La connaissance de soi n’est pas un prérequis indispensable au bonheur. Je suis navré de contredire autant de sages en déclarant que je suis heureux alors que j’ignore tout de moi-même.
Quand on a les bons outils, il est très facile de faire le diagnostic du fonctionnement d’une machine. Mais rien n’est plus difficile pour moi que d’évaluer les êtres humains. J’admets ma coupable ignorance en ce qui concerne la nature et le fonctionnement de l’espèce hétéroclite à laquelle j’appartiens. Je suis toujours ébahi que certains, comme Regina, puissent dire « Moi, je connais les gens ». Il ne me semble pas sérieux d’essayer de codifier les êtres humains, de les classer, ni même de chercher une logique dans leurs comportements.
Et plus je tente d’approfondir la connaissance que j’ai de quelqu’un, moins je le comprends.......sans aller si loin, dès que je plonge en moi-même, dans mon passé, dans l’esprit de celui que je fus, dans mes penchants comme dans mes phobies, je me trouve de moins en moins clair, de moins en moins prévisible.
Diva répliqua :
— Comment peux-tu nier que la philosophie est une science ?
Je pris ma respiration et lui répondis :
— Je peux l’expliquer. Une machine, cela relève de la science. Si on la démonte, il n’y a qu’une seule façon de la remonter pour qu’elle fonctionne à nouveau. Ça, c’est de la science. Ça, c’est de la précision, c’est quelque chose que l’on conçoit avec l’esprit et qu’on réalise avec les mains. À l’inverse, comment des explications si diverses, incohérentes, imprécises et contradictoires, toutes invérifiables, et qui plus est, englobent toute la Création, peuvent-elles être scientifiques ? Cela relève du délire, du pur délire, sans aucune intervention manuelle.
Une femme fortunée, avec dix ans de plus que moi – eh oui – mais désirable, comme j’avais pu l’apprécier pendant nos danses et nos échanges de baisers. J’ignorais alors qu’à vingt-quatre ans, un homme désire à peu près n’importe quelle femme.
Les romans sont une thérapie, principalement pour leurs auteurs. L’imagination est une maladie qui se soigne avec l’art, avec la peinture, avec la musique. Lorsqu’un individu a de l’imagination, il tend vers la schizophrénie, si de surcroît il pense les pires choses du genre humain, son art passera par le roman. Je refuse d’être un personnage de roman, je préfère m’en remettre à un Dieu infiniment sage, infiniment raisonnable.
J’ai eu l’intuition – et aujourd’hui, plus qu’une intuition, je pense que c’est une loi physique – qu’il vaut mieux ne pas se retrouver au milieu des relations d’amitié ou de haine qui existent entre deux femmes. C’est un univers inintelligible dans lequel il vaut mieux ne pas mettre son nez, où la logique – ou son substitut – est différente et où l’aversion réciproque est toujours irréductible.
[A propos de la machine qu'il est chargé de monter, en 1964]: En examinant chacun de ses organes, plongé dans les radiographies de son squelette (...), je vécus auprès d'elle et de ses techniciens pendant qu'elle s'activait, qu'elle engloutissait les matières premières et recrachait des produits finis à une vitesse révolutionnaire pour l'époque. J'aime cette image: la société, avide, consommant les déjections de ses machines!
J’ai voulu enquêter sur ce que les hommes avaient réussi à savoir sur la nature du temps et ma conclusion fut décourageante : jamais hommes si doctes ne dirent autant d’âneries sur d’autres sujets que la somme d’âneries que les philosophes ont dites sur le temps. En se jetant dans le vide, ces hommes sensés ont essayé d’expliquer ce qu’est le temps et ils se sont égarés sur des chemins scabreux au bout desquels on peut admirer leur capacité à garder leur cohérence avec leurs autres affirmations, mais qui ne font nullement la lumière sur la question initiale, à savoir comment être sûr qu’une minute est bien équivalente à une autre minute.
Diva Tarcisia a une imposante personnalité et elle est malheureuse. Je suis heureux et je manque de personnalité. Pas besoin d'une imposante personnalité pour être heureux. Plus encore, lorsqu'un individu utilise la force de sa personnalité pour écraser les autres, il est très possible qu'il soit malheureux. Et il le sera irrémédiablement s'il fonde son présent sur la conquête, c'est-à-dire sur le désir. Sur ses désirs sexuels comme le fait Diva Tarcisia, ou sur n'importe quel type de désirs. Le désir engendre l'anxiété.
Un jour j'écrirai un poème
qui n'évoquera ni l'air ni la nuit;
un poème qui omettra le nom des fleurs,
qui n'aura ni jasmin ni magnolia.
Un jour je t'écrirai un poème sans oiseau
ni fontaine, un poème qui éludera la mer
Et qui ne regardera pas les étoiles .
Un jour je t'écrirai un poème qui se contentera de passer
les doigts sur ta peau
Et qui changera en mots ton regard.
Sans comparaison, sans métaphore , un jour j'écrirai
un poème qui aura ton odeur,
un poème avec le rythme de ton coeur,
l'intensité de ton étreinte.
Un jour j'écrirai un poème, la ballade de mon bonheur.