Pourquoi nous émouvoir d'un paysage d'oiseaux
D'une alouette sonnant les matines du soir
Simplement d'une abeille cognant sur la vitre
Si déjà la rumeur ne réveille l'écho
D'une autre nostalgie plus vaste que l'oubli
Et nous qui sommes fous d'irréel de mystère
Pourquoi nous éblouir seulement d'une pomme
Toute ronde vêtue de clarté coutumière
Comme si par le charme ultime d'un regard
L'intemporel devait s'enraciner ici
A l'ombre d'un seul jour au ciel d'un seul pays
(" Neige exterminatrice")
TESTAMENT QUOTIDIEN
Je raconte une gare un fleuve une guitare
Une mansarde vague un arbre un matin nu
Haute mélancolie de la pluie sur la mer
Une seconde à peine de conscience ardente
Je raconte à voix ivre le rouge et le noir
Fenêtre délirante ouverte sur le large
O mon identité soumise aux quatre vents
Cortège quotidien dont retombe la cendre
Je vous dirai un pan de mur un gazomètre
Un cheval maigre une lessive sur un fil
Et comment s’acheva le voyage d’Ulysse
Sur une île perdue dans la fumée d’hiver
Je vous dirai encor une hirondelle morte
Un crime en banlieue nord le bleu d’une anémone
Je vous dirai encor une aube d’amour triste
Et le jour fermera ses volets de nuages
En vain je traduirai le cri du mâchefer
Le spasme du poisson qu’on jette sur l’évier
En vain le bruissement de l’herbe après la pluie
La parole s’envole et l’angoisse demeure
Enfant instantané de l’ombre et du soleil
N’ai-je vécu en tout que ce peu de clarté
Une seconde à peine de mémoire ardente
Toute une éternité de légende inavouable
De l’autre côté du monde
De l’autre côté des choses
Il y a de l’ombre du vent et des songes
Une source monte à travers la terre
Comme une lanterne dans une maison déserte
Mais seule une goutte d’eau froide et fugitive
Roulera demain à la surface du jour
Et de toutes les moissons qui germent dans la nuit
Seule une ortie blanche éclose au matin blême
Nous dira la couleur profonde de l’au-delà
De l’autre cote du monde
Il y a l’ombre du vent et des songes
Et tout se passe au loin dans le pays des hommes
Ici l’infini se suffit à lui-même
Dans le vide parfait où naissent les étoiles
Le mendiant disparu
Le mendiant disparu dans le vent de la nuit
Une main continue de frapper à la porte
Le cheval foudroyé contre un mur d’abattoir
Un nuage le remplace et court sur la prairie
Le navire englouti tout au fond de la mer
Un flocon de fumée témoigne du voyage
Le rivage s’efface le mirage demeure
Plus précieux plus vivace que la réalité
Le rivage s’efface le rivage se meurt
Un reflet se souvient des arbres et des fleurs
Le dernier réverbère clignotant dans la nuit
La neige doucement lui vole sa lumière
Ce qui n’existe pas ce qui n’existe plus
Interroge dans l’ombre la mémoire des hommes
TESTAMENT QUOTIDIEN
Extrait 2
Je vous dirai encore une hirondelle morte
Un crime en banlieue nord le bleu d’une anémone
Je vous dirai encor une aube d’amour triste
Et le jour fermera ses volets de nuages
En vain je traduirai le cri du mâchefer
Le spasme du poisson qu’on jette sur l’évier
En vain le bruissement de l’herbe après la pluie
La parole s’envole et l’angoisse demeure
Enfant instantané de l’ombre et du soleil
N’ai-je vécu en tout que ce peu de clarté
Une seconde à peine de mémoire ardente
Toute une éternité de légende inavouable
Il neige sur le terrain vague…
extrait 5
Neige pareille aux yeux cerné des jeunes filles
Pareille à la fumée de Sodome et Gomorrhe
Virginité amère douleur de chèvrefeuille
Les assassins sont purs en ton lit de cristal
Sous le double baiser de l’aube et des ténèbres
Ô neige tutélaire épouse de la nuit
Garde-nous le secret de ton haleine close
le plein jour nous fatigue et nous brise les rêves
Garde-nous la blancheur éperdue de ton marbre
Pour couvrir nos amours en mal de sépulture.
