Il est inutile d'insister sur l'extrême importance que présente cette troisième partie. La restitution, dans leur état primitif, des registres remontant au règne de Charles 1er d'Anjou , tels qu'ils existaient à la mort du frère de saint Louis, en 1285, constitue, à vrai dire , la base même de notre travail. C'est elle qui nous a permis de découvrir et d'étudier en détail, comme nous l'avons fait dans notre seconde partie, les règles suivies parla Chancellerie angevine, règles qui resteraient absolument impossibles à dégager si l'on se bornait à examiner individuellement les volumes factices actuels.
Un autre écrivain qui s'est occupé de choses d'art, Jean Pèlerin, dit Le Viateur,
chanoine de Toul, né vers 1445, dans la troisième édition de son traité De artifidali perspeâiva, parue en 1521, cite aussi Foucquet parmi les peintres "décorans France, Almaigne et Italie," nommant avec lui, entre autres maîtres, Poyet, Colin d'Amiens, Mantegna, le Pérugin, Léonard de Vinci, Hugues Van der Goes, Lucas de Leyde, Raphaël et Michel-Ange.
J'ai eu, à plusieurs reprises, l'occasion d'effectuer de longues recherches dans les archives italiennes. Partout, à Milan comme à Naples, à Turin comme à Florence, à Sienne comme au Vatican, partout j'ai relevé des documents attestant le passage de nos vaillants Gascons. Il m'a semblé qu'il pouvait être intéressant de réunir quelques-unes de ces notes, de faire revivre des figures aujourd'hui oubliées, de rappeler des événements dont le renom, parfois, n'a même jamais franchi les Alpes.
Dans l'histoire générale de la pointure, il n'est pas d'époque qui soit plus décisive que celle qui correspond, pour la France, au règne de Charles VI (1380 -1422). C'est pendant cette période qu'est véritablement née la peinture moderne, j'entends que se sont dégagés et définitivement affirmés pour l'avenir certains principes essentiels, qui n'ont plus cessé dès lors d'exercer une vivifiante action et dont relèvent encore les maîtres de nos jours.
Exécuter un fac-similé du manuscrit entier eût été dépasser la mesure, le texte consistant en prières dont la rédaction ne présente rien de remarquable. L’intérêt des Heures de Turin, abstraction faite de leur provenance, réside dans les peintures qui en décorent une partie des feuillets. Il fut donc arrêté de ne comprendre, dans la reproduction, que les pages ornées de peintures, mais en en donnant la série complète.
Il existe plusieurs manuscrits peints par Jacques de Besançon où cette même influence des oeuvres de Foucquet se fait aussi sentir. Tel est le cas pour deux livres d’Heures, dont les illustrations doivent être comptées, à côté de celles de la Cité de Dieu de Charles de Gaucourt, parmi les chefs-d’oeuvre du maître.
Au mois de décembre 1855, raconte lui-même M. le duc d’Aumale, je quittais Twickenham pour aller faire visite à ma mère, alors malade à Nervi, près de Gênes. Panizzi m’avait mis en mesure de voir un manuscrit intéressant qui lui était signalé par un de ses amis de Turin. Et je fis connaissance avec les Heures du duc de Berry} déposées alors dans un pensionnat de jeunes demoiselles, villa Pallavicini, banlieue de Gênes. Une rapide inspection me permit d’apprécier la beauté, le style, l’originalité des miniatures et de toute la décoration. Je reconnus le portrait du prince, ses armes, le donjon de Vincennes, etc. On me dit, suivant l’usage, que les compétiteurs étaient sérieux; je ne répondis rien à cet avertissement, qui me semblait banal et qui était cependant plus fondé que je ne pensais. Mon parti était pris, et je mis l’affaire aux mains de Panizzi. Au bout d’un mois, le « livre d’heures avec miniatures, portant sur la couverture les blasons « Serra et Spinola de Gênes » (ainsi défini dans le reçu), était en ma possession, cédé par le baron Félix de Margherita, de Turin, qui le tenait lui-même par héritage du marquis Jean-Baptiste Serra, pour la somme principale de 18,000 francs.
Ce livre, dit encore M. le duc d’Aumale en parlant des Heures du duc de Berry, tient une grande place dans l’histoire de l’art; j’ose dire qu’il n’a pas de rival.
Parmi les auteurs de l’antiquité dont les œuvres sont restées le plus en vogue au moyen âge, Flavius Joséphe se tient au premier rang. C’est que, né en Judée, il écrivait à une époque encore très voisine de celle où le Christ a vécu; c’est surtout que son livre des Antiquités judaïques n’est guère autre chose que ce que nous appelons l'Histoire sainte, si vénérée dans tout le inonde chrétien.
Notre miniaturiste ne figure dans aucun des dictionnaires et des répertoires consacrés aux artistes. Vous chercheriez également en vain son nom dans tous les livres où il est question des bibliothèques de Paris ou de la librairie parisienne au moyen âge. Vous ne le trouverez pas davantage, fait encore plus caractéristique, malgré la nature spéciale de l’ouvrage et la date toute récente de sa publication, dans le Dictionnaire des miniaturistes de Bradleyh Jamais, non plus, on n’a songé à établir le moindre rapprochement entre les diverses œuvres du maître. Jamais on ne s’est avisé de constater, ne fût-ce que pour deux volumes entre eux, ces identités de style et de facture qui attestent dans l’exécution des miniatures la main d’un
seul et même artiste.
En revanche, les erreurs se sont accumulées, on a voulu faire de notre enlumineur, homme assurément croyant et pieux mais brave bourgeois et laïque s’il en fut jamais, un « pauvre religieux.» On l’a dépouillé aussi, dans le même ordre d’idée, en faveur d’un certain « frère Jean Rigot. »