, Daredevil entre dans le bureau du directeur Hollis et se place debout, les mains dans le dos devant son bureau. le directeur indique lui demande s'il connaissait son fils car le superhéros l'a envoyé en prison pour crimes. Il ajoute qu'il ne lui en tient pas rigueur. Avec ses super-sens, Murdock a bien compris que Hollis espère que ce prisonnier de sortira pas vivant de son établissement. Dans Hell's Kitchen, Daredevil est en train d'interroger un petit trafiquant d'armes, tout en se disant que si Elekrra l'assassinerait sans arrière-pensée, Daredevil ne ferait pas ça. Elle estime que la méthode du superhéros ne fait que perpétuer un cycle de corruption sans jamais rien résoudre. Elle finit par le lâcher en entendant un cri bestial. Dans un gala, un individu vient remercier Wilson Fisk de sa présence, et le félicite d'avoir fait procéder à l'arrestation de Daredevil, ce qui lui vaut un regard chargé d'inimité de Mary Walker. Wesley Welch s'approche du maire pour lui dire qu'il est venu pour l'emmener dans une pièce haute sécurité car la ville est attaquée. Alors qu'ils sortent et descendent les marches pour rejoindre la limousine, ils sont attaqués par des symbiotes. Typhoid Mary est prompte à bondir avec ses katanas.



Chip Zardsky est soumis comme les autres à l'obligation de participer à l'événement King In Black de Donny Cates & Ryan Stegman, avec l'invasion des symbiotes sous le commandement du roi Knull. Mais voilà, il a dû recevoir la note de service en avance, et il met à profit cette obligation pour faire avancer son intrigue. Après tout, ces symbiotes conquérants s'apparentent à un ennemi presque générique, de la chair à canon prête à l'emploi pour remplir le quota d'action requis par épisode. Donc pendant 2 numéros, Daredevil (Matt) lutte contre les symbiotes déchaînés dans la prison, pendant que l'autre Daredevil lutte contre ce même ennemi dans les rues du quartier Hell's Kitchen. Sauf que Zdarsky a bien préparé son coup : en prison, Matt Murdock essaye d'endiguer le chaos généré par les prisonniers possédés par des symbiotes, et comme il n'y a pas de raison qu'il n'y succombe pas, il se retrouve lui aussi possédé par un symbiote. Mais Murdock n'est pas n'importe qui et le scénariste est là pour raconter son histoire. Il montre donc ce qui se passe dans l'esprit du héros qui résiste comme il peut à l'invasion de son esprit. Les artistes montrent un Daredevil plus diable que jamais dans un dessin en pleine page, avec un costume noir et une araignée rouge sur le torse, c'est le costume de rigueur pendant cette invasion. Ils ajoutent de belles cornes sur le masque, d'une taille supérieure à celle de Daredevil. le héros continue de résister comme il peut, en particulier à se rattacher à sa foi pour contrecarrer l'influence du dieu Knull. le scénariste se tient à saine distance de tout dogme religieux spécifique, tout en mettant à profit une des caractéristiques du personnage. Ce combat est dessiné de manière très superhéros, efficace, sans beaucoup de personnalité graphique, mais sans être bâclé non plus. le scénariste utilise un dispositif qui demande une petite rallonge de suspension consentie d'incrédulité de la part de son lecteur (pas sûr que la prison dispose de cet équipement si facilement accessible et prêt à servir au débotté), pour un final saisissant qui aurait été plus maquant avec un dessinateur plus énergique.



Le scénariste joint l'utile à l'agréable avec la même habileté pour la Daredevil aidant les civils dans les rues : mettre à profit les symbiotes (plus terrifiants car dessinés par Checchetto), pour également pousser le personnage un peu plus loin. Elle a décidé d'assumer le rôle de Daredevil, en utilisant des méthodes similaires à ce superhéros, et donc éloignées des siennes car elle n'hésite pas à tuer d'habitude. Bien sûr les plans les mieux ourdis ne se déroulent jamais comme prévus, et elle se retrouve à prendre en charge Alice, une jeune adolescente dont la mère a été possédée par un symbiote. Les dessins de Checchetto sont plus tranchants grâce des contours plus acérés, plus dynamiques grâce à des prises de vue avec des inclinaisons exagérées. En y mettant un peu du sien, le lecteur comprend qu'Elektra joue ce rôle, mais que le rôle a un effet sur elle, au point qu'elle prenne en pitié la jeune Alice. de même, Wilson Fisk et Mary Walker se retrouvent à devoir se défendre contre les symbiotes, et eux aussi y laissent des plumes. Finalement, cette participation imposée à King in Black est mise à profit pour faire progresser les personnages.



L'épisode 28 reprend donc après la déroute de l'invasion en développant les conséquences pour les deux Daredevil et Kingpin. le lecteur apprécie que Checchetto ait le temps de réaliser deux épisodes en entier, les 28 & 29. Il a un trait de crayon plus acéré qui apporte une forme de tranchant aux personnages et de froideur aux environnements, augmentant d'un ou deux crans la dramatisation visuelle. de temps à autre, le coloriste peut se déchaîner : lors du combat très physique dans la cour du pénitencier avec de magnifiques effets de brouillard de pluie, ou pour les nuances de rouge du costume de Daredevil pour rehausser le relief, pour l'ambiance lumineuse de la boîte de nuit. Cette façon de dessiner rend plus palpable la douleur émotionnelle de Wilson Fisk au chevet de Mary Walker, le doute dans le regard d'Elektra quand elle contemple Alice en train de dormir, la sollicitude un peu agacée de la psychologue Haynes recevant Daredevil dans l'infirmerie de la prison, la classe de la Daredevil avec les touches ninja de son costume, la brutalité des coups portés lors du combat dans la cour, ou encore l'énergie des danseurs dans la discothèque. La différence se faite sentir avec les planches de Hawthorne, propre avec un bon niveau descriptif, avec un jeu d'acteur manquant un peu de justesse, ce qui n'est pas masqué par des dessins trop sages, manquant d'une touche d'exagération expressionniste.



Matt Murdock a décidé de purger sa peine de prison de deux ans en se montrant un détenu exemplaire. Dans la salle commune, il se fait aborder par Marcus un autre détenu qui lui dit franchement sa façon de penser : il n'est qu'un bobo venu chercher une bonne conscience dans un univers dont il ressortira sans avoir été vraiment marqué, en pouvant le laisser derrière lui, par opposition à des individus ayant grandi dans un milieu de petite criminalité et qui ne pourront jamais s'affranchir de cette culture. Bien vu : un individu légitime explique à un criminel du dimanche qu'il n'est qu'un imposteur, et que sa démarche traduit une profonde hypocrisie intellectuelle. Surprise, le scénariste ne s'arrête pas en si bon chemin : Marcus et l'avocate de Matt lui demandent s'il pense vraiment que son séjour en prison va le faire grandir, va le rendre un meilleur individu, ou plus simplement un meilleur citoyen. Il se produit un étrange glissement où Matt se retrouve pris dans une double contrainte : d'un côté il compte bien faire son temps en prison comme citoyen soumis aux lois, de l'autre côté tout le monde lui fait remarquer qu'en tant que superhéros il ne respecte pas les lois et que son séjour en prison ne l'améliore en rien, voire pénalise toutes les personnes qu'il ne peut pas sauver pendant ce temps-là. C'est inattendu que l'auteur braque le projecteur sur cette contradiction inhérente à tout superhéros, aggravée par le fait que Matt Murdock soit un avocat.



Les lecteurs allergiques à cette version de Daredevil ne changeront pas d'avis, car le scénariste continue de s'approprier les personnages. Les autres continuent de se délecter des planches dynamiques de Marco Checchetto, et de la manière dont le scénariste déstabilise Matt Murdock, à a fois en faisant s'écrouler sa certitude que le bon choix est de faire de la prison, à la fois par la montée en puissance de ses ennemis.
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Spectacular Spider-Man, tome 2 : Réécrivons l..

C'est après avoir vu le dernier Spider-Man au cinéma que j'ai eu envie de découvrir des comics (canons ou non) et que j'ai emprunté un peu par hasard le premier tome de Peter Parker : The Spectacular Spider-Man. Même si je n'avais pas accroché plus que cela, j'ai eu envie de découvrir la suite.



L'intrigue de ce second tome me plaisait davantage : Accompagné de Teresa et Jonah Jameson, Peter Parker va voyager dans l'espace temps et lutter contre une race alien. Les personnages seront confronté•es à leur moi du passé et du futur...



Comme j'aime beaucoup les voyages dans le temps (même si ça me fait des nœuds au cerveau), les paradoxes temporels ou encore les réalités alternatives, j'étais ravie en commençant ce comics !



L'histoire est plutôt prenante et c'était sympathique de voyager dans le temps ! Il y a des petites choses que je ne comprends pas toujours, comme les relations de Spider-Man/Peter Parker avec les autres, mais c'est dû à ma méconnaissance de l'univers Spider-Man en comics. Malgré les manquements, c'était une chouette lecture !
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Stillwater, tome 1

Stagnant

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Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il regroupe les épisodes 1 à 6 de la série, initialement parus en 2020/2021, écrits par Chip Zdarsky, dessinés et encrés par Ramón K. Pérez, et mis en couleurs par Mike Spicer. La couverture a été réalisée par Pérez.



Daniel West travaille en tant que designer graphique dans un agence de communication. Il est convoqué par sa cheffe dans son bureau. Elle lui explique qu'elle ne peut pas tolérer le fait qu'il ait bousculé fortement un de ses collègues de travail et que l'entreprise a une politique de tolérance zéro sur ce genre de comportement : il est licencié. Le soir même, il sort en boîte avec son pote Tony Kim, et consomme un peu trop, au point de devoir sortir pour vomir dans le caniveau. Quand il veut re-rentrer avec Tony, le videur s'interpose : il ne veut pas de client puant le vomi. Dan lui met un point dans la face. Il se réveille le lendemain dans son canapé avec un bel œil au beurre noir, et Tony en train de jouer avec sa console, après avoir passé une très bonne nuit dans le lit de son ami. Quelqu'un frappe des coups à la porte : Dan va ouvrir. Un homme de loi lui remet un courrier en main propre. Dan l'ouvre : il s'agit d'une invitation à se rendre le 15 mai 2019, dans la ville de Stillwater pour un rendez-vous dans le cabinet de l'avocat Joël Peterson, pour toucher une somme d'argent en héritage de Margaret Smith, une arrière-arrière-grand-tante. Dès le lendemain, il est en train de conduire pour se rendre à Stillwater avec son ami Tony Kim qui l'accompagne.



Dan et Tony s'arrêtent dans une station-service pour faire le plein. Dan reste à la pompe, pendant que Tony va acheter de quoi grignoter. Il demande à la caissière si elle connaît la ville de Stillwater : aimable comme une porte de prison, elle répond qu'elle n'en a jamais entendu parler. Les deux amis remontent en voiture, et Tony explique qu'il ne sait pas si elle se moquait de lui ou pas. Leur GPS leur indique qu'ils doivent tourner dans une petite route de desserte dépourvue de panneau d'indication. Tony s'amuse : une lettre sur un mystérieux héritage, une petite route dans une forêt dense. Ils se rendent compte qu'il y a une voiture de police derrière eux, avec les feux à éclat en fonctionnement. Ils s'arrêtent : Ted l'adjoint au shérif s'approche de la fenêtre côté conducteur, et demande le permis de conduire, ainsi que les papiers du véhicule. Il porte une casquette à visière et des lunettes de soleil, avec une expression fermée peu engageante. Il leur demande la raison pour laquelle ils se rendent à Stillwater. Daniel explique qu'il vient pour affaire. Finalement Ted s'excuse pour sa façon de parler un peu sèche, et leur souhaite un bon séjour à Stillwater. Ils parviennent dans une petite ville et se garent pour aller manger un morceau dans le diner de la grand-rue. Pendant que Dan passe commande au comptoir, Tony regarde à l'extérieur et voit deux enfants en train de se battre sur le toit de l'immeuble en face. L'un pousse l'autre qui tombe sur la chaussée. Dan et Tony se précipitent à l'extérieur pour venir à son aide.



Après avoir prouvé ses talents de scénariste chez Marvel sur des séries comme Daredevil et Spider-Man Lifestory, Chip Zdarsky lance une série indépendante au long court chez Image Comics. Ce premier chapitre s'avère très intriguant. Dès la fin du premier épisode, le lecteur sait à quoi s'en tenir et dispose d'une vision claire de la dynamique de la série. Daniel West se retrouve dans un petit patelin à l'écart, présentant une particularité surnaturelle, et il s’agit de savoir s'il va s'installer, s'y accoutumer ou s'il va chercher à s'en échapper à tout prix. Le lecteur découvre la situation en même temps que lui puisque l'un et l'autre sont des nouveaux arrivants dans cette petite bourgade. Ils font donc connaissance avec plusieurs citoyens : Ted l'adjoint au shérif pour commencer, Tanya la shérif, le juge Simon Taylor, le docteur Nathan Walsh, le maire, Galen le garçon qui tombe du toit, madame Lilow responsable de l'état civil. L'artiste avait déjà travaillé avec le scénariste sur la série Marvel Two-in-One. Il réalise des dessins dans un registre réaliste et descriptif avec des traits de contour un peu appuyés, pour une apparence un peu plus spontanée, sans l'impression aseptisée quand les dessins sont trop peaufinés. Le lecteur identifie donc facilement les personnages : Dan et son regard souvent dans la défiance, Tony avec son langage corporel beaucoup plus détendu et ses expressions de visage plus enjouées, Ted et ses postures toujours dans le registre de la confrontation physique, Galen et son regard en décalage avec son apparence de garçon pas encore adolescent, le docteur avec ses épaules un peu tombante et sa posture résignée, le juge et son attitude inflexible, la shérif et son air exaspéré, Laura Quinn et son air craintif, etc. Chaque personnage dispose de sa silhouette propre, et d'une tenue vestimentaire correspondant à son statut social et son métier.



Comme Dan & Tony, le lecteur regarde autour de lui pour découvrir Stillwater. Après être passé dans l'open-space où travaillait Dan, puis son appartement et la station-service, il découvre la rue principale de Stillwater avec ses constructions à 1, 2 ou 3 étages. Il remarque l'aménagement de bonne qualité du bureau du juge, la banalité de la maison de Laura, et de celle de Nathan. Il voit un aménagement très standard de la salle d'audience de la mairie. L'artiste sait montrer la banalité d'une petite ville comme tant d'autres aux États-Unis, avec un niveau de détails suffisant pour dépasser le stade de décor en carton-pâte, sans non plus ajouter des éléments vraiment particuliers. Les tenues vestimentaires s'avèrent plus variées, tout en restant banales. Il sait représenter les bois, avec des formes et des implantations d'arbres crédibles, même s'il n'est pas possible d'en identifier les essences. D'un côté, le lecteur n'a pas le souffle coupé par des visuels extraordinaires, ou des découpages de planche virtuoses ; de l'autre côté, l'ambiance de petite ville est bien rendue, la direction des acteurs est juste, et les décors sont présents dans plus de 80% des cases. C'est donc une narration visuelle discrète, entièrement au service du récit, sans éclat, mais très solide.



