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Citations de Clarice Lispector (277)


Quand, deux ou trois heures plus tard, le calme revint à la maison, ma soeur me coiffa et me maquilla. Mais quelque chose était mort en moi. Et, comme dans les histoires que j'avais lues à propos de fées qui enchantaient et désenchantaient des gens, moi j'avais été désenchantée ; je n'étais plus une rose, j'étais de nouveau une simple petite fille. Je descendis dans la rue et là debout je n'étais pas une fleur, j'étais un clown pensif aux lèvres rouge vif. Dans ma faim de sentir une extase, parfois je retrouvais ma gaieté, mais prise de remords je me rappelais que ma mère était dans un état grave et de nouveau je mourais.
Et c'est seulement des heures plus tard que vint le salut. Auquel sur-le-champ je me raccrochai tant j'avais besoin de me sauver. Un petit garçon de douze ans, à mes yeux déjà un jeune homme, ce petit garçon très beau se planta devant moi et dans un mélange de tendresse, de grossièreté, de jeu et de sensualité, couvrit mes cheveux, redevenus lisses, de confettis : un instant nous nous dévisageâmes, en souriant, sans parler. Et alors moi, petite bonne femme de huit ans, je passai le reste de la soirée à me dire qu'enfin quelqu'un m'avait reconnue : j'étais, j'étais pour de bon, une rose.
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Mais heureusement, notre entendement se fait au travers des mots perdus et des mots sans signification ; s'il n'en était pas ainsi, pauvre serait notre compréhension mutuelle.
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Pourquoi les choses, un instant avant d'arriver, paraissent-elles déjà être arrivées ? C'est une question de simultanéité du temps. Et voilà que je te pose des questions et elles seront plusieurs. Parce que je suis une question.
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Arrivée chez mes parents, je ne l'ouvris pas tout de suite. Je faisais semblant de ne pas l'avoir, rien que pour avoir ensuite la surprise de l'avoir. Des heures plus tard, je l'ouvris, je lus quelques lignes, je le refermai, je me promenai dans l'appartement, pour retarder encore, je mangeai une tartine de beurre, je faisais semblant de ne pas savoir où j'avais rangé le livre, je finissais par le trouver et je l'ouvrais quelques instants. Je créais les difficultés les plus fallacieuses pour arriver à cette chose clandestine qui était le bonheur. Comme j'ai pu prendre mon temps ! Je vivais dans un rêve...Il y avait de l'orgueil et de la pudeur en moi. J'étais une reine délicate.
Parfois je m'asseyais dans le hamac, me balançant avec le livre ouvert sur les genoux, sans le toucher, dans une extase très pure. ce n'était plus une petite fille avec un livre : c'était une femme avec son amant.
(Bonheur clandestin).
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Mes mots déséquilibrés sont le luxe de mon silence. J’écris par pirouettes acrobatiques et aériennes -- j’écris à cause de mon profond vouloir parler. Quoique écrire ne me donne que la grande mesure du silence. p 19
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J'entre lentement dans mon offrande à moi-même, splendeur déchirée par le chant ultime qui semble être le premier. J'entre lentement dans l'écriture ainsi que je suis déjà entrée dans la peinture. C'est un monde enchevêtré de lianes, syllabes, chèvrefeuilles, couleurs et mots -- seuil d'entrée d'ancestrale caverne qui est l'utérus du monde, d'où je vais naître.

(...) Ce que je te dis doit être lu rapidement comme quand on regarde.
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Clarice Lispector
Donne-moi ta main
     
Donne-moi ta main :
Je vais maintenant te conter
comment je suis entrée dans cet inexpressif
qui avait toujours été ma quête aveugle et secrète.
Comment je suis entrée
dans ce qui existe entre le chiffre un et le chiffre deux,
comment j’ai vu la ligne de mystère et de feu
qui est une ligne subreptice.
      
Entre deux notes de musique, il existe une note,
entre deux faits il existe toujours un fait,
entre deux grains de sable, si proches soient-ils l’un de l’autre,
il y a toujours un intervalle ;
il existe un sentiment qui se trouve entre le sentiment
— dans les interstices de la matière primordiale
se trouve la ligne de mystère et de feu
qui est la respiration du monde,
et la respiration continuelle du monde
que nous écoutons
et que nous appelons silence.
     