Neige pollen ultra-violet des anémones
Neige pollen ultra-violet des anémones
Lune pulvérisée dans le cerveau des fous
Rumeur télégraphique où chantent les sirènes
Quel écolier dément s’embraque pour les îles
À travers la lumière oblique de l’hiver
Cordages de navires et poteau de torture
Quel enfant d’outre-mer vient de s’ouvrir les veines
Dans la nuit prénatale dans la vigie du vent
Inabordable neige un voilier vers le nord
fait craquer tout à coup le gel de la mémoire
Neige cerisier blanc des jardins de l’absence
Rendons-nous à la clarté des premiers jours du monde
Un papillon se pose à l’orée des forêts
Mais il n’est plus pour nous ici de délivrance
Que ce vertige triste où le ciel agonise
Neige bâton d’aveugle et lanterne magique
Rends-nous la pureté de l’aube et de l’enfance
Apprends-nous la pudeur de mourir en silence
Conduis-nous jusqu’au bout des chemins de ténèbres
Vers l’illumination des fêtes de la mort
Chantiers désaffectés
Chantiers désaffectés mâchefer et brouillard
Vagabondage noir des loups et des nuages
À l’autorail du soir nous devions nous quitter
Ma fiancée perdue au détour de l’hiver
Et nous marchions avec la neige déclinante
Dans un rêve pareil à ces bords de falaises
Où le moindre faux pas vous rejette à l’abîme
Dans un rêve semblable à ces auberges folles
Dont on pousse la porte sur le coup de minuit
Nous vagabonds d’Amour
Vers la dernière escale d’un buffet de gare
Allions le front battu des carillons obscurs
Rumeurs télégraphiques orties blanches rumeurs
De pigeons envolés dans le creux des églises
Ferraille titubante des trains de marchandises
J’ai oublié de puis le nom de cette ville
Pas le nom anonyme des géographies
Mais celui fugitif que lui donnaient nos ombres
Quand nous marchions avec la neige déclinante
Conjuguant au présent vertigineux du jour
Nos fièvres parallèles et l’absence future
Paysage de miséricorde…
Extrait 2
Je suis n’importe qui
Mêlé à la poussière errante de la foule
Et mes mains sont trop lourdes pour la poésie
Et mon cœur se renverse à la table commune
Trinquant à la santé du monde comme il tourne
Je n’ai rien accepté je n’ai rien refusé
Je laisse les mouches ensevelir les morts
Et s’il m’arrive encore de me souvenir
D’une aurore en forêt d’un vol de libellules
C’est d’un élan trop bref pour toucher les étoiles
Le feu des images me couronne de cendres
Et seule mon angoisse s’émerveille parfois
D’une vie top large pour être vécue.
Vent du Nord
Le vent du Nord allume sa lampe à pétrole
Comme autrefois dans les greniers du crépuscule
Dans l’imagination de l’enfant le plus pauvre
La lanterne magique à peindre sur les murs
Les vagues de la mer les fleurs la toison d’or
Enfant voici la neige et le cri des navires
La neige Epiphanie de rois décapités
Noël rouge au quinquet des baraques foraines
La roulotte aux gitans bourlinguant sur la route
Sa complainte à broyer du noir dans les ornières
Enfant voici la neige et le cri des navires
Le vent du Nord allume sa lampe à pétrole
Rappelle-toi les vieilles histoires policières
Les romans à deux sous achetés dans les gares
Que tu lisais assis dans un fond de cuisine
Comme le testament d’une vie impossible.