Le scénariste a choisi un point de départ éprouvé : deux personnes se retrouvent incapables de partir dans une petite bourgade qui cache un secret de taille. Zdarsky sait très bien que cette situation n'est pas très originale et il l'exprime même par la bouche de Tony Kim qui le fait remarquer à Dan : lettre mystérieuse, route étrange, pas de panneaux indicateurs. Il ajoute que fort heureusement les dangers ne surviennent que nuit. Bien sûr un événement inexplicable se produit 4 pages plus loin, dans la lumière du jour. Le scénariste en rajoute un petit peu avec la pompiste qui ne sait pas où se trouve Stillwater, et l'isolement de la ville dont les habitants ne sortent quasiment jamais, sans oublier l'absence de couverture réseau ce qui rend inopérant le téléphone portable dès qu’on a quitté la route principale. Dans le même temps, les habitants ne semblent manquer de rien : nourriture, habits, matériaux, boissons, carburant, etc. Ils ne sont donc pas aussi coupés du monde que ça, ils ne vivent pas en autarcie. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut trouver ce décalage plus ou moins rédhibitoire pour sa suspension consentie d'incrédulité. Dans ce cas-là, il peut encore envisager l'histoire comme relevant plutôt du conte où il ne fait pas tout prendre au premier degré.



Dans tous les cas, il reste impliqué dans le récit, car les auteurs ont su insuffler assez de personnalité à Daniel West, un jeune adulte ne maîtrisant pas toujours ses accès d'énervement, bénéficiant de l'amitié de quelqu'un de sympathique, prompt à passer à l'action (pour secourir Galen tombé du toit), capable de prendre le temps de réfléchir. Le scénariste dévoile rapidement le phénomène surnaturel de Stillwater, et le récit passe alors dans la phase où la petite communauté réagit à l'introduction d'un élément extérieur en la personne de Dan. Il s'agit bien sûr d'un élément perturbateur dans une situation stable, un dispositif narratif basique et efficace. Le lecteur peut également y voir l'injection d'une nouveauté dans une communauté figée dans son fonctionnement depuis des années. Sous cet angle, le récit devient alors un commentaire sur la stagnation et l'immobilisme, revenant dans le registre du conte. Le lecteur peut y voir un regard critique sur la volonté de faire perdurer les choses, de les conserver dans un état identique. Il peut aussi y voir une situation où les différents membres de la communauté bénéficient d'un avantage personnel identique et se liguent pour le conserver à tout prix, l'inscrivant comme objectif premier de la communauté. Le scénariste montre alors les petits désaccords s'accumulent, enflent jusqu'à atteindre une masse critique permettant d'envisager à nouveau un changement.



Les auteurs partent d'un point de départ très classique : deux étrangers dans un patelin qui cache un secret. L'artiste sait bien donner corps à cette petite ville, aux habitants ordinaires, à leur banalité. Le scénariste fait progresser son intrigue à bonne allure pour sortir des clichés rapidement, et pouvoir mettre à profit les spécificités de ce secret dans des situations plus originales, tout en développant son thème principal, celui de la stase.
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Black Hammer - Visions, tome 1

Dérivation originale

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Ce tome met en scène des personnages issus de la série Black Hammer créée par Jeff Lemire, dessinée par Dean Ormston. Il est possible de lire ces histoires sans rien connaître de ces personnages. Elles prennent plus de sens quand on a lu la série mère. Il regroupe les 4 premiers épisodes, chacun réalisé par une équipe créative différente. Il contient également les couvertures variantes de Gilbert Hernandez, Kelley Jones (magnifique), Tom Mandrake (très inspiré), Jason Loo, Geraldo Zaffino, Patricia Martin, Christian Chung, 12 pages contenant les crayonnés de Dean Kotz pour le premier épisode, 5 pages d'études de personnages et de couverture de Diego Olortgui pour l'épisode 4.



Golden Gail : écrit par Patton Oswald, dessiné et encré par Dean Kotz, avec une mise en couleurs de Jason Wordie. Dans la petite ville de Rockwood, Babara et Eunice sont au café, avec encore leur tenue de diplôme, et elles papotent évoquant leu souvenir de Gail Gibbons. La serveuse Tammy vient prendre leur servir leur café. Elles souviennent de l'arrivée de Gail dans leur classe de CM1. Elles se rappellent comment cette copine proférait souvent des insanités à caractère sexuel, s'imaginant être une femme de cinquante ans dans le corps d'une fillette de dix ans et répétant souvent le mort ZAFRAM ! Puis un jour, son père Abraham Slamkowski l'avait emmené. Les deux copines avaient été fort surprises de voir arriver à la rentrée suivante, une jeune fille identique à Gail : sa cousine Windy.



À l'évidence, cette série dérivée est plutôt destinée aux lecteurs de la série principale. Le scénariste effectue les rappels nécessaires, de façon très synthétique, en ce qui concerne Gail Gibbons et sa condition très particulière, mais il n'en dit pas plus sur les deux autres superhéros qui jouent un rôle significatif dans cette histoire. De ce fait, les enjeux et la logique de l'intrigue parlent plus à un lecteur familier de la série Black Hammer. Dans ce cas-là, c'est un vrai plaisir que de retrouver cette petite peste de Gail, cette femme mûre qui souffre d'un jour sans fin dans lequel elle a retrouvé toute sa jeunesse, avec les avantages d'une bonne santé, mais sans pouvoir en jouir en tant qu'adulte. Oswald s'amuse bien avec le décalage que produit Gail parlant comme un adulte, alors que sa maîtresse attend les réflexions d'une fillette. Les deux copines rappellent un peu Enid Coleslaw et Rebecca Doppelmeyer dans Ghost World de Dan Clowes, en moins cyniques, moins méchantes. Le lecteur vérifie à deux ou trois reprises qu'il ne s'est pas trompé sur le nom de l'artiste, tellement celui-ci dessine à la manière de Dean Ormston. Effectivement ce n'est pas ce dernier, et les traits de contour sont un peu moins marqués par l'usure et le poids. Les traits de contour ne sont pas toujours jointifs et le rendu un peu rugueux rappelle bien que ce gentil patelin n'est pas aussi idyllique qu'il y paraît. L'ambiance de petite ville est très bien rendue, ainsi que la jeunesse des deux demoiselles. Le niveau de détails est élevé, donnant de la consistance aussi bien aux personnages qu'aux différents lieux. Une belle histoire douce-amère, mais aussi porteuse d'espoir, où Gail est un peu plus qu'un simple catalyseur, sans être le personnage principal.



Madame Dragonfly : écrit par Geoff Johns, dessiné et encré par Scott Kolins, avec une mise en couleurs de Bill Crabtree. De nuit, Madame Dragonfly se tient devant sa cabane, sa lanterne à la main, et elle prévient le lecteur qu'il ne s'agit pas d'une histoire de superhéros, mais d'un récit de terreur, de meurtre et de folie. Libre à lui de tourner la page, mais s'il le fait, il ne pourra s'en prendre qu'à lui-même. Un homme conduit son van sous la pluie, dans une route qui traverse une forêt dense. Il repère les lumières bleus et rouges d'une voiture de patrouille de police derrière lui. Il s'arrête et le policier vient lui parler à la fenêtre. Il lui pose des questions sur sa destination, sur le motif de son déplacement, sur le choix de son itinéraire plus long qu'en passant par l'autoroute. Enfin il lui recommande de ne s'arrêter sous aucun prétexte, même s'il voit un diner, une ville ou un chalet.



Le lecteur relève tout de suite le nom des auteurs : Geoff Johns, scénariste à la longue carrière prestigieuse pour DC Comics, et Scott Kolins, dessinateur à la carrière similaire, également pour DC. Il suit donc cet homme au calme apparent qui s'arrête quand même à la station-service au milieu des bois. L'enfant qu'il a enlevé et séquestré à l'arrière de son van, parvient à se libérer de ses liens, et à s'enfuir dans les bois où il trouve une mystérieuse cabane dans laquelle il entre pour se mettre à l'abri. Il n'y a pas de surprise quant au superhéros impliqué puisqu'elle figure sur la première page du récit et sur la couverture de cet épisode. Le scénariste rend donc hommage aux histoires d'horreur publiées pendant longtemps par DC Comics dans des séries comme House of Mystery et House of Secrets. Le déroulement de l'histoire n'est pas si prévisible que ça puisque ce n'est pas le criminel qui pénètre dans la cabane de Madame Dragonfly, mais la victime. L'artiste s'amuse bien avec des contours de forme acérés, fins et secs, des exagérations dramatiques bien mesurées, permettant au lecteur de prendre le récit au premier degré, mais aussi d'y voir la malice de quelqu’un qui joue avec les conventions visuelles du genre et qui sait que le lecteur le sait. Le monologue de Madame Dragonfly dans la première page indique également que Johns joue au même jeu : premier degré, et clin d'œil. La chute du récit dans la dernière page peut se lire comme le destin du jeune homme, mais aussi comme celui du lecteur, accro aux comics.



Abraham Slam : écrit par Chip Zdarsky, dessiné et encré par Johnnie Christmas, mis en couleurs par Dave Stewart. Dans la bonne métropole de Spiral City, quand les superhéros étaient encore en activité, Abraham Slamkowski était en couple avec une charmante épouse, et avait raccroché son costume de superhéros. Un jour aux informations, il découvre que le maire de la ville a décidé de mettre en service un superhéros appelé The Slam, et portant une arme à feu. Il est atterré par le principe même d'un vigilant municipal avec un pistolet. Le lendemain, lors de sa séance de boxe régulière en tant qu'entraîneur, il entend deux jeunes boxeurs louer l'efficacité de Slam qui a mis deux balles dans la jambe d'un criminel. Il leur fait observer que le nom de ce superhéros n'est pas Abraham Slam.



Le scénariste est un auteur chevronné travaillant alors pour Marvel Comics sur la série Daredevil. Il joue avec le thème d'un superhéros vieillissant ayant arrêté les frais qui voit arriver une jeune génération qui utilise des méthodes qu'il réprouve. Il ne peut pas laisser faire. Contre l'avis de son épouse, il décide d'y mettre bon ordre. Mais il n'est plus de première jeunesse, et il ne fait plus le poids physiquement. Zdarsky montre un individu avec de solides convictions morales, une expérience professionnelle (en tout cas de superhéros) qui lui permet de savoir que tout cela ne peut que mal finir, mais qui se heurte au principe de réalité : il n'y peut rien. Le dessinateur est un nouveau venu : il raconte l'histoire en restant à un niveau très terre à terre, sans l'exagération propre aux superhéros, ce qui renforce le caractère humain et normal d'Abraham, et son impuissance face à cette évolution qu'il réprouve. Les auteurs montrent ainsi un être humain dans une situation qui le dépasse, qui ne peut pas revenir à l'état de superhéros qui fut le sien (un thème majeur de la série mère) pour mettre en scène les possibilités d'action qui lui restent. Un très bon récit.



L'équipe : écrit par Mariko Tamaki, dessiné et encré par Diego Olortegui, mis en couleurs par Dave Stewart. Par une nuit d'orage bien noire, dans une demeure luxueuse, Abraham, très tendu, est en train de s'envoyer un whisky, pendant que sa femme Gail finit de mettre ses bijoux devant sa coiffeuse. Il sort énervé, alors qu'elle lui demande de ne pas claquer la porte, en vain. Dehors devant la grille, Madame Dragonfly et TLK-E WLK-E sont en train de discuter dans leur voiture, ce dernier lui faisant observer qu'elle va forcément leur annoncer la nouvelle car elle n'est pas une menteuse. Une fois à table, le repas est servi par Randall Weird. Abraham s'emporte contre une remarque de TLK-E WLK-E et il décide de sortir de table pour aller boire un verre. Randall rejoint Mark Marz en cuisine.



L'autrice change de nature d'histoire : il ne s'agit plus de mettre un personnage en avant, ou de se servir d'un des superhéros comme d'un révélateur pour un être humain. Elle met en scène l'ensemble de l'équipe informelle des superhéros coincés à Rockwood : Abraham Slamkowski, Mark MartzGail Gibbons, Randall Weird, Madame Dragonfly et TLK-E WLK-E. Le lecteur ne sait pas trop sur quel pied danser en les découvrant comme acteurs d'une comédie de situation, dans des relations émotionnelles et personnelles ne correspondant pas au statu quo. Il se sent tout de suite happé dans ce manoir grâce aux dessins très détaillés et précis, au jeu d'acteur naturaliste avec une dramaturgie un peu appuyée. Il peut voir et ressentir les émotions des uns et des autres. Grâce à la sensibilité de la narration visuelle, il accepte sans rechigner la relation entre Abraham, homme d'une cinquantaine d'années, et Gail, fillette prépubère, ou la relation lesbienne entre Dragonfly et le robot. La scénariste profite pleinement de la liberté donnée par la véritable nature de ces personnages, des superhéros dérivés mis à la retraite, pour une comédie sentimentale improbable et crédible, avec une fin qui fournit autant une explication, qu'une puissante sensation de vague à l'âme éprouvée par l'un des personnages.



A priori, le lecteur se dit que ça ne vaut pas le coup : 4 récits courts en 1 épisode, de superhéros dérivatifs qui ne sont même pas écrits par leur créateur Jeff Lemire. Le premier récit le fait changer d'avis grâce aux dessins assez proche de la série mère, et un hommage à Ghost World. Le second est un hommage plus classique aux récits d'horreur courts de DC, exécuté avec un réel talent. Le troisième prolonge le thème principal de la série mère pour un personnage, de façon prenante et intéressante. Le dernier est également une pépite pour ceux qui ont lu la série initiale, à la fois pour les dessins, à la fois pour le scénario.
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Stillwater, tome 2

Besoin de grandir

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Ce tome fait suite à Stillwater, tome 1 (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2021, écrits par Chip Zdarsky, dessinés et encrés par Ramón K. Perez, et mis en couleurs par Mike Spicer.



Après l'explosion de la mairie, le sergent Kreegs et ses hommes s'approchent du maire Simon Taylor, blessé, pour le prendre en charge. Il lui explique qu'ils ont été appelés à la rescousse par Ted, l'adjoint de la shérif Tanya Green. Celle-ci arrive et pointe son pistolet contre le crâne du sergent. Elle est distraite par un mouvement, et Kreegs a vite fait de la désarmer. Dans le même mouvement, elle et ses hommes sont abattus par les hommes du sergent. Le juge comprend qu'il doit accepter séance tenante l'aide du commando, ce qu'il fait. Dans le même temps, Daniel et sa mère Laura Quinn sont arrivés chez elle où elle récupère un sac de voyage tout prêt avec des armes, et expliquant à son fils qu'ils doivent fuir le plus rapidement possible. Dans les rues de Stillwater, le commando continue de pacifier la ville en tirant sur tous ceux qui résistent et en les emmenant sur la plateforme d'un pick-up. L'adjoint Quintin s'approche de Kreegs en lui faisant remarquer que leurs actes relèvent du terrorisme. Son interlocuteur lui répond qu'ils ont un plan bien conçu, mais que libre à lui d'attendre le retour de la shérif, si ça lui chante. Alors qu'ils s'apprêtent à sortir pour s'enfuir, deux individus armés s'introduisent dans le pavillon et la première abat Laura d'une balle dans le ventre. Puis le second s'en prend à Daniel. Ce dernier parvient à abattre l'intruse, mais un duel s'engage avec le second agresseur. Ils se retrouvent dehors sur la pelouse et l'assaillant tranche l'avant-bras de Daniel avec une épée.



