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Citations de Claude de Frayssinet (76)


L’oiseau
  
  
  
  
La femme te tient dans le creux de sa main et te berce,
elle referme ses doigts sur toi et te soutient.
Elle te montre ave tant de précaution, avec tant de soin,
telle une âme à l’abri dans son trou, tel un signe perdu
de ce qui n’est plus et peut avant palpitait,
de ce petit bonheur que nous tâchons de retenir un instant,
un plaisir et une candeur qui nous échappent aussitôt.


// Esperanza López Parada (1962 -)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Gestes
extrait 2
  
  
  
  
  Nous autres, si gesticulateurs mais si peu gais,
race qui n’a rien su faire
si ce n’est tisser des drapeaux, race de défilés,
de fantaisies, de dynasties,
faisons d’autres marques.
Je n’ai plus besoin de lire dans chaque main, dans chaque
mouvement, comme jadis. Je ne peux plus freiner
la rotation immense de l’étreinte
pour mesurer son orbite
et parcourir sa courbe émouvante.
Non, il est passé le temps
de jeter un regard nostalgique
sur la traînée infinie des pas de l’homme.
Il nous faut beaucoup oublier,
et plus encore espérer. Silencieux
comme le vol du hibou, un geste clair,
celui du simple baptême,
dira, sur un air nouveau,
ma nouvelle signification, son nouvel
usage. Si possible, pour moi seul
je demande, quand mon heure sera venue,
l’heure de regretter tant de gestes chers,
d’avoir la force de les trouver
comme qui trouve le fossile
(ou la mâchoire avec son vibrant baiser)
d’une race éteinte.


// Claudio Rodríguez (1934 -1999)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Gestes
extrait 1
  
  
  
  
  Un regard, un geste,
changeront notre race. Quand ma main agit,
avec une absence totale de logique et de mesure,
mais avec une résonnance vagabonde,
et qu’elle tâtonne, cherchant
chaleur et compagnie dans cet espace
où tant d’autres
ont vibré, quel sens
cela-a-t-il ? Combien et combien de gestes
ont passé comme
un rêve matinal. Comme la
grimace familière des figures
de cartes à jouer qui ne laissent,
hormis blessure et baiser, qu’un hasard personnel.
Plus lumineux encore que la parole,
notre geste, comme elle
rongé par le temps, vieux comme la berge
du fleuve, que cela
signifie-t-il ?
Pourquoi déplace-t-il le même air le geste
du don et celui du vol,
celui qui ferme une porte et celui qui l’ouvre,
celui qui allume et celui qui éteint ?
Pourquoi se déploie-t-il pareillement le bras qui sème
et celui qui fauche,
celui de l’amour et celui du crime ?


// Claudio Rodríguez (1934 -1999)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Dithyrambe du gaditan *
  
  
  
  
Tes yeux sont l’alcool de mon regard
Ta bouche est une barque dans la tempête
Tes oreilles le nid de mes baisers
Ton nez la mesure de mon allegro
Tes seins les coussins de mon angoisse
Ton ventre est la plage de mon visage
Ton sexe est mon jardin de douceur
Tes jambes les clefs de ma liberté
Tes pieds mon petit déjeuner et mon dîner
Tes mains sont deux lettres d’amour
Ton sourire est ma couronne royale
Ta crinière mon tapis volant
Ta voix est la flûte de mes rêves
Ton odeur est ma forêt ivre
Ton corps est ma doctrine de sagesse

                              Amiens, 19 Juin 1971

* Gaditan : Habitant de Cadix


// Carlos Edmundo de Ory (1923 -2010)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Anamorphose
  
  
  
  
Cette odeur de chicorée et de marc,
de crins de cheval e de vert-de-gris
avec salpêtre, et d’herbe de mon enfance
en face de l’Afrique, contribuera
peut-être à perpétuer
dans je ne sais quel recoin du souvenir
un test équivoque
d’amour dilapidé et d’injustice
que j’ai contre moi-même,
et c’est comme si tout à coup
le flux continu et furtif du passé
transformait en routine
la mémoire que j’ai de demain.


