Depuis le temps, il n'y prenait plus garde. Il avait son jardin secret à lui, le Gaston Piéjut, où ne l'atteignaient plus les sarcasmes de ses amis et les imprécations de sa femme. La fourche à la main, le dos rompu du travail de toute une journée, il était capable de s'immobiliser, de rester figé dix bonnes minutes à se délecter simplement de l'émotion que faisait monter en lui l'embrasement d'un coucher de soleil ou l'élégance nonchalante du vol plané de la buse... L'instant d'après, il reprenait son labeur comme si de rien n'était et ne s'expliquait toujours pas comment ces brefs moments de rêverie lui redonnaient une ardeur nouvelle au travail.