Alors que Daniel contemple le sang s'écoulant de son moignon de bras, le duel est interrompu par l'irruption d'un jeune enfant, Galen, en larme, demandant à l'agresseur d'arrêter de faire du mal à son ami. L'autre s'interrompt et le regarde interdit, ne sachant quelle attitude adopter. Daniel profite de cette distraction : il ramasse l'épée qu'il a laissée tomber, se relève et attaque l'autre dans le dos, le décapitant d'un coup vif fort. Il a reconnu le garçon : celui qui est tombé du toit quand lui et Tony Kim sont arrivés en voiture dans la ville. Pendant ce temps-là, le sergent et ses hommes sont arrivés à leur destination : des cages métalliques de très grandes tailles, dans lesquelles parquer les prisonniers. Galen conduit Daniel à pied tout en lui expliquant pour quelle raison il est si important à ses yeux. Daniel n'est pas Laura, il est différent. Il est comme Galen. Il est un des enfants de Stillwater, le seul ayant accompli le rêve de grandir. Tout devrait bien se passer sous réserve qu'ils fassent preuve de patience. Or ils disposent de tout le temps possible du fait de la longévité de leur vie.



Le lecteur se souvient du premier tome, bien mené : un point de départ très classique avec deux étrangers dans un patelin qui cache un secret. L'artiste donnait corps à cette petite ville, aux habitants ordinaires, à leur banalité. L'intrigue progressait à bonne allure pour sortir des clichés rapidement, et développer des situations plus originales, et le thème de la stase. Ce premier tome se concluait sur un événement de grande ampleur, sans possibilité de retour à l'état antérieur, une situation obligeant la petite communauté de Stillwater à changer, à sortir de sa stase. Le récit reprend au moment même où il s'était arrêté dans la dernière page. Les différentes factions en présence continuent leur lutte pour s'assurer la position dominante. Le lecteur voit ainsi Daniel et sa mère mettre en œuvre une stratégie de fuite pour survivre, le shérif adjoint Ted essayer de trouver un terrain d'entente avec le commando du sergent Kreegs pour pacifier la ville et rétablir une autorité pérenne, différents habitants s'allier à tel ou tel groupe, ou se mettre à l'abri en attendant que l'ordre revienne. Le lecteur découvre l'existence d'une faction qui ne s'était pas encore manifestée de manière active, menée par Galen, l'un des habitants restés dans un corps d'enfant, un garçon d'une dizaine d'années. Les auteurs développent également les circonstances dans lesquelles Tanya Greene a rejoint Stillwater et s'est intégrée à la population. Enfin le dernier épisode se déroule un an après les événements des cinq autres.



Le lecteur constate avec plaisir qu'il retrouve la même équipe créatrice que dans le premier tome. Il s'est déjà fait une idée des caractéristiques de la narration visuelle. Effectivement l'artiste continue de réaliser des dessins dans un registre descriptif et réaliste. Il utilise des traits de contours, d'une épaisseur assez fine, avec des aplats de noir pour accentuer les ombres portées pendant les scènes nocturnes. Il ne peaufine pas les silhouettes ou les visages en arrondissant les contours, ce qui conserve une allure adulte aux personnages, et une touche de dureté aux différents environnements. Il sait concevoir et donner une apparence différente à chaque protagoniste ce qui permet de les identifier facilement et de leur donner plus de personnalité. En particulier, il dessine les enfants en cohérence avec la morphologie de cet âge-là, ce qui donne plus d'étrangeté à Galen, rendant sa souffrance psychologique plausible et poignante. Le lecteur découvre qu'il y a un nourrisson à Stillwater et il frémit à la situation de cet individu prisonnier d'un corps qui ne peut pas grandir depuis plusieurs années. Là encore les dessins font très bien passer l'horreur de cette situation. Par moment, le lecteur peut se dire que la narration visuelle manque de panache ou de minutie : des fonds de cases parfois habillés uniquement par un camaïeu, quelques cases avec une tête en train de parler, quelques décors un peu trop dépouillés.



Mais à bien y regarder, le lecteur se rend compte que Perez gère bien la densité d'informations visuelles, sans recourir à des solutions de facilité chaque fois que l'occasion s'en présente. En fait, il y a très peu de cases avec juste la tête d'un protagoniste en train de parler, et jamais en succession pour occuper toute une séquence. Quand il n'y a pas d'action, les cases montrent les personnages, l'environnement dans lequel il se trouve, l'activité qu'ils sont en train de réaliser, leurs gestes, leurs postures : les dessins complètent les propos échangés, permettant de se faire une idée de l'état d'esprit de chaque interlocuteur. De même, l'artiste prend soin de ne laisser aucune page sans information visuelle du lieu où se déroule la scène. Il représente dans le détail les éléments de décors, chaque fois qu'ils apportent des informations sur le positionnement d'un personnage, son occupation, ses mouvements ou ses déplacements. Il ne détaille pas les images au niveau d'une précision photographique, mais il ne se contente pas de formes génériques. Le lecteur peut voir les caractéristiques de la façade du pavillon des Quinn, différentes essences d'arbres, l'aménagement de l'open-space dans lequel travaille Tanya Greene, le bureau particulier de son chef de service, la façade de l'immeuble où se trouve le bar qu'elle fréquente, l'aménagement du bureau du juge à Stillwater, la zone que les enfants ont aménagée à leur convenance dans les bois, l'intérieur d'une grange avec des bottes de paille, etc. De même, l'artiste adopte une mise en scène naturaliste pour les séquences d'action, n'usant d'exagération dramatique qu'avec parcimonie, ce qui rend la violence plus terrible, et ce qui fait ressortir les éléments surnaturels avec plus de force.



L'arrivée de Daniel West et de Tony Kim à Stillwater a mis en branle des événements pour lesquels il n'y a pas de retour en arrière possible, à l'équilibre antérieur. Cette situation constitue déjà une dynamique narrative conflictuelle du fait de la caractéristique partagée par tous les habitants de cette ville. Le scénariste se montre habile à mettre en scène des individus en place qui ont tout intérêt à ce que rien ne change, des nouveaux arrivants qui ont tout intérêt à ce que tout revienne à l'équilibre antérieur, des nouveaux arrivants qui refuse de se conformer à l'ordre précédemment établi, des habitants de longue date qui font tout pour que les choses changent. De ce fait, la dynamique narrative ne repose pas sur une simple dichotomie, mais sur des conflits d'intérêt variés. Le lecteur ne connaît pas la durée de la série : il n'a donc pas la certitude de la pérennité des personnages, même quand il s'agit de premiers rôles. Le seul personnage assuré de survivre est la ville elle-même. Du coup, le suspense est plus intense car même un protagoniste de premier plan peut y laisser sa peau. Au-delà de l'intrigue au premier degré, des stratégies des uns et des autres, des conflits physiques et armés, la question centrale demeure : comment assurer la sécurité de Stillwater et de ses habitants ? En filigrane se pose la question de déterminer l'intérêt commun, et les moyens pour le préserver ou l'assurer. Comment concilier la sécurité des habitants en les préservant d'être découverts, et la santé mentale des personnes comme Galen ? Est-il possible de préserver l'isolement d'une communauté dans un monde connecté ? Les auteurs posent ces questions en toile de fond : elles apparaissent tout naturellement au fil de l'histoire, sans besoin d'être explicitée.



Les auteurs poursuivent leur récit, avec une fluidité bien équilibrée : entre action brutale, interactions civiles, représentations détaillées, et dessins plus lâches. Le lecteur prend parti pour tel ou tel personnage, et même pour plusieurs dont les objectifs ne sont pas conciliables entre eux, se demandant quels moyens constructifs et démocratiques pourraient permettre à cette communauté de s'organiser et de mener une vie harmonieuse.
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Spider-Man - Fresh start, tome 1

Voilà l’un des nouveaux titres pour lequel j’étais le plus fébrile car il y a un grand changement la série The Amazing Spider-Man. En effet, comme je vous le disais dans mon article sur Avengers, le talentueux Dan Slott a arrêté Spider-Man et s’en est allé sur Iron Man. Perso, je suis bien content, car Brian Michael Bendis avait fait n’importe quoi sur le personnage de Iron Man (sérieux, Fatalis et Iron Heart….). Bref, ce vilain monsieur est parti chez DC (je peux vous dire qu’il est attendu au tournant s’il saccage Superman^^) et c’est donc Dan Slott qui a repris Iron Man.



La place était donc libre sur Spider-Man et c’est Nick Spencer qui s’y colle. J’aime bien ce scénariste, notamment sur la récente série Captain America : Steve Rogers, qui était vraiment excellente. Il a aussi fait celle sur Sam Wilson, mais comme je n’aime pas le personnage, j’ai vite décroché.



Et l’on peut dire que Nick Spencer s’en sort très bien avec deux premiers chapitres de très bonne qualité dans lesquels il déstructure un peu ce qu’avait fait Dan Slott. En effet Peter Parker avait tout perdu à la fin du run de Slott, et donc Spencer continue sur la lancée, en allant même un peu plus loin. Ce qui va arriver à notre cher Peter dans ces deux chapitres n’est vraiment pas juste, et tout le monde va lui tourner le dos, même tant May ! J’ai trouvé que pour le coup, ça démarrait fort, mais c’est une bonne chose pour poser de nouvelles bases. Le gros atout de ces deux chapitres est le retour au premier plan de Mary Jane Watson. Cela fait vraiment plaisir de la retrouver, il y a un coté nostalgie qui fonctionne à la perfection. Il faudra voir comment cela évolue, mais je trouve que cette nouvelle série démarre très bien.



L’autre titre intéressant de ce softcover est Peter Parker : Spectacular Spider-Man, toujours écrite par Chip Zdarsky qui est une sorte de série alternative. Elle se passe dans l’univers actuel, mais les évènements qui s’y déroulent n’ont aucunes répercussions sur la série mère. Ici, pas vraiment de nouveau départ, mais une suite logique dans l’intrigue mise en place dans Legacy. Peter Parker et J. Jonah Jameson (qui connait à présent l’identité de notre cher Spidey) remontent le temp pour essayer de contrer les plans du Bricoleur. C’est très sympa, il y a un petit coté old-school bien fichu, que ce soit dans la narration ou les dessins, et en toute honnêteté, je suis agréablement surpris par cette série.



Ce softcover se termine avec une numéro spécial de Dan Slott, l’ultime qu’il tenait à faire pour montrer à quel point Spider-Man, est important. Il rend lui même hommage à son personnage et c’est vraiment superbe. Il y a aussi la série Ben Reilly : Scarlet Spider, mais je ne la lis plus depuis un bail, donc je ne saurais vous dire de quoi elle traite. En tout cas, j’ai feuilleté les premières pages, et ça semble être dans la même vibe que d’habitude, donc je n’ai pas continué.



Ce premier numéro de Spider-Man Fresh Start est donc très réussi, même si pour le moment ça manque un peu d’impact par rapport au reste. On sent qu’il va falloir quelques chapitres pour developper tout ça, mais je ne m’en fais pas le moins du monde 😉
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Howard le canard, tome 1

Ah, Howard le canard ! En ce moment je teste des personnages que je ne connaissait vraiment pas, et qui ne m'attiraient pas spécialement. C'est le cas avec ce fameux Howard.



Je l'avais vu faire un très courte apparition à la toute fin du film Les Gardiens de la Galaxie, et j'avais également vu qu'il avait eu droit à un film dans les années 80, mais je ne l'ai jamais vu.



Je partais donc sur une base saine, pas vraiment emballé malgré tout, en me disant qu'au pire, je pourrais rapporter le livre à la boutique.



Et pourtant, j'ai vraiment beaucoup aimé ! C'est un Comics décalé, qui ne se prend pas au sérieux, qui multiplies les références à des musiques, des comics, films ou autre, et qui pourtant, de ci de là, montre certains aspects plus sérieux du personnage.



Oui, car même si un canard qui parle c'est marrant, il faut se mettre à la place du pauvre Howard qui est issu de monde des canards et qui s'est retrouvé dans notre monde. Ce n'est pas facile à vivre tous les jours mais il s'en sort plutôt bien.



Pour ce premier tome qui contient 5 issues, l'auteur a eu la bonne idée de faire d'Howard, un détective privé. C'est vrai que le pauvre n'a pas de supers-pouvoirs, car c'est simplement un canard. Là grâce à ses enquêtes, il va croiser la route de Spider-Man, des Gardiens de la Galaxie, du Dr Strange, ce qui lui permettra d'avoir de bonnes aventures, assez décalées tout de même.



Ce tome nous narre un premier arc complet, car bien que loufoque, chaque chapitre suit la trame du précédent, et on a bien une histoire complète. Les dessins sont vraiment sympas, la lecture se fait sans aucune anicroche et on passe un très bon moment de lecture. Personnellement c'est une vraie bonne découverte !



Allez, si je veux être tatillon, je dirais que le choix de la couverture n'est pas le meilleur. Il y en a des plus jolies, qui collent mieux à l'esprit de la série, mais Panini Comics à choisi celle qui représente le seul chapitre avec les Gardiens de la Galaxie, sans doute pour attirer un plus large public.




Lien : http://xander22.skyrock.com/..
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Daredevil, tome 7 : Confinement

Être Daredevil

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Ce tome fait suite à Daredevil by Chip Zdarsky Vol. 6: Doing Time (épisodes 26 à 300) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 31 à 36, initialement parus en 2021, écrits par Chip Zdarsky. Les épisodes 31 & 32 ont été dessinés par Mike Hawthorne, encrés par Adriano di Benedetto. L'épisode 33 a été dessiné et encré par Marco Checchetto. Les épisodes 34 & 35 ont été dessinés et encrés par Stefano Landini, avec l'aide de Francesco Mobili pour le 35. L'épisode 36 a été dessiné par Manuel Garcia, et encré par Cam Smith, Scott Hanna, Victor Nava. La mise en couleurs des 6 épisodes a été réalisée par Macio Menyz, avec l'aide de Bryan Valenza pour le numéro 36. Les couvertures ont été réalisées par Checchetto. Le tome comprend également les couvertures variantes de Greg Land, Peach Momoko, David Lopez, Rob Liefeld, Joe Jusko, Juann Cabal, Dan Panosian.



