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Critiques de Claude Dourguin (3)
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Paysages avec figure

Paysages avec figures absentes.

Bien que le rapprochement avec le recueil poétique de Philippe Jaccottet puisse paraître gratuit, « Paysages avec figure » de Claude Dourguin n’en dégage pas moins quelques similitudes avec notamment la thématique centrale du paysage, beaucoup moins naturel, assez souvent modelé par l’homme chez l’écrivaine quand Jaccottet féconde son regard et enrichit son écriture à partir d’éléments naturels bruts (bois, blés, prés, cerisier, etc., identifiables et circonscrits sur le terrain). La description qui en découle naît pourtant d’une même promenade, d’une excursion, d’une randonnée où la marche à pied apparaît comme le modus operandi chez les deux auteurs ce qui rend le propos si intéressant. Toutefois, Claude Dourguin ne précise qu’au détour d’une phrase la toponymie, préférant capter et restituer l’essence particulière d’un site traversé (vignoble angevin du Layon, île finistérienne de Batz, région himalayenne de Darjeeling, côte napolitaine, etc.), les chapitres s’enchaînant naturellement, ponctués d’une discrète feuille de chêne grisée. Le vocabulaire précis creuse alors le paysage pour l’affouiller, le garnissant du moelleux des mots, véritable cautère posée sur une mémoire cicatricielle quand le temps ajoure les souvenirs et creuse des béances dans la réalité durement étreinte du paysage. Rien ne dure hors les souvenirs couchés sur le papier. L’auteur semble s’évertuer à saisir verbalement le réel afin de témoigner d’une plénitude, de laisser la trace d’un regard caressant. Si Julien Gracq, innommé, n’est jamais loin, Claude Dourguin règle ses ardoises littéraires et ajuste ses trajectoires géographiques selon une déambulation sentimentale et aimantée.
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Points de feu

Aux silex des mots, l’esprit étincelant.

« Points de feu » (2016) fait suite avec grâce et naturel à « Ciels de traîne » (2011) dans la collection « En lisant en écrivant » des éditions Corti. Si Julien Gracq (1910-2007), géographe à la prose inspirée et romancier d’atmosphère apparaît en filigrane de cette collection remarquable, les auteurs qui acceptent le jeu d’écrire en lisant et vice-versa n’en composent pas moins une œuvre originale à l’instar de Claude Dourguin. Âgée aujourd’hui de 70 ans, l’auteure incise toujours les paysages traversés et dégagent depuis les œuvres admirées des lignes de force magnétiques. Elle puise dans ses voyages physiques, littéraires et musicaux des observations fines et des réflexions érudites qui constituent un parcours intellectuel jalonné d’émerveillements passés au tamis des jours c’est-à-dire résistants à l’érosion du temps. Claude Dourguin propose généreusement au lecteur son parcours de vie, sans pose et sans fard, dans un style tenu mais fluide, accessible après quelques phrases apéritives pour la mise en bouche. La brièveté des paragraphes, la variété des sujets abordés et l’aération de la mise en page rendent la lecture aisée, plaisante, alerte et n’excluent nullement la densité du propos. On ne peut sortir que ragaillardi à s’être frotté à de tels fragments irradiants, porteurs d’une éthique de vie et de belles découvertes artistiques mises intelligemment en perspective. Se dire que de tels esprits habitent le monde et rêver de les croiser en chemin fait espérer des avenirs enchantés.
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Ciels de traîne

La semeuse

Comme un bulletin météorologique des contrées boréales, Claude Dourguin délivre ses « Ciels de traîne » avec cumulus instables, pluies soudaines et rayonnements instantanés, ce lessivage mental qui amorce des élans légers et des idées neuves, par capillarité. Le lecteur découvrant l’œuvre de Claude Dourguin peut d’abord être agacé par l’étalage bien agencé d’une culture classique de haute volée, picturale, littéraire, musicale mais rapidement il aperçoit la vision de l’auteur, l’œil critique, exigeant et amoureux, la sincérité et la justesse du propos, la beauté et la précision de la langue. Les paragraphes courts et denses se dégustent à toute heure mais peut-être plus particulièrement à la tombée du jour quand les ombres et les silences s’étendent et s’épaississent. Jamais futile ou prise en défaut, la pensée de l’auteur finit par sourdre et ensorceler. A partir de la page 50, on voudrait prendre des notes tant la pensée fuse et enchante en dépit d’un propos parfois grave : « Vieillir : passer du singulier au pluriel – non plus le bonheur, l’amour mais les bonheurs, les amours etc. Et aussi (par là même) du général, de l’abstrait au concret, non plus La Mort mais les morts ». L’auteure compare, pèse, tend des passerelles entre des auteurs. Giono avec l’emphase de son « lyrisme approximatif » ne résiste pas à la Provence de Bosco : « […] justesse dans les évocations, exactitude (des paysages) et poésie », ou « la sobriété des moyens ne se sépare pas d’un grand pouvoir évocateur ». Il en est de même entre Soulages et Focillon quant à la transfiguration du noir que l’historien d’art a parfaitement décrite soixante-dix ans auparavant. Le paysage occupe de même une place de choix dans les œuvres picturales aimées et contemplées à l’envi ainsi de Patinir, de Ruysdael et du Lorrain. En passant, elle réhabilite Eugène Boudin : « Avec les années, il ne fait que toucher davantage ». La comparaison avec Turner vire au profit du peintre normand qui s’exprime ainsi : « Nager en plein ciel. Arriver aux tendresses du nuage. Suspendre ces masses au fond, bien lointaines dans la brume grise, faire éclater l’azur. » Auteure généreuse, Claude Dourguin livre des trésors puisés avec intelligence et sensibilité dans des œuvres ou des écrits, ainsi du critique d’art spécialiste de la Renaissance italienne Bernard Berenson ou de la myriade d’écrivains, de peintres, d’architecte jetée d’un geste auguste au passage telle la semeuse soufflant à tout vent sur une tige de pissenlit : Botta, Roud, Stifter, Matisse, Cézanne, du Bouchet, Rilke, Thoreau, Bazaine, etc. Si près d’une culture in vivo, le lecteur est étourdi, émerveillé et reconnaissant pour la succulence des nourritures offertes. Dans la belle collection « En lisant, en écrivant » chez José Corti, Claude Dourgouin remplit largement le cahier des charges et donne envie de continuer les sentiers de traverse ensemble. Une suite est prévue dans la même collection pour avril 2016. Le bonheur de lecture en cheminant avec l’auteur devrait perdurer dans la foulée d’un printemps à venir.
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