// José Manuel Caballero Bonald (1926 -2021)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Rien n’est pareil
  
  
  
  
La larme fut bonheur.

Oublions
les pleurs
et recommençons,
avec patience,
en observant les choses
jusqu’à trouver l’infime différence
qui les sépare
de leur entité d’hier
et qui définit
le passage du temps et son efficacité.

À quoi bon pleurer pour le fruit
qui a chu
pour l’échec
de ce profond désir,
compact avec une graine de semence ?

Il n’est pas bon de répéter ce qui est déjà dit.
Après avoir parlé,
avoir versé des larmes,
faites silence et souriez :

rien n’est pareil.

Il y aura des mots nouveaux pour la nouvelle histoire
et nous devons les trouver avant qu’il ne soit trop tard.


// Angel González (1925 – 2008)

/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet,
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Pluie

Pluie.
     Pluie qui vient
de très loin.
         Son appel
obscur sur mes vitres,
insistant.
      Il pleut.
Dans les rues diffuses
et bruyantes je m’éloigne ;
je me perds en d’autres pluies
qui lentement tombent
sur mon passé : vieilles
rues de pierres et pluie,
classes d’histoire et pluie
volées de cloches de pluie
sur mon enfance... Il pleut
à ma fenêtre ; à celles-là,
à cette fenêtre-ci.
              Il pleut,
pluie tiède qui du
tréfonds du temps
accompagne ma vie
en lui jouant cette musique
grise et lente...
            Ce soir
la pluie et moi nous écrivons
ces vers moitié-moitié.

                26-X-85


// Miguel D’ors (25/12/1946 -)

/ Traduction de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Comme le bruissement des feuilles du peuplier



   La vraie douleur ne fait pas de bruit :
elle laisse comme un bruissement de feuilles
de peuplier agitées par le vent,
une rumeur intime, d’une vibration
si profonde, si sensible au moindre frôlement,
qu’elle peut devenir solitude, discorde,
injustice ou dépit. Je suis là à écouter
ses murmures qui, loin de troubler,
sont porteurs d’harmonie, si effilés
et subtils, avec un tel son de spacieuse
sérénité en cette fin d’après-midi,
qu’ils sont presque sagesse douloureuse,
résignation pure. Trahison qui est venue
d’un mauvais conseil de la bouche flétrie
de la jalousie. C’est égal. Je suis là à écouter
ce qui me contraint et m’enrichit, au prix
de blessures qui suppurent encore. Douleur que j’entends
avec grand recueillement, comme le frémissement
d’un feuillage, sans chercher ni signes, ni mots
ni sens. Musique seule,
sans énigmes, murmures solitaires qui transpercent
mon cœur, douleur qui est ma victoire.


// Claudio Rodríguez (1934 -1999)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Compagne d’aujourd’hui



Compagne d’aujourd’hui, je ne veux
d’autre vérité que la tienne, vivre
où tes yeux s’ouvriront,
offrant ta lumière, ton flux
à ce que je vois et sens...

Dénouer cette pelote
obscure de la peur,
retrouver l’objet perdu,
briser la voix du songe...

Et lent, lentement
réapprendre à vivre,
encore et encore
comme une matinée
chargée de richesse.


// Alfonso Costafreda (1926 – 1974)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Miroir des jours



(Juan Gil-Albert)

Devant le miroir tu regards tomber le jour.
La lumière peu à peu se cache, qui annonce
ton abattement aux confins des heures.
Car la peau s’épuise à vouloir toujours
attendre une autre peau et son naufrage,
et comment trouver le bonheur
si un beau corps ne vient éclairer notre vie.

Seul, sans volonté, envolée la félicité
de la jeunesse lointaine, tu te joins
aux premières ombres de la nuit,
tu laisses le temps déposer son lent oubli
sur tes paupières froides, et tu rêves
à ce dieu que tu sais si lointain...
et son sourire te trouble encore.