Daredevil est toujours en prison, son identité secrète étant toujours préservée. Il a accepté de devenir un informateur pour l'agent Kesbeh du FBI car il y a un soupçon de décès prématuré de prisonniers au sein de cet établissement pénitentiaire. Ce matin, Marcus vient le chercher dans sa cellule pour discuter de sa position, mais le superhéros n'est pas d'humeur à se laisser convaincre. Puis un gardien vient le chercher car il est attendu pour une audience avec le directeur Hollis dans son bureau. Dans le même temps, Elektra Natchios essaye de faire réagir la jeune fille Alice dont elle a pris la responsabilité. Elle lui jette un gant de boxe pour la provoquer, mais la jeune fille refuse le défi, s'en prend à Elektra en lui disant qu'elle ne se rend pas compte du fait qu'elle, Alice, a tué un homme. Elle prend son manteau et sort en courant, claquant la porte derrière elle. Dans une cave, Mo, un homme de main enlève le sac qui recouvrait la tête de Matt Murdock, en faisant remarquer que c'était idiot de recouvrir ainsi la tête d'un aveugle. Joseph Hammerhead montre son énervement à être ainsi traité d'idiot. Butch Pharris suggère que tout le monde se calme et d'écouter Murdock.



En tant qu'ex-assistant du District Attorney, Murdock explique qu'il est là pour évoquer un arrangement, et qu'il leur fait une faveur. Il présente la situation : Izzy Libris a pris la place du caïd à New York, et elle a ordonné l'assassinat de Hammerhead. Il les informe qu'il y a actuellement un plan en œuvre pour l'éliminer de la place de caïd, et qu'il serait intelligent qu'en attendant les autres clans représentés par eux évitent de s'engager dans une guerre des gangs qui serait néfaste pour tout le monde. L'équipe du DA va faire en sorte que Libris aille en prison avec eux tous, ou alors les chefs de bande arrangent un coup pour la déposer et reprendre le commandement de la pègre. Dans le même temps, Elektra dans le costume de Daredevil est en train de méchamment défoncer des petits criminels de rue en exigeant qu'ils lui disent où se trouve Izzy Libris. Wilson Fisk s'en prend au préfet de police de New York en exigeant que Bullseye soit localisé et neutralisé dans les plus brefs délais.



Matt Murdock en prison, Elektra en superhéros, et un gugusse qui a usurpé l'identité de Matt, Wilson Fisk qui essaye de rétablir l'ordre dans la ville dont il est maire avec l'aide de Mary Walker qui oscille entre son identité civile et son identité costumée, sans oublier Bullseye en tireur d'élite plus insaisissable que jamais qui a décidé de faire des cartons sur des civils, depuis les toits de New York. Finalement, seul ce dernier est à sa place habituelle, tous les autres étant à contre-emploi. Matt Murdock essaye de garder en vie les détenus contre l'administration pénitentiaire. Elektra Natchios fait l'expérience d'endosser les responsabilités de Daredevil et de prendre soin d'une jeune adolescente. Fisk prend la pleine mesure de son erreur : lâcher un tueur dans la nature s'avère être l'une des idées les plus idiotes qu'il ait pu avoir pour se débarrasser d'un problème. Le scénariste a bien su entremêler les fils de son intrigue générant un suspense tendu, sans pour autant réduire ses personnages à de simples pantins s'agitant dans tous les sens au gré des scènes d'action.



Comme dans les tomes précédents, les dessinateurs se succèdent assurant 1 ou 2 épisodes, avant de céder la place au suivant. Comme précédemment, le lecteur peut regretter que Marco Checchetto ne dessine pas tous les épisodes : il se console en se disant qu'il dessine l'intégralité de [[ASIN:1302932845 Devil's Reign]], événement dans lequel aboutit la présente série. Il retrouve effectivement avec plaisir les traits de contour acérés de l'artiste dans l'épisode 33, sa manière de concevoir un découpage de planche en fonction de la scène, pour accentuer le mouvement, ses mises en scène spectaculaires. Il est gâté dans cet épisode avec Lester reprenant conscience dans un grand tube à dimension humaine (indice : il n'est pas content), Elektra prenant conscience du nombre d'ennemis armés qui l'entourent, une chute depuis un étage d'immeuble, une épaisse fumée d'incendie qui obscurcit le ciel, la tête de Stark quand Elektra le met au défi de lui inventer une arme, ou encore l'inspecteur Cole North découvrant Daredevil au sommet de son trône dans le hall de la prison.



Par la force des choses, le lecteur apprécie les autres artistes par rapport à cet épisode 33. De fait la narration visuelle de Hawthorne est plus douce, avec des traits de contours un peu plus épais, et plus arrondis. En cherchant un réalisme plus juste, l'artiste perd en dangerosité, en célérité. D'un autre côté, il se repose moins sur les effets spéciaux de la mise en couleurs, et il se contraint à représenter chaque élément avec un degré de détail plus élevé. Ça fonctionne bien avec les personnages, même si leur jeu d'acteur manque parfois de naturel. Ça fonctionne un peu moins bien avec les décors, en fonction de la précision du dessin, car ce mode de représentation ne souffre pas la simplification. Du coup de temps à autre, le lecteur éprouve la sensation de sortir du récit le temps d'une case pour un élément peu plausible : un sourire trop franc de Daredevil, les cornes trop prononcées sur le masque de Daredevil porté par Elektra, les murs trop souvent en briques, une chaussée trop lisse et trop propre. Dans ces quelques moments-là, le lecteur passe d'une vision réaliste et plausible, à une vision mettant en avant un artifice, ou une représentation teintée de naïveté.



Avec les épisodes 34 & 35, il passe dans un registre visuel plus proche de celui de Checchetto pour la sensation acérée, mais avec des visages plus lisses, et des décors moins soignés. Cela donne une narration plus inquiétante que celle de Hawthorne, avec quelques moments spectaculaires (le visage masqué de Daredevil / Elektra sur les écrans de Times Square) et quelques expressions de visage trop juvéniles. Enfin, il passe au dernier artiste pour le dernier épisode de ce recueil. Celui-ci est plus proche de Hawthorne, avec un sens des textures plus développé, ce qui donne des personnages plus consistants et des environnements plus tangibles. La sensibilité est sensiblement différente de celle de Checchetto, ce qui n'est pas choquant car cet épisode forme une sorte d'épilogue à ce chapitre. Plusieurs images frappent l'imagination du lecteur, dont ce magnifique Daredevil très sombre, profondément enfoncé dans le fauteuil de Wilson Fisk dans son vaste bureau. À deux ou trois reprises, le dessinateur choisit de privilégier une posture très acrobatique pour le superhéros passant de toit en toit, avec une dramatisation tellement artificielle qu'elle fait sourire. Dans l'ensemble, ces 6 épisodes bénéficient d'une bonne narration visuelle, sans être irréprochable, mais rien de honteux.



Le lecteur retrouve Daredevil avec plaisir, en se demandant comment l'intrigue va évoluer, quels défis il va affronter, et comment vont s'en sortir les autres personnages. Il apprécie que le scénariste sache mettre en valeur la personnalité de chacun. Matt Murdock est coincé en prison, et il est fermement décidé à se soumettre à la loi, à assumer les conséquences de son crime. Pour autant, il ne peut pas renoncer à assouvir son besoin de justice. Cela l'amène à collaborer avec un représentant de la loi : Matt Murdock continue à chercher comment servir au mieux la justice et la loi, à concilier les deux tout en ayant à l'esprit que la posture de vigilant joue en la défaveur du respect de la loi, par rapport aux agissements d'un simple citoyen. Elektra se retrouve confronté à un constat très similaire : elle n'est pas faite pour s'occuper d'une jeune adolescente dont la responsabilité lui a échue, et elle a du mal à s'en tenir aux méthodes de Matt Murdock pour incarner Daredevil et ne pas trahir ses valeurs morales. Wilson Fisk doit lui aussi concilier sa volonté de rester rangé des voitures, et en même temps l'obligation d'utiliser des moyens illégaux s'il veut conserver sa position et atteindre ses objectifs. Il souffre tout autant que les deux autres de ce dilemme moral, le lecteur compatissant peut-être le plus avec lui car Matt Murdock est le héros et il restera du bon côté de la loi, Elektra peut basculer aussi bien d'un côté que de l'autre au gré de la fantaisie des auteurs. En revanche une rédemption de plus ou moins longue durée reste possible pour Fisk, car il en a déjà bénéficié par le passé.



S'il a été accroché par cette saison de la série dès le début, le lecteur est aux anges : la narration visuelle est solide, et de très bon niveau pour l'épisode dessiné par Marco Checchetto. L'intrigue progresse de manière significative, les différents fils narratifs se croisant de manière organique, pour une tapisserie de bonne facture, avec des scènes d'action mémorables, et une thématique développée par chacun des trois principaux personnages sur la manière de prendre ses responsabilités, de participer à l'amélioration de la société ou de sa communauté, avec ses capacités personnelles.
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The Silver Coin, tome 1

Le poison d'une émotion négative

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Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il regroupe les épisodes 1 à 5, initialement parus en 2021, tous dessinés et encrés par Michael Walsh qui en a aussi assuré la mise en couleurs avec l'aide de Toni Marie Griffin. Il a également réalisé les couvertures. Le scénario a été écrit par Chip Zdarsky pour l'épisode 1, Kelly Thompson pour le 2 Ed Brisson pour le 3, Jeff Lemire pour le 4, et Walsh lui-même pour le 5. Le tome comprend également les couvertures variantes réalisées par Tula Lotay, Maria Nguyen, Anand Radhakrishnan, Christian Ward, Maya McKibbin.



En 1978, Ryan joue dans un petit bar de province, avec son groupe, un trio : il est le guitariste, avec Ashley à la batterie et Joe à la basse. Ils jouent devant une salle vide, illuminée par une boule à facette. Après leur set, le barman Danny explique à Ryan qu'il n'a plus que le créneau de 19h00 le vendredi. La réalité, c'est que tout le monde veut danser sur du disco. Le soir, ils vont écluser des bières et fumer un peu dans la maison du père de Ryan. Ashley farfouille dans les affaires de sa mère qui a mis les bouts. Elle trouve une étrange pièce d'argent et Ryan la prend. Il décide de s'en servir comme médiator.



Une anthologie de nouvelles d'horreur qui ont comme dénominateur une pièce d'argent passant de main en main au fil des décennies. Pourquoi pas ? L'originalité réside dans le fait que ce recueil a lui comme dénominateur commun qu'elles sont toutes illustrées par le même artiste : Michael Walsh. Il a déjà collaboré avec des scénaristes de renoms, et dessiné une saison hors du commun des Secret Avengers (2014/2015) avec un scénario d'Ales Kot, en 15 épisodes. Du titre, le lecteur comprend le rôle de la pièce d'argent comme facteur surnaturel déclenchant d'une plongée dans l'horreur. La première histoire est rondement menée : l'utilisation de la pièce d'argent comme plectre a pour effet de libérer la puissance musicale du guitariste. Le lecteur retrouve des éléments classiques pour un petit groupe : le concert devant une salle vide à un horaire peu propice, leur musique passée de mode, l'agent d'une compagnie de disque qui les trouve supers, sous réserve qu'ils changent de style musical, en l'occurrence pour faire du disco, la question de l'intégrité musicale.



Les dessins sont dans un registre descriptif et réaliste, avec des traits de contours appuyés par endroit, pour donner plus de consistance ou plus de relief à un personnage, ou à un élément de décor. L'artiste joue avec les différentes teintes pour installer une ambiance : rouge quand le groupe joue du rock, plus brillante quand Ryan finit par jouer du disco, verte lors de la soirée chez le père de Ryan, violet profond dans la ruelle derrière le bar. Walsh sait donner de l'épaisseur et de la crédibilité à ses personnages, faire transparaître leur état d'esprit : l'insouciance d'Ashley souhaitant juste passer du bon temps, la colère froide grandissante de Ryan grandissant au fur et à mesure qu'il est vraisemblable que son groupe n'ira nulle part. Il parvient parfaitement à transcrire l'énergie d'un concert de rock, la ferveur des spectateurs emportés par la musique, la transe intense du guitariste. Une première histoire sympathique, avec une touche horrifique qui fonctionne.



Un soir d'été comme un autre, Fiona Watterman regarde un film de slasher dans sa chambre. Elle est interrompue par sa mère qui lui rappelle que le lendemain Fiona se rend à un camp de vacances et qu'elle doit se reposer. L'arrivée au camp avec son sac à dos, sous sac de couchage sous un bras, et sa valise à l'autre main déprime un peu la jeune fille : tout est trop ensoleillé avec des filles trop saines. Mais voilà elle est envoyée dans une cabane où un groupe de cinq jeunes filles attendaient leur copine, et elles ne veulent pas de Fiona. Le soir, devant le feu de camp, la plus revêche raconte une histoire de vrai slasher rôdant dans le coin.



Deuxième histoire, changement de décor, peut-être d'époque, mais ce n'est pas sûr car l'année n'est pas mentionnée, et il n'y a pas encore de téléphone portable. La scénariste impressionne d'emblée de jeu avec la qualité du naturalisme de sa narration. Le lecteur sourit avec cette adolescente blasée regardant des films basés sur le principe d'un tueur en série qui zigouille de jeunes imprudents à tour de bras. Il sourit à nouveau quand elle se retrouve devant ces cinq donzelles qui ne veulent pas d'elle dans la même cabane : une belle séquence visuelle avec leur visage fermé, et l'ombre dans laquelle elles se tiennent, les rendant vraiment inquiétantes car franchement hostiles à Fiona dans leur posture et leur attitude. La meneuse devient encore plus inquiétante, à la nuit tombée autour du feu de camp en train de raconter son histoire de véritable tueur en série qui rôde encore dans les parages. Suivent deux pages de brimades perpétrées à l'encontre de Fiona, assez innocentes, mais harassantes, et le dessinateur en rend compte également avec naturel. Puis la scénariste tient la promesse implicite et passe en mode slasher, les dessins se faisant plus âpres avec une réelle horreur. Une histoire convenue mais bien racontée.



Le 18 décembre 1985, un groupe de trois jeunes gens Bobby, Lisa et Vic, cambriolent une maison, mais le propriétaire était présent et s'écroule raide mort, visiblement victime d'une crise cardiaque : tant mieux, comme ça ils seront plus tranquilles pour fouiller la maison et embarquer ce qu'ils veulent. Lisa a repéré une pièce d'argent sur le manteau de la cheminée et elle l'embarque.



Ed Brisson raconte une histoire tout aussi linéaire et simple : la fuite en voiture des cambrioleurs, qui tourne au massacre, dans la forêt avoisinante. Il introduit une variante inattendue dans le fait que quelqu'un attend Lisa pour qu'elle lui remette la pièce d'argent, mais sans explication sur cette particularité. Walsh joue sur l'impression que donne la forêt dans la nuit et sous la neige assombrie, montrant la sauvagerie qui s'empare progressivement de Lisa, un récit aussi gore que le précédent, tout aussi convenu, mais avec une saveur moins prononcée.



En 2467, dans une grande métropole, l'officier Duddley patrouille les rues grouillantes de monde, en étant derrière son écran d'ordinateur dans son bureau et en pilotant un drone qui survole la foule. Dans un quartier désert, un groupe de trois personnes a agressé un individu qu'ils sont en train de passer à tabac. La jeune femme qui mène le groupe active le dispositif biotechnologique dans l'orbite de son œil droit et se connecte directement à l'iris de sa victime pour vider son compte en banque. Ils sont bientôt repérés par l'officier Duddley avec son drone.



