J’adore le langage SMS ; il m’amuse, me fascine. Il est incomparable. C’est un mélange de caractères et de pictogrammes, tels que les émojis, d’origine japonaise, ou les émoticônes, comme les smileys. Ces pictogrammes sont des signes de ponctuation modernes, ils accentuent certains mots (« je t’aime »), ils embellissent le message, le rendent plus attractif et se substituent parfois au texte. Je m’exclame devant une suite d’émojis bien choisis, je souris face à certaines combinaisons de pictogrammes.
Avec l’abandon de l’écriture cursive au profit du clavier, je crois qu’il sera de plus en plus difficile d’écrire des lettres à la main. Cela demandera de plus en plus d’efforts, la lettre manuscrite se fera donc de plus en plus rare et par conséquent d’autant plus précieuse… et percutante ! Cependant, si cela est trop difficile d’écrire, le numérique peut apporter une aide à la rédaction d’une lettre d’amour : il existe sur Internet des tutoriels ainsi que des exemples de lettres inspirantes. Utiliser Internet pour écrire une jolie lettre n’enlève en rien à l’effort de l’écriture ; j’adore cette alchimie avec le digital en faveur de l’amour !
Imaginez ! Imaginez le long voyage que peut faire une carte postale ! Elle peut traverser plusieurs fuseaux horaires, parfois des mers, des océans, voire plusieurs continents ! Elle arrive un peu froissée, le timbre est un peu corné, l’encre a un peu bavé. Elle porte les stigmates de son long voyage. La carte, c’est à la fois du rêve et de la réalité ! C’est peut-être ça, la poésie. Je ne suis pas sûr qu’il y ait la même poésie dans une publication sur Facebook ou Instagram. En revanche, la publication publique sur les réseaux sociaux profite à un plus grand nombre…
Le livre traditionnel, en papier, est un bel objet, presque sensuel. Sa couverture a la douceur de la peau, la tranche de ses pages est coupante comme une lame. Son papier vélin est soyeux comme les cheveux d’un enfant, alors que le papier vergé est plus marqué, comme la peau d’un vieillard. Lorsque l’ouvrage est feuilleté rapidement, il crépite tel le feu tout en soufflant une brise de mer. Son parfum est duveteux comme l’alpaga ou âcre comme la crème « smetana ». Le livre papier, ne serait-ce que par sa forme, sa matière, possède la dualité du vivant.
Cela fait plaisir de recevoir par courrier quelque chose qui a coûté un peu d’effort, comme une déclaration d’amour. Elle a de la valeur, elle est précieuse… le papier est choisi avec soin, un peu épais, parfois même parfumé. L’enveloppe est assortie. Le timbre est sélectionné pour résonner avec le contenu de l’enveloppe. Obtenir l’adresse postale est parfois compliqué. Le stylo, qui sert à écrire ces mots d’amour, a souvent été le témoin d’autres événements extraordinaires : la signature d’un contrat, d’un acte de vente… c’est le stylo porte-bonheur.
Quand je suis dans une bibliothèque, je sens une stimulation, une force, une envie d’efficacité. Je travaille par mimétisme. Dans les bibliothèques anciennes, je ressens une charge historique, un respect studieux, une envie de faire honneur au lieu. Dans les bibliothèques modernes, je perçois un encouragement à la concentration. Elles ont été dessinées pour cela. Par exemple, les salles de lecture du site François Mitterrand de la BnF se déploient autour d’un grand jardin clos, comme un cloître, ce qui pousse à la réflexion, voire à la méditation.
Les bibliothèques font un grand écart curieux : elles archivent le passé en se tournant vers le futur. Le livre, par construction, c’est du passé. En effet, il s’écoule des mois entre la fin de l’écriture d’un ouvrage et le moment où il prend place sur une étagère. Ces mois peuvent rendre caduque toute contemporanéité. Seule l’écriture digitale peut être publiée dans l’instant. Mais cette écriture sans recul, sans longue réflexion, n’est pas toujours sans risque : l’écriture digitale peut être approximative, grossière ou emportée.
Quand je suis dans une librairie, j’aime me heurter à des ouvrages auxquels je n’aurais a priori jamais pensé mais que ma venue dans ce lieu m’a permis d’apprivoiser et finalement d’apprécier. Je suis persuadé que certains de mes ouvrages préférés ne m’auraient jamais été proposés par les algorithmes des GAFAM. Ces algorithmes m’auraient laissé dans mon microcosme confortable, ne m’auraient pas provoqué, n’auraient pas tenté d’élargir mes frontières, ne m’auraient pas poussé avec force vers l’inconnu.
Aujourd’hui, il est très facile de communiquer d’un bout à l’autre de la planète, grâce, par exemple, aux jeux en ligne, aux forums de discussion… c’est une autre forme de correspondance, plus spontanée, rapide, agile, infinie. Elle a l’avantage de la grande échelle. Mais le correspondant « classique », le confident sans visage, le conseiller à distance, l’ami invisible irremplaçable a pratiquement disparu. Et cela est regrettable.
Mais ces technologies impliquent aussi « informations non désirées, appels intempestifs, surcharge de travail, confusion entre urgence et importance, contrôles et surveillances non autorisés, nouvelles addictions » ; c’est là que le bât blesse…
Surcharge, confusion, contrôles, surveillances, addictions… il s’agit des « effets non désirés » de ces technologies, comme les effets secondaires d’un médicament dangereux.