// José Gutiérrez (1955 -)
/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Convoquée par les femmes…



Convoquée par les femmes, l’aube s’étend comme des
branches fraîches : belles sœurs fertiles, mères marquées
par la persécution. Il y a une frise d’orties dans le profil du
matin ; linceuls tordus à l’excès par des mains brûlées dans
la lessive et le désespoir.

Et le jour vint. C’était une rumeur sous les paupières, c’était
le bruit du jour naissant. Eau et cristal dans les oreilles enfan-
tines. Des gens translucides arrivent et leurs chansons humidifient
le bois du rêve, humidifient le bois des chambres fermées à l’espoir.

Je sens les prières, leur lenteur, comme de magnifiques serpents
qui passeraient sur mon cœur.

(C’était le rosaire de l’aurore en marge de la pureté prolétaire,
devant les jardins embrasés par les trains et les vents.)


// Antonio Gamoneda (1931 -)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Ville en moi
(Saint-Jacques)




Je n’ai pas choisi : j’ai ouvert les yeux
et la pluie était la pluie, nuit et pierre, et rien
que l’humide reflet d’une lanterne de gemme ;
je n’y peux rien si mes rêves ont été peuplés
de coups de cloche gris, de mousse, de parapluies
liturgiques, de ces nuages de pierre ;
et je n’y peux rien si cette mélancolie
a été ma patrie de naissance, l’habitude
de mes années sauvages ; et si maintenant
je porte au-dedans de moi cette pluie, pluie
et pluie qui rendait
- ... mardi, mercredi, jeudi... – pensives
les pierres de Saint-Jacques.

                                   28-XI-75


//Miguel D’ors (1946 -)
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L’embauche des gamins



extrait 2

     Personne ne vient, et bientôt
le soleil de juin ira se coucher. Prospère
fut notre marchandise en d’autres temps.
Mais attendez, chassez les souvenirs.
Notre foire est ici ! sinon aujourd’hui, demain ;
sinon demain, un jour. L’important,
c’est qu’ils viendront, ils viendront de partout,
de mille villages du monde, de lointaines
patries viendront les grands acheteurs
au magasin immaculé. Ne ramassez
pas votre cœur encore ! Je sais qu’il est tard
mais ils viendront, ils viendront. Ayez la bouche
prête au laïus, préparez votre vie
pour le premier qui se l’appropriera !
Je sais, nous sommes comme au premier jour,
ainsi sont passés un matin puis un autre
mais notre raisin ne ramollit pas, toujours,
il est toujours bon, jamais il ne pourrit.
Restez calmes, je les entends. Les voilà.

Ainsi vivons-nous tandis que le jour tombe,
tandis que les ombres envahissent la place.


// Claudio Rodríguez (1934 -1999)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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L’embauche des gamins



extrait 1

     Que faites-vous ici ? Que faisons-nous tous
au centre de la place à cette heure-ci ?
Avec ce soleil, qui voudra sortir de chez lui
seulement pour voir l’état du marché,
pour voir s’il a bonne mine le fruit
de notre vie, si ce n’est pas le trop-plein
de nos années que nous vendons ?
Allez, on ferme ! Courons vers une autre
foire, où il y ait un beau marché, où
l’on marchande, chaparde, où l’on cueille
notre raisin à pleines mains, le palpant
pour voir s’il n’est pas sec ! Pourquoi
sommes-nous ici si ce n’est pour nous vendre ?
Aujourd’hui on fait crédit, venez, c’est gratuit.
C’est si simple, çà fait tellement plaisir
de s’installer au soleil par une belle matinée,
de crier notre prix à tue-tête et d’offrir à la ronde
tout ce qu’un homme possède.
Nous venons depuis toujours sur cette place,
avec l’espoir de celui qui offre son œuvre,
sa jeunesse à tous vents. Et notre seul client
doit-il être le vent ? Celui qui se loue,
celui qui vient payer son loyer,
doit-il vivre sans clientèle ? Prospère
fut notre marchandise en d’autres temps,
quand la terre nous l’achetait entièrement.
Jadis, loin de cette place, jadis,
sur le marché de la lumière. Voyez
aujourd’hui l’état de ce produit. Embauche,
enchères serviles, théâtre de déshonneur.
Avec les pierres dures de la herse,
avec la faux et le crible, la fourche et le tribart,
voyez l’homme, voyez la bête de somme
du temps. Avec l’ail et l’oignon,
voyez la jeune récolte de la vie.
Voyez tous ces gamins. Allez qui achète
ce petit jeune, de la terre
à blé, aux reins solides, à la main sobre,
pour la fauche ; ou celui-là, de la terre
à vignes, aimant chanter, tout menu
et au bras musclé, le plus rentable,
pour les travaux du charroi ? Un vrai
cadeau !