Le lecteur salive à l'avance à l'idée de découvrir une histoire courte du talentueux Jeff Lemire. Lui aussi a opté pour une histoire linéaire et brutale. Il intègre une idée visuelle bien horrifique : la biotechnologie sous forme de vers dans l'orbite d'un œil. Il a imaginé des visuels intéressants pour l'artiste : la ville souterraine abandonnée à laquelle Walsh donne une ambiance lumineuse assez particulière. Mais l'histoire s'avère moins compacte que les précédentes, avec une intrigue et une chute peu convaincantes, malgré la narration visuelle impeccable.



À la fin du dix-septième siècle aux États-Unis, Rebekah Goode se trouve dans une maison pour accoucher une femme. Le nourrisson va bien, mais la mère décède en couche. Elle sort dehors et Martha lui demande de faire quelque chose pour sa chèvre. Rebekah se rend à l'étable et constate que l'animal souffre d'une infection qui se manifeste par des furoncles autour de l'œil. Elle prend un petit couteau effilé dans son sac, se coupe la paume de la main droite et laisse le sang couler. Avec elle trace un sigil mystique sur la tête de l'animal. Un cavalier puritain arrive bientôt en ville.



C'est donc au tour de l'artiste de raconter sa propre histoire impliquant la pièce d'argent. D'une certaine manière, c'est l'histoire des origines de ladite pièce. De l'autre c'est un récit plus dense que les précédents. L'auteur sait jouer sur les sous-entendus associés à une sorcière capturée par un puritain. Il n'a pas besoin d'expliciter le thème sous-jacent du féminisme, des mystères et des savoirs féminins éradiqués par les prêtres d'une religion masculine. Il sait que son lecteur projettera lui-même ces connotations. Il peut donc se focaliser sur le sort de la sorcière et il va jusqu'au bout de cette persécution. À son choix, le lecteur peut interpréter la maladie de la chèvre comme étant surnaturelle ou non. Il peut aussi préférer une interprétation plus psychologique et se dire que cette maladie est naturelle, que Rebekah guérit autant par son assurance et sa force de caractère que par des plantes médicinales. Le prix de la trahison de Martha n'en acquiert que plus de force.



Le lecteur sait que par nature une anthologie est un ouvrage difficile à réaliser, car les histoires sont de qualité différente, variable en fonction de celui qui les lit. En outre, certains peuvent être démotivés à l'idée de lire des récits trop variés, sans unité. Celle-ci présente la particularité que toutes les histoires sont illustrées par le même artiste ce qui en assure la cohérence visuelle. Les scénaristes optent pour des histoires directes et horrifiques par le massacre qui se produit, certaines simples et convaincantes (épisodes 1 et 2), d'autres moins consistantes (épisodes 3 et 4) et une dernière plus dense, avec un point de vue sans hypocrisie sur la répression des femmes, l'issue d'une chasse aux sorcières, et le poison qu'est une émotion négative.
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Spider-Man : L'histoire d'une vie

Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre, qui est plus savoureuse si le lecteur dispose d'une connaissance un peu développée des principaux moments de la vie de Peter Parker. Il comprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2019, écrits par Chip Zdarsky, dessinés par Mark Bagley, encrés par John Dell (épisodes 1, 3, 5) et Andrew Hennessy (épisodes 2, 4, 6), avec une mise en couleurs réalisée par Frank d'Armata. Il s'agit d'un récit sur une vie alternative de Peter Parker dans laquelle il aurait vieilli avec les années qui passent, de 1966 à 2019. Il contient également les couvertures variantes réalisées par Marcos Martin, Greg Smallwood, Skottie Young, Michael Cho, ACO, Kaare Andrews, Andrea Sorrentino, Paul Pope.



En 1966, Peter Parker a revêtu son costume de Spider-Man et se balance au bout de sa toile, de gratte-ciel en gratte-ciel pour se rendre à l'université, étant bien sûr en retard, après avoir combattu Mysterio sur le chemin. Après s'être changé, il arrive sur le campus où des étudiants sont en train de manifester contre la guerre au Vietnam. En son for intérieur, Peter s'interroge pour savoir s'il doit s'engager, si ses pouvoirs n'induisent pas une obligation de s'engager. Harry Osborn arrive également en retard, déposé en voiture par son père Norman Osborn. Harry présente Peter à son père qui lui propose un stage dans son entreprise Osborn Industries : Peter lui répond qu'il a déjà un stage au Baxter Building. Harry fait observer à Peter que son père aurait préféré l'avoir comme fils. Peter se dit qu'il est mal à l'aise en face de Norman Osborn, même si son sens d'araignée ne se déclenche pas. Peter rejoint enfin sa classe : des travaux dirigés de chimie biologique avec Gwen Stacy, sous la supervision du professeur Miles Warren. Après les cours, il passe au Daily Buggle pour remettre des photographies du combat de Spider-Man contre Mysterio, à J. Jonah Jameson qui n'en est pas très emballé. Il va ensuite voir Betty Brant qui se charge de lui ramener sa paye. À la télé passe un reportage sur l'intervention d'Iron Man au Vietnam. Le journaliste suppute que Captain America va également bientôt prendre part au conflit.



Le soir, Peter Parker se rend au bar où Flash Thompson a organisé une fête pour son départ car il s'est engagé. La discussion s'engage entre Peter et Flash et tourne vite à l'aigre, le premier rappelant au deuxième comment il l'a harcelé au lycée. Peter finit par se calmer et la discussion prend un tour plus apaisé. Un peu après, il est abordé par Norman Osborn qui se trouve aussi dans le bar. Il lui fait comprendre qu'il connaît sa double identité et qu'il a disposé des citrouilles piégées un peu partout dans le bar. Il exige que Peter Parker le rejoigne dans la ruelle par la sortie à l'arrière. Peter s'exécute et sort à l'extérieur alors qu'Osborn a déjà revêtu son costume de Green Goblin et enfile son masque. Le combat s'engage. Spider-Man finit par avoir le dessus en faisant s'écrouler un immense panneau publicitaire sur Green Goblin. Il se sort des gravats, lui enlève son masque et se rend compte qu'Osborn a perdu la mémoire de leur identité secrète respective. 1977 : Gwen et Peter se recueillent devant la tombe d'Eugene Thompson. 1984 : Spider-Man a disparu de la surface de la Terre depuis plusieurs jours, alors que sa femme est enceinte de jumeaux. 1995 : Otto Octavius prend un otage pour faire prisonnier Spider-Man.



Il faut soit lire la quatrième de couverture, soit finir le premier épisode pour comprendre la nature du récit : Chip Zdarsky prend comme point de départ que Peter Parker a bel et bien été mordu par une araignée radioactive en 1962, date de parution du numéro 15 de la série Amazing Fantasy, et qu'il a vieilli en temps réel après. Chaque épisode se déroule dans une année spécifique d'une décennie les années 1960, les années 1970… les années 2010. Le procédé est assez original et n'a pas été utilisé souvent dans les comics. Le lecteur plonge donc dans une histoire de type Et si ? (What if?) avec une forte pagination permettant de développer le principe sur la longueur. Il sait qu'il peut s'attendre à croiser les personnages traditionnels de la série : Gwen Stacy, Norman Osborn, May Parker, Mary-Jane Watson et plusieurs autres. Il sait également que le scénariste ne peut pas les caser tous, au risque de transformer son récit en annuaire. De la même manière, Zdarsky inclut des références à des événements marquants à la continuité du personnage, comme la Saga du Clone (la présence de Miles Warren est un indicateur qui ne trompe pas) ou la dernière chasse de Kraven. Là encore, il ne peut pas tous les passer en revue au risque de faire catalogue. Il les a triés sur le volet et ils servent à donner de la profondeur au récit. Très vite (dès le premier épisode), le déroulement de ces événements emblématiques dévie de l'original car Peter Parker lui-même a changé : il n'est pas resté bloqué entre 20 et 30 ans.



Dans un premier temps, le lecteur éprouve la sensation que le scénariste va utiliser ce dispositif narratif pour revisiter les grands bouleversements sociétaux des États-Unis, décennie par décennie, mais en fait c'est bien la vie de Peter Parker qui l'intéresse avant tout. Du coup, le choix de l'artiste fait plus sens : il s'agit d'un récit de superhéros, et les responsables éditoriaux l'ont confié à un dessinateur spécialisé dans le genre. La carrière de Mark Bagley a réellement commencé à prendre de l'envergure en 1989 quand il a été affecté pour être le dessinateur de la série New Warriors écrite par Fabian Nicieza. Ensuite, il a été affecté sur la série Amazing Spider-Man qu'il a dessiné entre autres pendant Maximum Carnage et Clone Saga. Il a également illustré 111 épisodes de la série Ultimate Spider-Man écrits par Brian Michael Bendis. En fonction de son histoire personnelle avec cet artiste, le lecteur peut être plus ou moins ravi de le retrouver. Dans tous les cas, il constate vite qu'il est l'homme de la situation. Bagley maîtrise à merveille les conventions graphiques des récits de superhéros, et il le fait consciencieusement. Le lecteur peut retrouver tous les tics visuels propres à une production industrielle : des angles de vue cent fois vus penchés pour faire plus dramatique, le vide des arrière-plans masqués par tous les trucs et astuces (gros plan, camaïeu de couleurs, figures géométriques non signifiantes, traits de puissance ou de vitesse… tout y passe). Cela reste professionnel et efficace. Il peut s'agacer de postures prêtes à l'emploi et de l'épidémie de jeunisme qui frappe la majorité des personnages.



Très rapidement, le lecteur reconnait que Mark Bagley a investi du temps pour réaliser ses planches, et qu'il ne les a pas bâclées comme il a pu le faire dans quelques épisodes au cours de sa longue carrière de plus de trente ans. Quand Spider-Man se balade au bout de sa toile, le lecteur peut voir une rue entière et les façades des buildings en contrebas. Quand il y a une scène de foule, tous les personnages sont différenciés. Le décor de fond dans le laboratoire de Miles Warren ne se limite pas à du papier peint à motif, mais comprend bien des appareillages en trois dimensions. Venom est toujours aussi impressionnant que lorsque Bagley le dessinait dans les années 1990. La vue depuis le bureau de Norman Osborn est superbe. Les 2 encreurs effectuent un travail très soigné, tirant les dessins vers un domaine plus descriptif et plus précis, celui de Dell étant un peu plus arrondi, et celui d'Hennessy un peu plus rêche, sans pour autant créer de hiatus d'un épisode à l'autre. Ce soin apporté aux dessins permet d'éviter la sensation de fadeur ou de produit industriel qui accompagne parfois les pages de Mark Bagley.



Chip Zdarsky invite donc le lecteur à assister au déroulement de la vie de Peter Parker qui vieillit avec les décennies qui passent. D'une certaine manière, il accomplit une forme de fantasme : le héros vieillit avec le lecteur et son histoire connaît une fin, un principe antinomique avec le concept même de héros de fiction récurrent. Rien pour ça, cette histoire vaut le coup d'être lue. Très vite, le scénariste abandonne la possibilité de faire évoluer son personnage en fonction des évolutions de la société, pour plutôt revisiter une partie des grandes sagas du tisseur et des événements majeurs de l'univers partagé Marvel. Le résultat est déconcertant. D'un côté, c'est agréable pour le lecteur familier de cet univers de retrouver des éléments connus, et dans le même temps il voit bien qu'il s'agit de succédanés qui n'ont en rien l'intensité ou la nouveauté de l'original. D'un autre côté, ces points de repère ne constituent pas le fond du récit. L'intérêt principal réside bien dans la manière dont Peter Parker prend de l'âge, murit, et même fait son deuil de sa chère tante May qui meurt pour de bon sans ressusciter (c'est dire si ce récit sort de l'ordinaire).



Le titre n'est pas mensonger : il s'agit bien de l'histoire de la vie de Spider-Man, et même de Peter Parker pendant près de six décennies. Il s’agit bien d'une histoire de superhéros qui en utilise toutes les conventions les plus industrielles, avec un principe original et une narration visuelle compétente à défaut d'être enthousiasmante. Le lecteur ne peut pas s'empêcher de penser que cette histoire aurait pu être bien plus, mais il se satisfait de ce qu'elle soit déjà réussie.
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Daredevil, tome 6 : En taule

La prison fait grandir l'individu ?

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Ce tome fait suite à Daredevil by Chip Zdarsky Vol. 5 (épisodes 21 à 25, et annuel 1) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 26 à 30, initialement parus en 2021, écrits par Chip Zdarsky, dessinés et encrés par Marco Checchetto pour les séquences de Daredevil pour les épisodes 26 à 30, dessinés par Mike Hawthorne et encrés par Adriano di Benedetto pour les épisodes 26, 27 et 30, avec une mise en couleurs réalisée par Marcio Menyz. Les couvertures ont été réalisées par Checchetto. Il contient également les couvertures variantes de Ryan Stegman, Ema Lupacchino, Ray-Anthony Height, Carlos Pacheco.



La vie est longue et la vie est histoires. Si vous ne vivez pas une histoire, vous en dévorez. Sous la forme de livres, de chansons, de séries télé, de films. Ici en prison, les histoires sont sur pause. Daredevil est en prison, mais il a pu conserver son masque et donc son anonymat. Il se tient assis sans bouger dans la grande salle commune en écoutant les conversations : des histoires de bravoure, des histoires de regrets. Marcus, un grand afro-américain musculeux, s'approche de lui, pour lui dire que son attitude met tout le monde mal à l'aise. En réponse à la question du superhéros, il lui répond qu'il devrait se livrer à une activité normale, comme lire un livre, ou chercher la castagne. Daredevil indique qu'il va rejoindre sa cellule pour ne pas indisposer les autres détenus. Il ajoute qu'il a la ferme intention de faire ses deux ans. Marcus sourit amèrement : lui fera ses trois ans pour détention de cocaïne, et quand il sortira il ne pourra pas retirer son masque. Alors que Daredevil pourra retourner à sa vie normale de médecin, de policier ou d'avocat. Il n'accomplira jamais sa sentence complète. La discussion s'interrompt là car le directeur de prison convoque Daredevil.



Emmené par un gardien, Daredevil entre dans le bureau du directeur Hollis et se place debout, les mains dans le dos devant son bureau. Le directeur indique lui demande s'il connaissait son fils car le superhéros l'a envoyé en prison pour crimes. Il ajoute qu'il ne lui en tient pas rigueur. Avec ses super-sens, Murdock a bien compris que Hollis espère que ce prisonnier de sortira pas vivant de son établissement. Dans Hell's Kitchen, Daredevil est en train d'interroger un petit trafiquant d'armes, tout en se disant que si Elekrra l'assassinerait sans arrière-pensée, Daredevil ne ferait pas ça. Elle estime que la méthode du superhéros ne fait que perpétuer un cycle de corruption sans jamais rien résoudre. Elle finit par le lâcher en entendant un cri bestial. Dans un gala, un individu vient remercier Wilson Fisk de sa présence, et le félicite d'avoir fait procéder à l'arrestation de Daredevil, ce qui lui vaut un regard chargé d'inimité de Mary Walker. Wesley Welch s'approche du maire pour lui dire qu'il est venu pour l'emmener dans une pièce haute sécurité car la ville est attaquée. Alors qu'ils sortent et descendent les marches pour rejoindre la limousine, ils sont attaqués par des symbiotes. Typhoid Mary est prompte à bondir avec ses katanas.



