AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de sonatem


     
… Octavio …
     
« De profundis ». Joana a attendu que l’idée devienne plus claire, que monte des brumes cette boule brillante et légère qui était le germe d’une pensée. « De profundis ». Elle la sentait vaciller, perdre presque l’équilibre et plonger pour toujours dans des eaux inconnues. Ou alors, par moments, éloigner les nuages et croître tremblante, émerger presque complètement … Après le silence.
...
Peu à peu, elle a recommencé à renaître, elle a ouvert les yeux lentement et est revenue à la lumière du jour. Fragile, respirant légèrement, heureuse comme une convalescente qui recevrait la première brise.
Alors elle a commencé à penser qu’en vérité elle avait prié. Elle non. Quelque chose de plus qu’elle, dont elle n’avait déjà plus conscience, avait prié. Mais elle ne voulait pas prier, s’est-elle répétée une fois plus faiblement. Elle ne voulait pas parce qu’elle savait que ce serait le remède. Mais un remède comme la morphine qui endort toute espèce de douleur. Comme la morphine dont on a besoin, pour la sentir, des doses de plus en plus grandes. Non, elle n’était pas encore épuisée au point de désirer lâchement prier au lieu de découvrir la douleur, de la souffrir, de la posséder intégralement pour connaître tous ses mystères. Et même si elle priait … Elle finirait dans un couvent, parce que pour sa faim presque toute la morphine serait peu. Et ceci serait la dégradation finale, le vice. Pourtant, par un chemin naturel, si elle ne cherchait pas un dieu extérieur elle finirait par se déifier, par explorer sa propre douleur, aimant son passé, cherchant refuge et chaleur dans ses propres pensées, alors déjà nées avec une volonté d’œuvre d’art et après servant de vieilles nourritures dans les périodes les plus stériles. Il y avait le danger de s’établir dans la souffrance et de s’organiser à l’intérieur d’elle, ce qui serait un vice aussi et un calmant.
Que faire alors ? Que faire pour interrompre ce chemin-là, s’accorder un intervalle entre elle et elle-même, pour pouvoir plus tard se rencontrer sans danger, neuve et pure ? Que faire ?
Le piano fut attaqué délibérément en gammes fortes et uniformes. Exercices, a-t-elle pensé. Exercices … Oui, a-t-elle découvert amusée … Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas essayer d’aimer ? Pourquoi ne pas essayer de vivre ?
     
     
Musique pure se développant dans une terre sans hommes, rêvait Octavio. Mouvements encore sans adjectifs. Inconscients comme la vie primitive qui palpite dans les arbres aveugles et sourds, dans les petits insectes qui naissent, volent, meurent et renaissent sans témoins. Pendant que la musique voltige et se développe, vivent l’aube, le jour fort, la nuit, avec une note constante dans la symphonie, celle de la transformation. C’est la musique sans appui sur les choses, sur l’espace ou le temps, de la même couleur que la vie et la mort. Vie et mort en idées, isolées du plaisir et de la douleur. Si distants des qualités humaines qu’elles pourraient se confondre avec le silence. Le silence, parce que cette musique serait la nécessaire, l’unique possible, projection vibrante de la matière. Et de même qu’on n’entend pas la matière et ne la perçoit pas jusqu’à ce que les sens se heurtent à elle, de même on n’entendrait pas sa musique.
     
(Première partie, pp. 113 & 117-120)
Commenter  J’apprécie          150





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}