// Claudio Rodríguez (1934 -1999)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Machine de douleur



Mon être est une machine de douleur
qui fonctionne depuis un long temps
j’ai un moteur moderne dans mes entrailles
que personne ne peut entendre ni voir

Je fais un bruit énorme en me réveillant
et tout le jour je rejette une horrible fumée
comme un train sans freins sur une voie
cachée dans un long tunnel sous la mer

Je purge ma peine d’être humain
et mon destin est une locomotive
qui n’épuise pas sa charge de charbon

La nuit venue je suis une baleine
dans un rêve grandiose et sous-marin
où mon cœur nage en toute félicité

                         Paris, 20 janvier 1962


// Carlos Edmundo de Ory (1923 – 2010)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Marcelo Morales

Nous, les humains, avons construit ce qui est réel,
nous l'avons idéalisé. Au bar, au bar, ma perception du temps,
ma vie, la recherche incessante de l'amour.
C'est de cela, me dis-je, d'échec en échec, encore
une fois dans le vide qu'il produit.
Dans la rue, dans la voiture, le vent et les lumières sur mon visage,
les lumières qui passent, la vie qui passe, le mouvement.
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Marcelo Morales

Je marchais avec un chagrin intérieur. En file à l'ambassade, en lisant un magazine, j'ai lu qu'en latin kore signifie fille, élève. Un point, une perturbation qui s'amplifie avec l'obscurité. La fille à mes yeux. L'amour dans l'esprit altéré.
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Marcelo Morales

Votre esprit est à l'intérieur du monde, le monde à l'intérieur de votre esprit. Mais aussi à l'extérieur.
Le soleil traverse les rideaux. Feuille d'aluminium. Vous m'affectez comme l'oxygène affecte les crackers laissés à l'écart. Je t'affecte, comme l'oxygène affecte les crackers laissés à l'écart.

Votre esprit est dans le monde, le monde est dans l'esprit. Mais aussi à l'extérieur.
Le soleil perce les rideaux. Le papier d'argent. Tu me fais quel oxygène pour les cookies. Je vous fais, quel oxygène aux cookies.
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Marcelo Morales

La courbe de la promenade sur le volant, ma main sur le volant.
La marque étoilée, l'idée d'un nord.
Le passé fait que le présent résiste à la vérité.
La peur a le pouvoir d'imaginer, la peur manque d'image.
Les politiciens et les magiciens tirent l'un après l'autre des lettres de leurs manches, des
lapins de chapeaux.
Liberté et solitude vont de pair.
La main tue mieux que l'esprit.
La façon dont le pouvoir gère la vérité et gère le mensonge.
La façon dont ils dirigent votre vie.
Du présent, vous choisissez le passé.
Vous acceptez l'arrogance des circonstances.
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Marcelo Morales


belle l'après-midi et le soleil des parkings parmi les drapeaux étoilés.
J'aimais son esprit en guerre et j'aimais son cœur en guerre.
J'ai adoré sa médiocrité.

Belle était l'après-midi, quand parmi les concessionnaires automobiles,
belle l'après-midi et le soleil dans les parkings entre les drapeaux des étoiles.
J'aimais son esprit en guerre et j'aimais son cœur en guerre.
J'ai adoré ta médiocrité.
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