Je reste fidèle
au temps perdu
au temps passé
lointain ou proche
peu importe
le rôle obscur
que je m’assigne
en coulisses
n’a ni heure ni lieu
et je n’ai même pas
le moindre poème
à faire valoir.
La pluie du jardin
l'heure noire au clocher
tout concourt à m'éloigner
de moi-même
ne serait-ce que
parce que le vent
traverse le paysage
et qu'au loin l'horloge sonne
l'heure et l'enfance abolies.
//revue arpa n°115-116 1er trimestre 2016.
Veillées
extrait 3
Peut-être faut-il
un peu de soleil dans les herbes
pour ouvrir le chemin
et pour dire qu’il est temps
de partir au-devant de notre ombre
allongée sur les seuils
mais avant juste avant
il y a ce moment
où rien n’existe
hors un rayon lâché
au travers des nuages
juste pour éclairer
ce qui doit l’être.
LE VEILLEUR SOLITAIRE
Le jardin est sous le ciel
une page éclose
que le hasard visite
un quelque chose
frêle et pâle
que l'hiver oublie
en partant.
De loin en loin
2
Une horde de flocons brouille les glaciers sombres de la nuit. Depuis longtemps, je guette l’arbre en gloire sur la crête, où la décrue des ombres tarde à venir. Ici, le vent décompte de vagues saisons. Un chenal de ciel ouvre les profondeurs noires du paysage. J’ignore s’il subsiste encore quelque chose à dire ou à taire. S’il est une quelconque lumière à suivre. Un quelque part où aller. L’empreinte que je laisse est sans avenir. Si je parle, c’est aux pierres plus muettes que ma page. Où la fièvre possède la voix blanche des mots à l’abandon. Quoi que je fasse, je veille à surtout être absent, pour donner la parole aux taillis écorchés par l’hiver. Et ne prétendre à rien d’autre que la patience.
Au bout du compte
Le cœur tremblant certains soirs
le voyageur immobile
rêve en silence des nuages
avant de se glisser
entre deux pages d’écriture
non pour le repos
mais pour prolonger
l’instant où tout s’arrête avec le jour
loin des années recluses
perdues en route avec le reste
dans l’éboulement infini du temps
où la vie accomplit
le miracle ordinaire
de ne rien savoir
de ce qui nous attend
et où nous irons
plus tard
plus tard.
L’enfant dans les caves
écoute le vin bourru
et les sources obscures
raconter les nuits perdues,
et le vent du Nord
siffle dans les combes
où la lune attentive
roule parmi les ombres.
La mémoire avide de vent
parcourt le silence et la nuit
où loge la poésie.
Les livres mélancoliques
et les signes du temps
enchantent les soirées soumises
au passage des ombres.
Partir sur les routes
avec le vent
pour bagage
Aller
de par l’herbe et le ciel
jusqu’à soi
ne rien trouver
et être enfin
comme jamais.
Du vieil automne
je ne retiens
que le chuintement de la pluie
à travers les arbres
et ces reflets liquides
dans les travées
comme si rien ne devait
jamais finir.