Chip Zardsky est soumis comme les autres à l'obligation de participer à l'événement King In Black de Donny Cates & Ryan Stegman, avec l'invasion des symbiotes sous le commandement du roi Knull. Mais voilà, il a dû recevoir la note de service en avance, et il met à profit cette obligation pour faire avancer son intrigue. Après tout, ces symbiotes conquérants s'apparentent à un ennemi presque générique, de la chair à canon prête à l'emploi pour remplir le quota d'action requis par épisode. Donc pendant 2 numéros, Daredevil (Matt) lutte contre les symbiotes déchaînés dans la prison, pendant que l'autre Daredevil lutte contre ce même ennemi dans les rues du quartier Hell's Kitchen. Sauf que Zdarsky a bien préparé son coup : en prison, Matt Murdock essaye d'endiguer le chaos généré par les prisonniers possédés par des symbiotes, et comme il n'y a pas de raison qu'il n'y succombe pas, il se retrouve lui aussi possédé par un symbiote. Mais Murdock n'est pas n'importe qui et le scénariste est là pour raconter son histoire. Il montre donc ce qui se passe dans l'esprit du héros qui résiste comme il peut à l'invasion de son esprit. Les artistes montrent un Daredevil plus diable que jamais dans un dessin en pleine page, avec un costume noir et une araignée rouge sur le torse, c'est le costume de rigueur pendant cette invasion. Ils ajoutent de belles cornes sur le masque, d'une taille supérieure à celle de Daredevil. Le héros continue de résister comme il peut, en particulier à se rattacher à sa foi pour contrecarrer l'influence du dieu Knull. Le scénariste se tient à saine distance de tout dogme religieux spécifique, tout en mettant à profit une des caractéristiques du personnage. Ce combat est dessiné de manière très superhéros, efficace, sans beaucoup de personnalité graphique, mais sans être bâclé non plus. Le scénariste utilise un dispositif qui demande une petite rallonge de suspension consentie d'incrédulité de la part de son lecteur (pas sûr que la prison dispose de cet équipement si facilement accessible et prêt à servir au débotté), pour un final saisissant qui aurait été plus maquant avec un dessinateur plus énergique.



Le scénariste joint l'utile à l'agréable avec la même habileté pour la Daredevil aidant les civils dans les rues : mettre à profit les symbiotes (plus terrifiants car dessinés par Checchetto), pour également pousser le personnage un peu plus loin. Elle a décidé d'assumer le rôle de Daredevil, en utilisant des méthodes similaires à ce superhéros, et donc éloignées des siennes car elle n'hésite pas à tuer d'habitude. Bien sûr les plans les mieux ourdis ne se déroulent jamais comme prévus, et elle se retrouve à prendre en charge Alice, une jeune adolescente dont la mère a été possédée par un symbiote. Les dessins de Checchetto sont plus tranchants grâce des contours plus acérés, plus dynamiques grâce à des prises de vue avec des inclinaisons exagérées. En y mettant un peu du sien, le lecteur comprend qu'Elektra joue ce rôle, mais que le rôle a un effet sur elle, au point qu'elle prenne en pitié la jeune Alice. De même, Wilson Fisk et Mary Walker se retrouvent à devoir se défendre contre les symbiotes, et eux aussi y laissent des plumes. Finalement, cette participation imposée à King in Black est mise à profit pour faire progresser les personnages.



L'épisode 28 reprend donc après la déroute de l'invasion en développant les conséquences pour les deux Daredevil et Kingpin. Le lecteur apprécie que Checchetto ait le temps de réaliser deux épisodes en entier, les 28 & 29. Il a un trait de crayon plus acéré qui apporte une forme de tranchant aux personnages et de froideur aux environnements, augmentant d'un ou deux crans la dramatisation visuelle. De temps à autre, le coloriste peut se déchaîner : lors du combat très physique dans la cour du pénitencier avec de magnifiques effets de brouillard de pluie, ou pour les nuances de rouge du costume de Daredevil pour rehausser le relief, pour l'ambiance lumineuse de la boîte de nuit. Cette façon de dessiner rend plus palpable la douleur émotionnelle de Wilson Fisk au chevet de Mary Walker, le doute dans le regard d'Elektra quand elle contemple Alice en train de dormir, la sollicitude un peu agacée de la psychologue Haynes recevant Daredevil dans l'infirmerie de la prison, la classe de la Daredevil avec les touches ninja de son costume, la brutalité des coups portés lors du combat dans la cour, ou encore l'énergie des danseurs dans la discothèque. La différence se faite sentir avec les planches de Hawthorne, propre avec un bon niveau descriptif, avec un jeu d'acteur manquant un peu de justesse, ce qui n'est pas masqué par des dessins trop sages, manquant d'une touche d'exagération expressionniste.



Matt Murdock a décidé de purger sa peine de prison de deux ans en se montrant un détenu exemplaire. Dans la salle commune, il se fait aborder par Marcus un autre détenu qui lui dit franchement sa façon de penser : il n'est qu'un bobo venu chercher une bonne conscience dans un univers dont il ressortira sans avoir été vraiment marqué, en pouvant le laisser derrière lui, par opposition à des individus ayant grandi dans un milieu de petite criminalité et qui ne pourront jamais s'affranchir de cette culture. Bien vu : un individu légitime explique à un criminel du dimanche qu'il n'est qu'un imposteur, et que sa démarche traduit une profonde hypocrisie intellectuelle. Surprise, le scénariste ne s'arrête pas en si bon chemin : Marcus et l'avocate de Matt lui demandent s'il pense vraiment que son séjour en prison va le faire grandir, va le rendre un meilleur individu, ou plus simplement un meilleur citoyen. Il se produit un étrange glissement où Matt se retrouve pris dans une double contrainte : d'un côté il compte bien faire son temps en prison comme citoyen soumis aux lois, de l'autre côté tout le monde lui fait remarquer qu'en tant que superhéros il ne respecte pas les lois et que son séjour en prison ne l'améliore en rien, voire pénalise toutes les personnes qu'il ne peut pas sauver pendant ce temps-là. C'est inattendu que l'auteur braque le projecteur sur cette contradiction inhérente à tout superhéros, aggravée par le fait que Matt Murdock soit un avocat.



Les lecteurs allergiques à cette version de Daredevil ne changeront pas d'avis, car le scénariste continue de s'approprier les personnages. Les autres continuent de se délecter des planches dynamiques de Marco Checchetto, et de la manière dont le scénariste déstabilise Matt Murdock, à a fois en faisant s'écrouler sa certitude que le bon choix est de faire de la prison, à la fois par la montée en puissance de ses ennemis.
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Daredevil, tome 3 : L'enfer

Ce tome fait suite à Daredevil, tome 2 : Aucun diable, juste un Dieu (épisodes 6 à 10) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 11 à 15, initialement parus en 2019, écrits par Chip Zdarsky, dessins et encrés par Marco Checchetto, avec l'aide de Franceso Mobli pour les épisodes 14 & 15. La mise en couleurs a été réalisée par Nolan Woodward, avec l'aide de Rachelle Rosenberg pour l'épisode 15. Les couvertures ont été réalisées par Julian Totino Tedesco. Il contient également les couvertures variantes réalisées par Amanda Conner, Khoi Pham, Declan Shalvey, Skan, Ryan Brown.



Dans un immeuble du Bronx, une femme court vers la porte de la chambre de son appartement et s'enferme : son conjoint violent commence à taper sur la porte et à vouloir la défoncer. Elle s'arcboute contre la porte et il n'arrive pas à la forcer. Une silhouette masquée entre par une fenêtre et passe son bas autour de la gorge de l'agresseur. Le conjoint violent essaye de secouer son agresseur dans tous les sens, sans réussir à lui faire lâcher prise. Il finit par s'évanouir et tomber à terre, ce n'est qu'à ce moment que cet homme portant le haut du costume de Daredevil le relâche. Quatre policiers sont arrivés et ont sortis leur matraque : l'ersatz de Daredevil va passer un sale quart d'heure. Sur un toit pas très loin de là, Elektra Natchios est en train d'entraîner Matt Murdock, qui a noué un foulard blanc sur sa tête. Il finit par réussir à parer deux coups, avant qu'elle n'en décoche un troisième et l'envoie à terre. Elle le laisse récupérer, et se jette dans le vide. Elle lui indique qu'il doit regagner sa confiance en lui et ses capacités de combattant. Elle va remplir le rôle de Stick pour lui. Dans un autre immeuble, Izzy Libris est en train de parler affaires de famille avec son fils Thomas Libris : elle ne lui laisse pas le choix et il se fait mettre à la porte du bureau par Luca. En sortant, il tombe face à son épouse Mindy qui porte leur fille dans les bras : ils se disputent car elle a l'impression d'être en prison, et elle voudrait pouvoir rouvrir sa libraire.



Dans la rue, l'inspecteur Cole North est sur le siège passager de la voiture de patrouille de police, alors que son coéquipier l'inspecteur Greene est en train de conduire. North repense au fait qu'il n'a pas tout dit lors de son compte-rendu, qu'il a tu certaines informations, qu'il a été sauvé par Daredevil. Il est tiré de ses pensées : Spider-Man vient de faire son apparition et s'élance pour sauver une jeune femme en train d'être agressée, une mise en scène par des fonctionnaires de police. Trois individus émergent d'un fourgon avec un fusil lance-filet, et ratent Spider-Man. Celui-ci les neutralise avec ses toiles et emmène Cole North dans les airs, pour avoir une petite conversation avec lui. Matt Murdock se promène dans la rue et salue Sammy qui est en train d'ouvrir son épicerie : il vient prendre des nouvelles de Joe Carraro. Ce dernier arrive plus tôt que d'habitude. Il est déposé par Maria Carraro, la mère de Leo, le jeune homme que Daredevil a tué.



Même s'il ne s'était pas braqué contre les dessins de Lalit Kumar Sharma, le lecteur est content de retrouver Marco Checchetto, le dessinateur du premier tome. Il note toutefois qu'il s'est fait aider par un autre artiste sur les épisodes 14 & 15. Effectivement, il retrouve des dessins descriptifs avec un bon niveau de détails, et un rendu très réaliste. Dans le premier appartement, il peut voir les livres sur les rayonnages de la bibliothèque, chaque relief sur les portes de palier. Depuis le toit où Elektra entraîne Matt, il voit les façades des immeubles environnants, pour lesquels il ne manque aucune fenêtre, aucune ornementation au-dessus des fenêtres. Dans l'épicerie, il laisse son regard faire le tour des rayonnages : il voit les fruits et légumes, mais note quand même que les boites se ressemblent beaucoup. Le bureau d'Izzy Libris bénéficie d'une belle bibliothèque sur 2 pans de mur, d'une table basse, d'un magnifique fauteuil en cuir. Lorsque Wilson Fis est reçu dans la somptueuse demeure des Hastings, il détaille avec plaisir la vue générale de l'extérieur du manoir, puis l'aménagement de chaque pièce intérieure (le salon, la salle à manger, l'immense salle de bains, la bibliothèque). Au fil des épisodes, il ralentit sa lecture pour mieux se projeter dans l'immense salle de lecture de la bibliothèque municipale New York Public Library à Manhattan, pour mieux regarder un juke-box dans un diner où North et Murdock prennent un café, ou encore le bureau des Hastings à un étage élevé d'un building avec une vue magnifique et imprenable. Il n'est pas possible d'isoler l'apport de Mobli dans les 2 derniers épisodes : quoi qu'il en soit, la qualité graphique ne baisse pas d'un iota tout du long de ces 5 épisodes.



Checchetto insuffle une personnalité spécifique à chaque personnage qui ont tous une prestance remarquable : une touche romantique pour Matt Murdock avec ses cheveux mi-longs, un calme massif pour Cole North du fait de stature impressionnante, un côté bondissant pour Spider-Man comme il se doit, une assurance inquiète pour Foggy Nelson qui tente le coup tout en sachant très bien qu'il ne fait pas le poids sur le plan physique. Le lecteur est surpris par l'allure de Leland Owsley, moins rondouillard que d'habitude, avec un côté pas propre sur lui qui atteste de sa dangerosité, du fait qu'il ne respecte pas les règles. L'artiste prend soin de rendre le visage de Wilson expressif, ce qui l'humanise et lui donne une crédibilité accrue dans sa volonté de se conduire en citoyen respectueux des lois. Le dessinateur parvient à combiner la présence physique imposante du personnage du fait de sa corpulence, et une forme de fragilité visible dans ses gestes du fait qu'il évolue dans des cercles sociaux dont il ne maîtrise pas les codes et les usages. Il n'y a qu'Elektra qui ne soit pas convaincante, Checchetto ne parvenant pas à en faire une femme fatale visuellement plausible. Les scènes d'action sont claires et lisibles et restent à un niveau humain, sans l'exagération qui accompagne les superpouvoirs (à l'exception de Spider-Man). L'artiste prend soin de préserver la logique de l'enchaînement des coups portés et des déplacements des personnages. Il passe en mode sens radar à deux ou trois reprises, se rapprochant du mode de représentation de Chris Samnee, sans en avoir ni la simplicité évidente, ni la dimension spectaculaire. La narration visuelle inscrit donc le récit dans un registre de nature réaliste, ce qui est en phase avec l'intrigue et sa tonalité générale.



Chip Zdarsky a visiblement reçu l'assurance qu'il resterait sur le titre un certain temps, et il peut développer son intrigue à un rythme posé. Matt Murdock refuse donc toujours de réendosser le costume de Daredevil, car il ne veut pas causer la mort d'un autre innocent par inadvertance. Pour autant, il ne veut pas rester sans rien faire, et il a pris conscience qu'il a besoin d'aide pour retrouver la forme nécessaire. Le lecteur l'observe donc en train d'essayer de trouver une voix alternative à celle qui consisterait à réendosser l'habit de Daredevil. Il est plus ou moins intéressé par ce fil narratif car l'issue de cette tentative ne fait pas un pli : la série s'appelle Daredevil et finira tôt ou tard par revenir au statu quo de ce héros. Les relations interpersonnelles de Matt Murdock restent également dans des chemins bien balisés : une connivence avec Foggy Nelson qui n'exclut pas les désaccords, une relation pus tendue avec Elektra, et des tentatives pour amadouer l'inspecteur Cole North. Zdarsky n'innove pas réellement dans ce registre, mais il continue de diriger Matt Murdock de manière cohérente et convaincante.