-
     
Dá-me a tua mão
     
Dá-me a tua mão :
Vou agora te contar
como entrei no inexpressivo
que sempre foi a minha busca cega e secreta.
De como entrei
naquilo que existe entre o número um e o número dois,
de como vi a linha de mistério e fogo,
e que é linha sub-reptícia.
      
Entre duas notas de música existe uma nota,
entre dois fatos existe um fato,
entre dois grãos de areia por mais juntos que estejam
existe um intervalo de espaço,
existe um sentir que é entre o sentir
— nos interstícios da matéria primordial
está a linha de mistério e fogo
que é a respiração do mundo,
e a respiração contínua do mundo
é aquilo que ouvimos
e chamamos de silêncio.
     
     
« A paixão segundo G.H., 1964 » / « La passion selon G. H. », traduit du brésilien par Claude Farny. Éd. des femmes, 1978 (p. 129).
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Clarice Lispector
Je ne sais pas aimer à moitié, je ne sais pas vivre de mensonges.
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Il avait à présent tous les sens dont dispose un rat, plus un avec lequel il constatait ce qui lui arrivait : la pensée. C'était la façon la moins dénaturée de s'en servir.
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Dégonflé, avec ses lunettes, tout ce qu'il croyait prêt à être dit s'évaporait, à présent qu'il voulait le formuler. Ce qui avait empli ses journées de réalité se réduisait à rien devant l'ultimatum du dire.
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Il avançait simplement. Sa tête vide ne lui était plus d'aucun secours. Dans sa marche, il paraissait être guidé uniquement par le fait qu'il était entre terre et ciel. Et ce qui le soutenait c'était l'impersonnalité extraordinaire qu'il avait atteinte, comme un rat dont l'être même est ce qu'il a hérité d'autres rats. Cette impersonnalité, l'homme la maintint en se refrénant légèrement, il savait peut-être que, s'il redevenait lui-même, il tomberait à la renverse.
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Pour le moment, l'homme en fuite restait assit sur la pierre parce que, s'il avait voulu, il aurait pu ne pas s'asseoir sur cette pierre.
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Un homme dans le noir est un créateur.
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Ah, mais pour parvenir au mutisme, quel grand effort de la voix. Ma voix est la façon par laquelle je vais en quête de la réalité ; la réalité, avant mon langage, existe comme une pensée qui ne se pense pas, mais la fatalité a voulu que je fusse et sois poussée au besoin de savoir ce que la pensée pense. La réalité précède la voix qui la cherche, mais comme la terre précède l’arbre, mais comme le monde précède l’homme, mais comme la mer précède la vision de la mer, la vie précède l’amour, la matière du corps précède le corps, et à son tour le langage un jour aura précédé la possession du silence.

Je possède à mesure que je désigne – et telle est la splendeur d’avoir un langage. Mais je possède bien davantage à mesure que je ne parviens pas à désigner. La réalité est la matière première, le langage est ma façon d’aller la chercher – et de ne pas la trouver. Mais c’est du chercher sans trouver que naît ce que je ne connaissais pas, et reconnais instantanément. Le langage est mon effort humain. Par mon destin il m’appartient de partir en quête et par destin de revenir les mains vides. Mais – je reviens avec l’indicible. L’indicible ne pourra m’être accordé qu’à travers l’échec de mon langage. Ce n’est que quand échoue la construction, que j’obtiens ce qu’elle n’a pas réussi.
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Jasmin

Il est aux amoureux ; ils marchent main dans la main en balançant les bras et se donnent de doux petits baisers, je dirais au son odorant du jasmin.
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… Octavio …
     
