C’était l’époque où j’hésitais entre la sainteté et la sagesse. À l’heure où les gourous en tout genre ravageaient l’Occident. Où les sceptiques essaimaient sur une terre polluée par le scientisme ambiant. Où les malades de la civilisation répondaient en nombre à l’appel de la mort. Où les déprimés, les ténébreux et les ironiques avaient bonne presse dans les journaux et la littérature. Moi, j’étais si vivante. Je voulais chanter pendant que le monde étouffait, que la planète hurlait. Chanter loin des chasseurs assassins. Chanter, oui, mais pas n’importe quoi. Chanter une nudité rivale de celle des corps exposés à la vitrine des sociétés américaines à l’aube du 21e siècle. Chanter une clarté totalement démodée et une paix qui, foi de moi, se dégusterait un jour.
(j'ai mis une robe neuve)
- Tu as choisis soigneusement ta robe.
Habille encore plus soigneusement ton âme, lorsque tu m'attends.
(sourire.)
Mais je me réjouis de ta belle robe aussi.
J'attends ta question
G - Comment sentir l'essentiel sous les apparences ?
- Les crois tu séparés ?
G - Non, mais souvent je suis encline à ne voir que la forme et c'est terrible.
- L'inclination est servante. Tu es son maître, lorsque tu reconnais que tu ne vois que la moitié de Son oeuvre. Observe l'autre moitié! Tu as deux yeux, mais tu n'as qu'une vision, tu as deux oreilles, mais tu n'entends qu'un son.
En toi le UN et le deux.
G - Comment pourrais-je sentir suffisamment l'unité entre nous pour ne jamais la rompre ?
- Tu demandes à nouveaux la même chose
Dialogues avec l'ange
(Entretien avec Gitta)
(...) "le mot est si fort qu'il traverse la barrière du son (...) lit-on sur l'un de ses derniers manuscrits."
Je crois à la fleur de "lis" sur la poitrine de son nom. Aux lis sur son coeur, jaillis à l'instant de sa mort (...) Elle nous le lègue avant la grande Traversée :
"Lis blanc sur la nudité de ma poitrine. Lis que je t'offre à toi et à ce qui fait mal en toi. Car certaines choses - si on ne les donne pas- se fanent. Par exemple - à la chaleur de mon corps, les pétales des lis roussiraient. J'appelle la brise légère pour ma mort future. Je devrai mourir sinon mes pétales roussiraient. Je me donne donc tous les jours à ma mort. Je meurs et renais.
(...) Alceu Amoroso Lima, qui m'a fait l'honneur d'écrire sur moi dès mon premier livre, a prédit, mon Dieu, il y a plusieurs années, que j'allais vivre une solitude tragique dans les lettres brésiliennes. D'abord je n'ai pas compris. Mais je sens cela dans ma chair maintenant. Voyez-vous, j'écris sans motif spécial et s'il existe un motif quelconque, il a surgi quand j'avais un peu moins de sept ans et que j'ai commencé à écrire.
Elle ressortit son leitmotiv :
— Existe-t-il des Blancs plus Indiens que certains Indiens et des Indiens plus Blancs que certains Blancs ?
— Impossible, riposta-t-il d'un air condescendant alors que les Cris quittaient la tente. Qui est Blanc ne peut être Indien.
— Et l'Esprit alors! Qu'en faites-vous ?
— Vous ne pouvez pas comprendre.
— Et ceux dont la mère est Blanche et le père, Indien?
— Ils ne sont pas de vrais Indiens.
— Croyez-vous qu'une âme peut revenir sur la terre dans un autre corps?
— Je refuse de parler de cette question. Les Blancs ne peuvent pas comprendre. La preuve est que tous sont réunis ici afin de régler les problèmes causés par les Blancs.
À son avis, les Blancs débusqués du Cercle de la vie avaient oublié leur origine indigène. Clairvoyante à l'ombre de la contradiction, Christine s'abîma dans cette dernière affirmation de l'autochtone qui posait par ailleurs l'existence de deux mondes irréconciliables, celui des Blancs et celui des Indiens. Écartelée entre ces mondes, douée d'empathie, elle s'enlaçait les pensées d'autrui dans le corps à corps énergétique de la communication.
Clarice préférait interroger les gens plutôt que d'être interrogée. (...) Elle accordait donc peu d'entretiens et se refusait à expliquer son oeuvre, ne s'en jugeant pas spécialiste.
Très sensible aux voix, elle acceptait (...) de donner une entrevue parce que lui plaisait la voix de la personne qui la sollicitait
Sous ses paupières, un ballet de motifs géométriques. Puis un ciel de nuit en pulsation, criblé d'incalculables étoiles. « Oh! » s'exclama-t-elle. Le son de sa propre voix l'émerveilla. Elle sentit par la suite l'ayahuasca entamer une percée dans sa gorge. Il frappait de légers coups précis contre son larynx pour se tracer une voie. Alors, elle vit une cathédrale d'or, un château d'émeraude, les trésors et les transes de son enfance. Subjuguée, elle n'entendit pas le torrent gronder et remonter au bord de ses lèvres. On la saisit par le bras pour l'entraîner vers l'extérieur de l'enceinte. Elle n'eut pas le temps de se pencher contre un muret et de dégobiller dans les fleurs d'un jardin intérieur, sous la rondeur neutre d'une lune dans sa croissance absolue.
mais je commence toujours par écrire un livre au milieu. Dieu me garde de commencer à écrire un livre à partir de la première ligne. Je rassemble des notes. Ensuite je vois que certaines ont un lien avec d'autres et alors je découvre que j'en suis déjà à la moitié du livre.
Après avoir éprouvé une nausée désagréable, son psychisme se mit à produire des phénomènes incontrôlables, d'une puissance effrayante, sans comparaison avec les effets lumineux de ses séances de méditation. Des rayons fusaient, des vortex énergiques tournoyaient. Le végétal s'insinuait-il dans ses neurones pour forcer violemment leur expansion? Son cerveau pouvait-il éclater sous l'effet d'une bourrasque de lumière?
On m'a demandé une fois comment j'écrivais, et j'ai dit: "N'y a-t-il pas des personnes qui cousent par le dehors ? Alors je couds par le dedans"