Sans cesse elle me tient à l’oeil. Sitôt que, par inadvertance, je tourne la tête, elle donne du bec vers moi :
— Alexandre Héron, ne t’a-t-on jamais dit qu’une fille a une âme ? Que la dévisager, c’est risquer de la lui salir !
— Qu’est-ce que c’est, une âme ?
— C’est ce que nous portons en nous de plus précieux. Ce que tu vois, toi, quand tu regardes une fille, c’est son visage de chair. Or, sous ce visage-là, il y en a un autre, infiniment plus beau ! Un Dessinateur bien plus doué que toi, le Seigneur en personne, l’a dessiné sur une feuille de parchemin. L’âme, c’est ce Visage-là. Quant à cette feuille de parchemin, chaque fille, au Paradis, devra la présenter intacte devant saint Pierre. Le problème, c’est que sa propreté, sa blancheur sont menacées par les regards des garçons. Les regards des garçons, Alexandre, sont des serpents qui se glissent dans les yeux des filles et qui salissent les parchemins !
- Il avait vu des oies gaver au bâton des petites filles, des lapins mettre au clapier des enfants, des porcs châtrer « pour la viande «, de tous petits garçons ! Des poules faisaient désormais couver leurs œufs par des adolescentes !!! Quant aux vaches, elles tiraient leur lait à de jeunes mères pour en biberonner leurs veaux !!!
- Quant à Monseigneur l’Evêque, qui d’abord était resté terré au Séminaire après qu’on lui eut mangé ses soutanes, il était sorti dans la rue, vêtu d’un tonneau, et avait accosté le premier venu, un bouc, pour lui demander d’entendre sa confession