« De profundis ». Joana a attendu que l’idée devienne plus claire, que monte des brumes cette boule brillante et légère qui était le germe d’une pensée. « De profundis ». Elle la sentait vaciller, perdre presque l’équilibre et plonger pour toujours dans des eaux inconnues. Ou alors, par moments, éloigner les nuages et croître tremblante, émerger presque complètement … Après le silence.
...
Peu à peu, elle a recommencé à renaître, elle a ouvert les yeux lentement et est revenue à la lumière du jour. Fragile, respirant légèrement, heureuse comme une convalescente qui recevrait la première brise.
Alors elle a commencé à penser qu’en vérité elle avait prié. Elle non. Quelque chose de plus qu’elle, dont elle n’avait déjà plus conscience, avait prié. Mais elle ne voulait pas prier, s’est-elle répétée une fois plus faiblement. Elle ne voulait pas parce qu’elle savait que ce serait le remède. Mais un remède comme la morphine qui endort toute espèce de douleur. Comme la morphine dont on a besoin, pour la sentir, des doses de plus en plus grandes. Non, elle n’était pas encore épuisée au point de désirer lâchement prier au lieu de découvrir la douleur, de la souffrir, de la posséder intégralement pour connaître tous ses mystères. Et même si elle priait … Elle finirait dans un couvent, parce que pour sa faim presque toute la morphine serait peu. Et ceci serait la dégradation finale, le vice. Pourtant, par un chemin naturel, si elle ne cherchait pas un dieu extérieur elle finirait par se déifier, par explorer sa propre douleur, aimant son passé, cherchant refuge et chaleur dans ses propres pensées, alors déjà nées avec une volonté d’œuvre d’art et après servant de vieilles nourritures dans les périodes les plus stériles. Il y avait le danger de s’établir dans la souffrance et de s’organiser à l’intérieur d’elle, ce qui serait un vice aussi et un calmant.
Que faire alors ? Que faire pour interrompre ce chemin-là, s’accorder un intervalle entre elle et elle-même, pour pouvoir plus tard se rencontrer sans danger, neuve et pure ? Que faire ?
Le piano fut attaqué délibérément en gammes fortes et uniformes. Exercices, a-t-elle pensé. Exercices … Oui, a-t-elle découvert amusée … Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas essayer d’aimer ? Pourquoi ne pas essayer de vivre ?
     
     
Musique pure se développant dans une terre sans hommes, rêvait Octavio. Mouvements encore sans adjectifs. Inconscients comme la vie primitive qui palpite dans les arbres aveugles et sourds, dans les petits insectes qui naissent, volent, meurent et renaissent sans témoins. Pendant que la musique voltige et se développe, vivent l’aube, le jour fort, la nuit, avec une note constante dans la symphonie, celle de la transformation. C’est la musique sans appui sur les choses, sur l’espace ou le temps, de la même couleur que la vie et la mort. Vie et mort en idées, isolées du plaisir et de la douleur. Si distants des qualités humaines qu’elles pourraient se confondre avec le silence. Le silence, parce que cette musique serait la nécessaire, l’unique possible, projection vibrante de la matière. Et de même qu’on n’entend pas la matière et ne la perçoit pas jusqu’à ce que les sens se heurtent à elle, de même on n’entendrait pas sa musique.
     
(Première partie, pp. 113 & 117-120)
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La vie oblique ? Je sais bien qu'il y a un désaccord léger entre les choses, elles se choquent presque, il y a un désaccord entre les êtres qui se perdent les uns les autres entre des mots qui ne disent presque plus rien. Mais nous nous entendons presque dans ce léger désaccord, dans ce presque qui est la seule forme de supporter la vie en plein, car une rencontre brusque face à face avec elle nous effraierait, affolerait ces délicats fils de toile d'araignée. Nous sommes de travers pour ne pas compromettre ce que nous pressentons d'infini autre dans cette vie dont je te parle.
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Autour d'elle il y avait des bruits paisibles, une odeur d'arbres, de petites surprises parmi les lianes. Tout le jardin broyé par les instants à présent plus pressés de l'après-midi. D'où venait le semi-rêve qui l'environnait ? Comme d'un bourdonnement d'abeilles et d'oiseaux. Tout était étrange, trop suave, trop grand.
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Dormir c'est s'abstraire et se répandre dans le rien.
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Le monde n'a pas d'ordre visible et je n'ai que l'ordre de la respiration. Je me laisse advenir.
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