Le lecteur se rend compte qu'il est plus intéressé par le comportement imprévisible et sauvage de Leland Owsley. Il suit avec encore plus d'intérêt Wilson Fisk jouant le jeu de manière honnête pour progresser dans la haute société. Tout comme Checchetto, l'auteur sait montrer tout le paradoxe de Fisk dans cette situation : toujours aussi imposant à la fois du fait de sa stature, mais aussi de son passé de chef d'un empire criminel, réputé pour ne pas hésiter à mettre les mains dans le cambouis en se battant physiquement. Or là, Fisk se retrouve dans un milieu social qu'il ne connaît pas à essayer de se montrer à la hauteur sans se faire avoir. Pour autant, il ne maîtrise toujours pas ses accès de colère, ce qui a de lourdes conséquences. En outre il n'avait pas bien pris la mesure de la force de volonté des Hastings, ni des moyens d'action dont ils disposent. Cela rend le parcours de Wilson Fisk très savoureux, au point que le lecteur ressent une forte empathie pour lui, et éprouve une réelle sympathie à son égard.



Séduit par le retour à une interprétation plus classique dans le premier tome convaincu du potentiel de l'intrigue générale dans le deuxième tome, le lecteur revient bien volontiers pour découvrir comment Matt Murdock va remonter la pente (car ça ne fait pas de doute), et pour retrouver les dessins précis et réalistes de Marco Chechetto. Ce dernier réalise des pages très soignées, même si le scénario ne lui donne pas l'occasion de les rendre aussi spectaculaires que dans le tome 1. Chip Zdarsky suit le chemin tout tracé pour la remise en forme de Matt Murdock. Il se montre plus inspiré pour la progression de Wilson Fisk.
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Daredevil, tome 5 : Action ou vérité

Ce tome fait suite à Daredevil by Chip Zdarsky Vol. 4: End of Hell (épisodes 16 à 20) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 21 à 25 et annuel 1, initialement parus en 2020, écrits par Chip Zdarsky. Marco Checchetto a dessiné et encré les épisodes 21, 23 et 25, mis en couleurs par Mattia Iacono (é21) et Marcio Menyz (é23 & é25). L'épisodes 22 a été dessiné par Francesco Mobili, encré par Victor Olazaba et mis en couleurs par Mattia Iacono. L'épisode 23 a été dessiné par Mike Hawthorne, encré par JP Mayer, et mis en couleurs par Mattia Iacono. Le numéro annuel a été dessiné par Manuel Garcia, encré par Le Beau Underwood, et mis en couleurs par Rachelle Rosenberg, Chris Mooneyham dessinant les séquences du passé. Les couvertures ont été réalisées par Marco Checchetto pour les épisodes 21 à 25, et par Zdarsky pour l'annuel. Ce tome comprend également les couvertures alternatives réalisées par Declan Shalvey, Alex Ross, Ken Lashley, Salvador Larroca, Checchetto.



La bataille pour Hell's Kitchen a pris fin. Au milieu des incendies encore fumant, Kingpin et Daredevil se tiennent dos à dos. Les journalistes sont déjà là pour savoir si Daredevil va vraiment se rendre à la police. Un autre interroge le maire Wilson Fisk pour savoir si ce combat l'a fait changer d'avis sur la culpabilité du superhéros : il n'en est rien. Il ordonne aux officiers de police présents de procéder à son arrestation. L'inspecteur Cole North s'y oppose attirant plutôt leur attention sur le cas de Leland Owsley qui fanfaronne qu'il n'a pas de chef d'accusation à lui coller sur le paletot. Izzy Libris intervient pour l'accuser du meurtre de son fils, ce qui fait réfléchir Matt. Mais sa décision est prise : il demande à Cole North de lui passer les menottes et l'emmener au poste. Il veut répondre de ses actes devant la justice. Wilson monte dans sa limousine et écoute son assistant Wesley lui dire que son action d'éclat l'a fait monter dans les sondages, puis il prend le téléphone pour répondre un appel. Il s'agit de Una & Quinn Stromwyn qui le félicitent pour s'être fait ainsi remarquer, Una ajoutant qu'une nonne un peu étrange a été aperçue dans les parages. Wilson lui raccroche au nez.



Assis sur la banquette arrière, Daredevil explique à Cole qui conduit que c'est essentiel pour lui répondre de ses actions devant un tribunal, pour donner le bon exemple aux autres superhéros, qu'ils doivent rendre des comptes. Cole fait un écart pour éviter une voiture qui vient de se mettre en travers de son passage. Foggy Nelson en descend en levant bien les bras au ciel pour montrer qu'il est inoffensif. Il souhaite parler à son client pendant une minute. Foggy fait observer à Matt qu'en agissant ainsi il met en danger ses proches, mais qu'il a une stratégie à lui proposer. Daredevil, toujours masqué, entre dans le bureau du District Attorney Ben Hochberg, amené par Cole North, et représenté par Foggy Nelson. Ce dernier explique que son client est l'individu Daredevil et il explique en quoi cette identité est recevable. Par un concours de circonstances extraordinaires, Mike Murdock a acquis une existence bien réelle. Sa vie n'a pas été facile.



Depuis deux tomes, Chip Zsarsky a réussi son pari : raconter une histoire prenante de Daredevil en suivant le schéma habituel, avec assez d'éléments différents des précédentes itérations pour bien accrocher le lecteur. Il a descendu le héros de son piédestal de manière brutale : lors d'un affrontement, le superhéros a provoqué la mort d'un agresseur, sans intention de donner la mort. Afin d'éviter que cela ne se reproduise, il a décidé d'abandonner son identité secrète Mais le besoin demeure : il faut un protecteur des citoyens de Hell's Kitchen, quelqu'un qui les aide contre les supercriminels, mais aussi contre les abus de pouvoir des puissants. Rien de bien neuf, mais raconté avec une dose de personnalité suffisante. Les personnages habituels sont bien présents : Wilson Fisk, Franklin Nelson, Elektra Natchios, et quelques autres, ainsi qu'un ou deux petits nouveaux comme Cole North l'inspecteur de police intègre. Zdarsky ne révolutionne pas le personnage, mais il sait bien faire prendre la sauce, en respectant le personnage principal.



Dans un premier temps, le lecteur est content de voir que Checchetto est de retour. Pour commencer la couverture est magnifique, avec une posture de défi de Daredevil prêt à se battre contre plus fort que lui, avec des traits de contour tellement fins qu'ils donnent l'impression d'être tranchants. L'artiste est en forme pour l'épisode 21 avec des postures de personnage bien campée, une dramaturgie faisant la part belle attitudes de défi, de provocation pour bien mettre en évidence le caractère buté de certains, les convictions bien arrêtées d'autres, le refus de céder sur ses principes, quoi qu'il en coûte. Chaque protagoniste a une apparence bien marquée, ses propres postures, des expressions de visage établissant clairement l'état d'esprit. Les décors sont représentés avec clarté et une grande netteté, même si le lecteur remarque en passant qu'ils sont un peu rares dans la première moitié. L'épisode 23 est un peu plus réussi sur le plan de la régularité de la représentation des environnements, et les personnages restent tout aussi bien campés. L'artiste sait donner une interprétation fidèle de Spider-Man, tout en faisant ressortir qu'il se trouve par conviction, dans un rôle dont il n'a pas tout à fait l'habitude. L'épisode 25 est à nouveau un peu léger en décor, à la fois parce que la première moitié se déroule dans le décor fixe de la cellule de Daredevil, à la fois parce que le scénario intègre l'évocation de souvenirs de sa relation avec Elektra Natchios dans des images nimbées d'une sorte de halo, très bien réussi par le coloriste. Le lecteur est donc très satisfait de retrouver Checchetto, avec la sensation qu'il a dû accélérer un peu en ce qui concerne les fonds de case. Visiblement le temps qui lui est alloué n'est pas entièrement suffisant.



Le corollaire est que les autres épisodes sont dessinés par des artistes différents. Ça commence avec le numéro annuel qui est placé juste après l'épisode 21. Les traits de contour sont moins acérés, ce qui, par comparaison avec les épisodes de Checchetto, ce qui diminue l'impression de dangerosité coupante. Au fil des séquences, le lecteur peut percevoir l'implication des artistes pour réaliser des dessins s'inscrivant dans un genre semi-polar, semi-réaliste, avec des influences assumées. Le résultat est convaincant, agréable à lire, manquant un peu de personnalité. Il est possible également que le lecteur soit rétif au sujet même de cet épisode particulier : le scénariste entérine l'existence de Mike Murdock ramené sur le devant de la scène par Charles Soule & Phil Noto dans l'épisode 606 en 2018. Contre toute attente, Zdarsky se sort plutôt bien de l'exercice, parvenant à donner assez d'épaisseur au personnage pour le faire accepter par le lecteur, sans provoquer d'enthousiasme non plus, il ne faut pas exagérer.



Le lecteur n'a d'autre choix que de faire avec l'absence de Checchetto pour l'épisode 22. Celui-ci commence par un dessin en pleine page de Daredevil devant le mur avec les tailles au commissariat. Le résultat est proche du rendu de l'épisode 21, avec la reprise des bandelettes autour de la main et des doigts pour éviter de les abimer lors des combats physiques. La suite est plus appliquée avec des expressions de visage pas toujours convaincantes (ceux de Mary Walker pas réussis du tout), des angles penchés sans raison, mais une direction d'acteurs acceptable. Ce n'est pas une catastrophe, mais ça ne donne pas envie de trouver d'autres épisodes illustrés par cet artiste. Mike Hawthorne réalise des planches plus classiques pour l'épisode 24, avec des plans de prise de vue maitrisés, et une bonne gestion des décors. En revanche, certaines expressions de visage peuvent faire sortir le lecteur de l'ambiance, peut-être la patte trop lourde de l'encreur. Malgré tout, la narration visuelle reste claire et en phase avec le récit.



Le lecteur un peu aguerri ne craint pas trop pour l'avenir du héros, il est même possible qu'il ne soit toujours pas convaincu que Daredevil ait vraiment causé la mort de qui que ce soit. Cela n'enlève rien à son implication dans l'intrigue, sa curiosité quant à la manière dont Matt Murdock va pouvoir se sortir de cette situation. Après le numéro annuel, il est plus près à accepter l'arrivée de Mike Murdock dans la série, avec même un petit sourire en coin sentant bien que le scénariste va s'amuser à asticoter Matt avec cette présence encombrante et ingérable, et à mener le lecteur par le bout du nez quant à l'objectif réel poursuivi par Mike. Le scénariste prend tout autant de plaisir à ramener un autre personnage, féminin cette fois-ci, créé par un autre scénariste, là encore pour mettre Matt mal à l'aise, et ça marche très bien au grand plaisir du lecteur (sadique). Ce dernier est tout aussi satisfait de voir son héros réfléchir et préparer ses coups à l'avance, penser en dehors des sentiers battus, par exemple pour parer la mainmise agressive des Stromwyn sur le parc immobilier de Hell's Kitchen. L'intrigue continue à réserver des surprises même si Matt commence à remonter la pente, et l'épisode 25 laisse supposer que le scénariste enchaînera sur une deuxième histoire également bien tordue, une fois qu'il aura mené celle-ci à son terme.



Chip Zdarsky continue à raconter son intrigue, avec un art consommé de mettre à profit les conventions et les personnages de la série, en y apportant assez d'éléments nouveaux pour ne pas stagner dans l'hommage révérencieux. Les épisodes dessinés par Marco Checchetto dégagent une énergie tranchante, les autres sont corrects, tout en faisant regretter le premier.
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Stillwater, tome 1

Stagnant

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Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il regroupe les épisodes 1 à 6 de la série, initialement parus en 2020/2021, écrits par Chip Zdarsky, dessinés et encrés par Ramón K. Pérez, et mis en couleurs par Mike Spicer. La couverture a été réalisée par Pérez.



Daniel West travaille en tant que designer graphique dans un agence de communication. Il est convoqué par sa cheffe dans son bureau. Elle lui explique qu'elle ne peut pas tolérer le fait qu'il ait bousculé fortement un de ses collègues de travail et que l'entreprise a une politique de tolérance zéro sur ce genre de comportement : il est licencié. Le soir même, il sort en boîte avec son pote Tony Kim, et consomme un peu trop, au point de devoir sortir pour vomir dans le caniveau. Quand il veut re-rentrer avec Tony, le videur s'interpose : il ne veut pas de client puant le vomi. Dan lui met un point dans la face. Il se réveille le lendemain dans son canapé avec un bel œil au beurre noir, et Tony en train de jouer avec sa console, après avoir passé une très bonne nuit dans le lit de son ami. Quelqu'un frappe des coups à la porte : Dan va ouvrir. Un homme de loi lui remet un courrier en main propre. Dan l'ouvre : il s'agit d'une invitation à se rendre le 15 mai 2019, dans la ville de Stillwater pour un rendez-vous dans le cabinet de l'avocat Joël Peterson, pour toucher une somme d'argent en héritage de Margaret Smith, une arrière-arrière-grand-tante. Dès le lendemain, il est en train de conduire pour se rendre à Stillwater avec son ami Tony Kim qui l'accompagne.



Dan et Tony s'arrêtent dans une station-service pour faire le plein. Dan reste à la pompe, pendant que Tony va acheter de quoi grignoter. Il demande à la caissière si elle connaît la ville de Stillwater : aimable comme une porte de prison, elle répond qu'elle n'en a jamais entendu parler. Les deux amis remontent en voiture, et Tony explique qu'il ne sait pas si elle se moquait de lui ou pas. Leur GPS leur indique qu'ils doivent tourner dans une petite route de desserte dépourvue de panneau d'indication. Tony s'amuse : une lettre sur un mystérieux héritage, une petite route dans une forêt dense. Ils se rendent compte qu'il y a une voiture de police derrière eux, avec les feux à éclat en fonctionnement. Ils s'arrêtent : Ted l'adjoint au shérif s'approche de la fenêtre côté conducteur, et demande le permis de conduire, ainsi que les papiers du véhicule. Il porte une casquette à visière et des lunettes de soleil, avec une expression fermée peu engageante. Il leur demande la raison pour laquelle ils se rendent à Stillwater. Daniel explique qu'il vient pour affaire. Finalement Ted s'excuse pour sa façon de parler un peu sèche, et leur souhaite un bon séjour à Stillwater. Ils parviennent dans une petite ville et se garent pour aller manger un morceau dans le diner de la grand-rue. Pendant que Dan passe commande au comptoir, Tony regarde à l'extérieur et voit deux enfants en train de se battre sur le toit de l'immeuble en face. L'un pousse l'autre qui tombe sur la chaussée. Dan et Tony se précipitent à l'extérieur pour venir à son aide.



