Les Destinées sont des Lignes rares, très rares, qui marquent l’Histoire. Des Vies que je trace sur mesure, au fur et à mesure. Je dessine ces rares Existences, en fonction de divers paramètres, notamment ce qui est et ce qui sera…Pour des milliards de Lignes tracées d’avance, j’en dessine une sur mesure. Ces Lignes sont celles d’humains exceptionnels qui font changer votre monde, vous font rêver, ou espérer. Vous avez besoin de cela. Sans ces repères, l’Histoire de l’humain est plate, et il ne s’invente pas d’avenir. L’Humain a besoin de rêver.
Vous le savez bien, ce n’est pas Sort le grand Designer. C’est Destin. C’est lui qui trace la Ligne sur laquelle chacun de vous chemine. Quoi que décide Sort avec les cartes, il ne fait que respecter la Ligne tracée par Destin…Sort ne crée rien. Il exécute…Moi-même, lorsque je pose une carte, je ne fais qu’exécuter, sans le savoir, ce que Destin a déjà décidé. Pareil pour Blern... Rien n’est inventé. Tout est tracé, écrit, dès le commencement, par Destin. Et ce, jusqu’à la Fin.
Coma irréversible. Les médecins lui avaient annoncé cela, à Jean, un mois plus tard, comme si ces mots se suffisaient à eux-mêmes, si lourds qu’ils ne nécessitaient pas d’explications. Oui, ces mots assassins se suffisaient à eux-mêmes, mais ils étaient si opaques en même temps….Le silence qui les avait suivis lui hurlait, encore aujourd’hui, toute la certitude d’une douleur qui ne lui épargnerait rien, qui remplirait soigneusement chacune des secondes où il espèrerait ne plus avoir mal la seconde d’après. Une douleur qui était entrée en lui comme du fil de fer barbelé dans ses veines, le déchirant brutalement à l’intérieur, lui crevant les yeux, enserrant sa poitrine à chaque tentative d’inspiration de cet air vital dont il ne voulait plus. Mais le destin, cruel, sait ne pas tuer. Il l’avait saisit à la gorge, serré, serré lentement, mais pas trop, le tenant à bout de bras, sans lui offrir une agonie à l’issue au moins fatale, le gardant pendu, suspendu entre ici et l’autre monde, entre l’espoir et la peur, dans l’attente du réveil de Linda.
Les humains, sont-ils heureux ? Les étincelles d’instants qu’ils croient tenir entre leurs mains, alors que chaque seconde se brise déjà sur le mur sans fin du passé, bâti de souvenirs empilés, et de chaque moment de vos existences, les rendent-elles heureux ? Tout s’efface instantanément ; chaque baiser sur des lèvres qu’ils chérissent – comme ils disent – est aussitôt rangé sur les étagères du passé. Durant toute votre vie, qu’attendez-vous ? Qu’espérez-vous ? L’amour ; cette chose que je ne connais pas mais avec laquelle je dois sans cesse composer. Et cela m’intriguait, comme je vous l’ai dit. Sans amour, les humains ne sont rien. Je les vois, cherchant à figer le bonheur sur du papier photo, ou sur des Cd-rom ; est-ce là le seul moyen de le retenir ?
Dans le noir, les larmes ne noient pas plus le chagrin qu’en pleine lumière mais elles restent une confidence, un chuchotement entre soi et soi. Ces fins filets de sentiments salés transportent la tristesse plus silencieusement, peut-être, mais ils brûlent autant les yeux.
Vous êtes plus de sept milliards d’humains à vivre comme des…humains. Alors, si vous y parvenez, c’est que c’est possible. Et, puisque vous dites que la plus belle chance, parfois, c’est simplement une rencontre, alors…
Destin resta silencieux un instant, semblant réfléchir. Puis il reprit : « Les Lignes…Vos vies. Oui, je les écris d’avance ».
Jean, tremblait, attendant la suite dont dépendait la vie de son aimée.
Destin continua : « Les Lignes ordinaires sont tracées d’avance, et ce, du Commencement jusqu’à la Fin… ».
Ces mots furent un coup de poignard dans le cœur de Jean.
Destin ajouta, imperturbable : « Nul ne peut changer ce que j’ai écrit. Même Moi».
Le dernier espoir, la dernière possibilité, la dernière chance venait de s’écraser sur les mots durs de Destin.
Les amis les plus chers, la famille la plus aimante au monde, malgré leur présence et tout leur amour, ne peuvent soulager certains chagrins. Leurs mots de réconfort, vous ne les entendez plus, du moins, ils ne parviennent pas jusqu’à votre raison, ils glissent sur vous, ils deviennent un langage inconnu, incompréhensible. Vous croyez leur faire un timide sourire pour les rassurer, leur dire que ça va aller ; mais non, votre visage reste figé, vous ne savez plus sourire.
.Il est vrai que l’on court tous après...après quelque chose que l’on réinvente sans cesse pour se donner une raison de courir. Alors, on peut avoir l’impression que rien ne va comme on le voudrait. Mais, vous savez, ce qui m’est arrivé de plus beau, c’est d’avoir croisé le chemin de Linda...Puis notre vie, notre enfant…Pour moi, le bonheur était parfait, je n’avais besoin de rien d’autre, je n’avais aucune raison de courir.
Elle avait aimé l’idée d’une histoire ; presque pour faire comme tout le monde, avoir l’air heureuse. Mais, en fait, elle avait opté pour une histoire d’amour « par défaut » ; la vérité était toute simple et elle s’en voulait. Elle aimait beaucoup Pierre. « Beaucoup ». Ce mot résonna en elle, tel un écho révélateur, une bombe libératrice. Un mot de trop.