Après avoir prouvé ses talents de scénariste chez Marvel sur des séries comme Daredevil et Spider-Man Lifestory, Chip Zdarsky lance une série indépendante au long court chez Image Comics. Ce premier chapitre s'avère très intriguant. Dès la fin du premier épisode, le lecteur sait à quoi s'en tenir et dispose d'une vision claire de la dynamique de la série. Daniel West se retrouve dans un petit patelin à l'écart, présentant une particularité surnaturelle, et il s’agit de savoir s'il va s'installer, s'y accoutumer ou s'il va chercher à s'en échapper à tout prix. Le lecteur découvre la situation en même temps que lui puisque l'un et l'autre sont des nouveaux arrivants dans cette petite bourgade. Ils font donc connaissance avec plusieurs citoyens : Ted l'adjoint au shérif pour commencer, Tanya la shérif, le juge Simon Taylor, le docteur Nathan Walsh, le maire, Galen le garçon qui tombe du toit, madame Lilow responsable de l'état civil. L'artiste avait déjà travaillé avec le scénariste sur la série Marvel Two-in-One. Il réalise des dessins dans un registre réaliste et descriptif avec des traits de contour un peu appuyés, pour une apparence un peu plus spontanée, sans l'impression aseptisée quand les dessins sont trop peaufinés. Le lecteur identifie donc facilement les personnages : Dan et son regard souvent dans la défiance, Tony avec son langage corporel beaucoup plus détendu et ses expressions de visage plus enjouées, Ted et ses postures toujours dans le registre de la confrontation physique, Galen et son regard en décalage avec son apparence de garçon pas encore adolescent, le docteur avec ses épaules un peu tombante et sa posture résignée, le juge et son attitude inflexible, la shérif et son air exaspéré, Laura Quinn et son air craintif, etc. Chaque personnage dispose de sa silhouette propre, et d'une tenue vestimentaire correspondant à son statut social et son métier.



Comme Dan & Tony, le lecteur regarde autour de lui pour découvrir Stillwater. Après être passé dans l'open-space où travaillait Dan, puis son appartement et la station-service, il découvre la rue principale de Stillwater avec ses constructions à 1, 2 ou 3 étages. Il remarque l'aménagement de bonne qualité du bureau du juge, la banalité de la maison de Laura, et de celle de Nathan. Il voit un aménagement très standard de la salle d'audience de la mairie. L'artiste sait montrer la banalité d'une petite ville comme tant d'autres aux États-Unis, avec un niveau de détails suffisant pour dépasser le stade de décor en carton-pâte, sans non plus ajouter des éléments vraiment particuliers. Les tenues vestimentaires s'avèrent plus variées, tout en restant banales. Il sait représenter les bois, avec des formes et des implantations d'arbres crédibles, même s'il n'est pas possible d'en identifier les essences. D'un côté, le lecteur n'a pas le souffle coupé par des visuels extraordinaires, ou des découpages de planche virtuoses ; de l'autre côté, l'ambiance de petite ville est bien rendue, la direction des acteurs est juste, et les décors sont présents dans plus de 80% des cases. C'est donc une narration visuelle discrète, entièrement au service du récit, sans éclat, mais très solide.



Le scénariste a choisi un point de départ éprouvé : deux personnes se retrouvent incapables de partir dans une petite bourgade qui cache un secret de taille. Zdarsky sait très bien que cette situation n'est pas très originale et il l'exprime même par la bouche de Tony Kim qui le fait remarquer à Dan : lettre mystérieuse, route étrange, pas de panneaux indicateurs. Il ajoute que fort heureusement les dangers ne surviennent que nuit. Bien sûr un événement inexplicable se produit 4 pages plus loin, dans la lumière du jour. Le scénariste en rajoute un petit peu avec la pompiste qui ne sait pas où se trouve Stillwater, et l'isolement de la ville dont les habitants ne sortent quasiment jamais, sans oublier l'absence de couverture réseau ce qui rend inopérant le téléphone portable dès qu’on a quitté la route principale. Dans le même temps, les habitants ne semblent manquer de rien : nourriture, habits, matériaux, boissons, carburant, etc. Ils ne sont donc pas aussi coupés du monde que ça, ils ne vivent pas en autarcie. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut trouver ce décalage plus ou moins rédhibitoire pour sa suspension consentie d'incrédulité. Dans ce cas-là, il peut encore envisager l'histoire comme relevant plutôt du conte où il ne fait pas tout prendre au premier degré.



Dans tous les cas, il reste impliqué dans le récit, car les auteurs ont su insuffler assez de personnalité à Daniel West, un jeune adulte ne maîtrisant pas toujours ses accès d'énervement, bénéficiant de l'amitié de quelqu'un de sympathique, prompt à passer à l'action (pour secourir Galen tombé du toit), capable de prendre le temps de réfléchir. Le scénariste dévoile rapidement le phénomène surnaturel de Stillwater, et le récit passe alors dans la phase où la petite communauté réagit à l'introduction d'un élément extérieur en la personne de Dan. Il s'agit bien sûr d'un élément perturbateur dans une situation stable, un dispositif narratif basique et efficace. Le lecteur peut également y voir l'injection d'une nouveauté dans une communauté figée dans son fonctionnement depuis des années. Sous cet angle, le récit devient alors un commentaire sur la stagnation et l'immobilisme, revenant dans le registre du conte. Le lecteur peut y voir un regard critique sur la volonté de faire perdurer les choses, de les conserver dans un état identique. Il peut aussi y voir une situation où les différents membres de la communauté bénéficient d'un avantage personnel identique et se liguent pour le conserver à tout prix, l'inscrivant comme objectif premier de la communauté. Le scénariste montre alors les petits désaccords s'accumulent, enflent jusqu'à atteindre une masse critique permettant d'envisager à nouveau un changement.



Les auteurs partent d'un point de départ très classique : deux étrangers dans un patelin qui cache un secret. L'artiste sait bien donner corps à cette petite ville, aux habitants ordinaires, à leur banalité. Le scénariste fait progresser son intrigue à bonne allure pour sortir des clichés rapidement, et pouvoir mettre à profit les spécificités de ce secret dans des situations plus originales, tout en développant son thème principal, celui de la stase.
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Afterlift

Ce tome regroupe les 5 épisodes initialement parus en version dématérialisé, pour une histoire complète, indépendante de toute autre. Ces épisodes sont initialement parus en 2020, écrits par Chip Zdarsky, dessinés et encrés par Jason Loo, avec une mise en couleurs réalisée par Paris Alleyne.



Janice Chen est devenue une conductrice de voiture avec chauffeur (VTC), travaillant avec différentes applications comme Cabit, Lyft, ou DrivePal. Ce soir-là, elle véhicule un homme d'à peine 30 ans et l'amène à l'adresse de sa destination, ou peut-être juste un peu avant. Elle vérifie sur le téléphone de son passager, et en profite pour se mettre elle-même une bonne note sur l'appli, à l'insu du passager, c'est toujours ça de pris. Après l'avoir déposé, elle s'offre une pause cigarette, tout en passant un coup de fil à sa mère pour lui dire où elle en est et qu'elle ne reviendra pas manger. Un monsieur sort de la supérette devant laquelle elle se tient et lui dit que fumer est dangereux pour la santé. Elle le sait : il y a déjà l'avertissement sur le paquet. En fait, il souhaitait qu'elle lui donne du feu, ce qu'elle fait, et il s'éloigne. Un peu plus tard dans la soirée, elle passe chez ses parents et fait réchauffer les légumes préparés par sa mère. Celle-ci recommence à l'asticoter avec ce boulot qu'elle a pris en délaissant ses études, l'héritage de sa grand-mère qu'elle a utilisé pour s'acheter une voiture, etc. Janice répond sèchement, et prend le temps de déposer un bisou sur le front de son père qui regarde la télévision, avachi dans le canapé.



Janice Chen s'assoit au volant de sa voiture, pose sa boîte de dîner sur le siège passager, allume son appli, et prend le temps de se remettre de cet échange, la tête posée sur le volant. Elle se rend dans le quartier des boîtes de nuit pour prendre son client suivant, espérant qu'il ne s'agit pas d'un des gugusses en train de se vanter de manière pitoyable. En fait c'est un monsieur en costume cravate qui monte à l'arrière dans sa voiture : le même que celui qui lui a demandé du feu plutôt en début de soirée. Il s'appelle Dumu et il a ajouté un arrêt avant sa destination, dans un quartier pas très bien fréquenté. Janice n'y voit pas d'inconvénient et elle s'arrête à l'endroit convenu, profitant qu'il fasse une course pour commencer à manger les légumes préparés par sa mère. Dumu revient en tenant une jeune femme par le bras, qui n'a pas l'air tout à fait dans son assiette. Elle s'appelle Suzanna mais ne prononce pas un mot. Janice se tourne vers Dumu pour qu'il lui redise quelle est leur destination car son téléphone a un dysfonctionnement. Il lui dit de simplement continuer à conduire. Il fait un geste et le téléphone de Janice est enveloppé d'une lueur verte, puis il se remet à fonctionner normalement. Elle demande des explications à Dumu. Suzanna répond qu'elle est déjà morte. Janice arrête sa voiture et demande de l'aide aux passants.



Chip Zdarksy s'est d'abord rendu célèbre comme dessinateur de la série Sex Criminals (2013-2020, 31 épisodes) de Matt Fraction, puis comme scénariste d'une saison de la série Daredevil, ce qui lui a permis d'écrire des récits indépendants. Il propose ici une histoire assez linéaire : Janice Chen a pris comme client un individu qui emmène l'âme d'une femme décédée jusque dans l'au-delà, mais des démons essayent de l'intercepter pour s'approprier ladite âme. Le scénariste a donc construit son récit sur la dynamique d'un course-poursuite, principe toujours effectif. Il a également choisi de prendre une représentation très littérale de l'au-delà, sur la base de la foi catholique. Janice Chen se retrouve donc à passer par le purgatoire, puis par les enfers, à essayer d'emmener Suzanna vers une destination plus enthousiasmante, vers les douze portes ornées de douze perles, chaque vantail étant lui-même une perle géante. Au cours du récit, Suzanna et Janice ont un échange sur les environnements qu'elles découvrent, et elles conviennent qu'ils ne sont pas à prendre au sens littéral, mais comme une représentation projetée par leur éducation, qui aurait très bien pu être habillée par les croyances d'une autre religion.



Dans les pages de fin, le scénariste explique qu'il avait prévenu l'artiste qu'il aurait à dessiner beaucoup de voitures. Effectivement, il n'a pas menti puisque la scène d'ouverture montre Janice Chen au volant avec un client sur la banquette arrière. Jason Loo dessine de manière réaliste, avec un degré significatif de simplification, laissant régulièrement le coloriste remplir les cases avec des camaïeux dans des tons adaptés. Il n'est pas possible de reconnaître le modèle de voiture conduit par Janice, mais elle est assez proche de la réalité pour être crédible. En fonction des séquences, la voiture est vue en prise intérieure pour mettre en avant les passagers, ou en vue extérieure pour un déplacement ou une manœuvre spectaculaire. En vue intérieure, le dessinateur sait varier les angles de dessin dans les cases, pour éviter la monotonie visuelle, et les plans répétitifs, par exemple Janice se sert régulièrement de son rétroviseur. Les personnages disposent d'une morphologie normale, sans exagération de muscle ou de courbes féminines. Le lecteur ressent un bon degré d'empathie en regardant le visage franc et expressif de Janice. Il ressent la résignation de Suzanna, et il peut percevoir le caractère autoritaire de Dumu.



Pour en revenir aux voitures, en vue extérieure, l'artiste sait transcrire l'impression de déplacement du véhicule de Janice : une conduite normale dans la circulation d'une grande artère, un virage un peu plus sec, une marche arrière inattendue, un démarrage en trombe. Il conçoit des découpages de page pour accompagner les mouvements plus rapides, et les manœuvres d'évasion comme lorsqu'elle est poursuivie par des cavaliers en pleine ville, ou qu'elle doit effectuer un virage très serré pour prendre une ruelle à angle droit, ou encore pour filler droit sur une étendue maritime. Effectivement une fois passé dans l'au-delà, elle fait effectuer quelques manœuvres pas catholiques et spectaculaires à sa voiture qui, dans le monde réel, l'aurait achevé dès la première. Loo s'en tire bien en termes de spatialisation et de logique dans la continuité du déplacement, sans toutefois accentuer ses angles de vue pour vraiment basculer dans des visuels spectaculaires au point d'en couper le souffle du lecteur, ou de lui faire regretter de ne pas avoir attaché sa ceinture de sécurité avant. D'un autre côté, il ne bascule pas non plus dans l'exagération parodique, permettant au lecteur de profiter de la balade au premier degré. Paris Alleyne effectue un honnête travail d'artisan. Il est très à l'aise dans les séquences civiles, mettant en œuvre une mise en couleurs de type naturaliste, très évidente. Il est moins inspiré une fois le passage dans l'au-delà effectué, s'en tenant à des clichés, par exemple pour le rouge des flammes des enfers. Il sait mettre en œuvre des effets spéciaux appropriés par exemple pour les flammes bleutées de l'épée de l'ange, ou pour le halo verdâtre de l'appli de Dumu.



Le scénariste fait plus que le strict minimum : il ne se contente pas de raconter une course-poursuite parsemée d'embûches plus ou moins originales, plus ou moins systématiques. Janice Chen est une sympathique jeune femme, mais il est visible que son choix de métier (chauffeuse VTC) découle d'une sensation d'échec non dépassée. L'âme de Suzanna est destinée à se retrouver aux enfers et le lecteur en découvre la raison qui n'est pas si manichéenne que ça, les conséquences d'un moment de faiblesse très humain. Dumu lui-même recèle sa part d'ombre, plus profonde qu'il n'y paraît. En revanche, Zdarsky ne se fatigue à donner de l'épaisseur aux différents démons qui sont vraiment basiques, sans même parler de Satan, carrément monolithique et sans intérêt. Il intègre une ou deux touches d'humour par épisode qui ne dénote par rapport au reste, même si la présence de Charon est inattendue, et la manière dont il se fait barboter sa barque est un peu cavalière. Le lecteur suit donc bien volontiers Janice et Suzanna dans leur voyage pour essayer d'arriver à un endroit plus accueillant. L'idée que le décorum catholique ne soit qu'un habillage est abandonnée en cours de route, scénariste et dessinateur s'en tenant à cette imagerie. Suzanna est essentiellement cantonnée au rôle de demoiselle en détresse, mais sans impression de misogynie car elle est sauvée par une autre femme. Son cheminement sur la route du dépassement du traumatisme et du pardon de la culpabilité reste assez lourdaud et basique



Un récit de plus dans l'océan infini de la parution mensuelle des comics industriels aux États-Unis, mais celui-ci présente assez de personnalité pour donner envie de s'y arrêter. Pour commencer, Chip Zdarsky n'est pas un inconnu, et il est visible qu'il prend plaisir à étoffer son intrigue pour qu'elle ne se limite pas à un timbre-poste, et qu'il porte une réelle affection pour son personnage principal. De la même manière, Jason Loo ne vient pas cachetonner : il se donne du mal pour imaginer des plans de prise de vue qui insufflent du dynamisme au récit, et lui aussi semble porter de l'affection à Janice au vu de la vie qu'il parvient à insuffler en elle. Toutefois, aussi sympathique que soit le récit, le lecteur peine à trouver un second souffle une fois entré dans l'au-delà, entre une représentation littérale assumée mais dépourvue d'originalité, et une fuite en avant un peu trop linéaire, manquant de profondeur mythologique ou théologique.
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