Elle dut attendre plusieurs heures pour avoir un moment en tête-à-tête avec Rule. Au bout d'un certain temps, la sentant étouffer sous toute l'attention, et franchement désireux de l'avoir à lui seul, il avait prétexté de leurs blessures pour s'éclipser dans la maison du Rho.-
- Enfin, soupira Lily en se laissant tomber sur le canapé du petit salon. Tout le monde est adorable, mais à la longue ça devient un peu....
- Étouffant? suggéra Rule en venant s’asseoir près d'elle. Maintenant qu'ils étaient seuls, il ne savait pas comment aborder la question qui lui avait brûler les lèvres toute l'après-midi.
Elle hocha la tête.
- J'ai l'impression d'être moi-même un talisman.(Ses doigts effleurèrent le petit symbole doré qui pendait autour de son cou). Tout le monde voulait me toucher.
- Nous autres lupins sommes très tactiles.
-Mais ce n'est pas seulement ça. C'est aussi ce rapport que vos croyances entretiennent avec les Elues. C'est dur à appréhender.-
- Là où tu vois des croyances, nous voyons des faits. Peut être un peu altérés, admit-il. Nous disposons d'une longue histoire orale, mais des morceaux de nos récits se sont sans doute perdus au cours des siècles tandis que d'autres légendes s'y greffaient. (Il lui prit la main.) Lily.....
Elle s'enfonça dans le canapé moelleux et posa la tête en arrière. Elle lui sourit.
- Oui?- Tu as rajouté quelque chose à ce rituel. Une formule personnelle. A mon sujet.
- Il m'a semblé que je devais le faire.Il déglutit.
- Il n'y a pas si longtemps, tu n'aimais pas l'idée de ce lien, et tu n’étais pas vraiment sûre de tes sentiments pour moi. Qu'est-ce qui a changé?
- Comme Cullen me l'a rapporté, ton père dit que je peux être têtue parfois. Et je suis peut-être lente quelquefois. Mais je ne suis pas stupide. (Elle se pencha et lui posa une baiser sur les lèvres, doux mais intense.) Il m'a fallu un certain temps, mais j'ai finalement compris que le lien d'âme soeur ne m'avait pas été imposé de l'extérieur. Ce serait impossible, pas vrai? Je suis immunisée à la magie. Il devait venir de l'intérieur. Si je le refusais, je rejetais en même temps une partie de moi-même.
Rule sentit un lent et profond soulagement lui détendre les muscles. Il se laissa à son tour aller dans le canapé en posant sa tête sur le dossier. Il souriait.
- Rends-toi compte, dit-elle tout à coup. Dans quelques jours, nous nous rendrons ensemble à une autre cérémonie, en quelque sorte.
- Humm?
- Le dîner de répétition, tu as oublié? Tu vas rencontrer le reste de ma famille. Ils ne seront pas forcément aussi accueillants que la tienne l'a été.
Il y penserait le moment venu. Pour l'heure, le simple fait d'être ici avec elle comblait ses attentes - les surpassait,mêmes.Accepté.Choisi....par la Déesse et par Lily.
Après un moment, elle posa sa main sur sa cuisse.
- Fatigué?
- Épuisé, admit-il.Il ressentait également des douleurs dans certains endroits qui n'avaient pas fini de guerir. Et commençait à ressentir autre chose dans une partie qui n'avait pas subi de dommages, tandis qu'elle remontait sa main le long de sa cuisse. Il tourna la tête.
- Mais pas trop fatigué pour ça, lui dit-il.
Et une seconde plus tard, il lui vola son rire d'un fougueux baiser.
-Vous préfériez que nos rapports restent professionnels. C’est parfaitement compréhensible, vu votre position. Mais je dois vous dire que j’ai du mal à garder mes distances avec une femme qui m’attire.
-Encore une qualité qui vous fait défaut, je suppose. Ne désespérez pas : il n’est jamais trop tard pour s’améliorer. Commencez donc à vous entraîner.
Deux personnes qui se rencontraient pouvaient faire l'amour, se battre, ou jouer aux cartes; mais sitôt qu'une troisième personne arrivait, l'une d'elle commençait infailliblement à manigancer.
- Excuse-moi, dit-elle en soupirant pour évacuer sa tension. Oui, Phillips voyait juste. La victime est un humain, mais le tueur est un loup-garou.
- Tu veux dire un « lupin », ironisa-t-il en battant des cils. On a eu une note là-dessus, le terme officiel, c'est « lupin ».
- Peu importe le nom qu'on lui donne, ça reste un tueur, dit-elle en haussant les épaules, agacée par ces appellations politiquement correctes.
Elle lança alors un regard en direction des curieux derrière la barrière :
- Je crois bien que je vais aller faire un tour au Club Inferno ce soir.
- Je n'en étais pas sur jusqu'à maintenant mais... Il semblerait que la Déesse m'ait choisi une Elue.
- De qui s'agit-il?
- De l'inspectrice de police chargée d'enquêter sur le meurtre dont on me suspecte.
- Putain de merde * ! s'exclama l'homme qui ne jurait jamais.
* précision : le "putain de merde" est en français dans le texte.
Il ne la considérait pas comme une distraction. Il n’avait pas besoin qu’elle le fasse rire ou flatte son ego, ou qu’elle devine ses pensées sans qu’il ait besoin de parler. Beaucoup d’hommes qui disaient rechercher une relation sérieuse voulaient en réalité une femme qui soit à la fois une partenaire sexuelle, une psy et un miroir.
Lily s'arrêta devant lui. Il lui toucha les cheveux. Ses yeux sombres brûlaient de désir.
— Nadia. Je ne peux plus attendre.
Elle répondit, la gorge nouée:
— Je vais le faire, n'est-ce pas ?
— Nous, corrigea-t-il avant de plonger sa main dans la chevelure de Lily. Nous allons le faire, oui.
— Alors vas-y, dit-elle avec une férocité soudaine. Arrête de parler et vas-y, prends-moi.
C'était comme si elle l'avait frappé, Rule perdit le souffle une seconde. Puis sa bouche descendit sur la sienne, avec fougue.
Elle l'attrapa à deux mains, plantant les doigts dans sa chair sous le tee-shirt encore humide, et l'agrippa. Il laissa ses mains courir le long de son dos, puis les redescendit pour lui saisir les fesses et la serrer tout contre lui. Elle gémit.
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Jusque-là, Lily Yu avait passé une soirée agréable. Elle ne s’y attendait pas, pas après les infos qu’elle avait reçues sur l’enquête. Et avant cela, il y avait eu le problème des fringues. Lily adorait les fringues. Elle en avait pris énormément – pour la plupart, des vestes qu’elle portait pour le travail et d’autres vêtements du même genre, mais elle avait aussi apporté ses quelques tenues élégantes à Washington D.C. Sa mission exigeait qu’elle soit bien habillée. Elle avait donc emporté sa robe en soie noire préférée. D’accord, elle l’avait déjà portée quatre fois, et alors ? Avec le noir, on ne pouvait pas se planter, surtout une robe qui tombait pile poil comme si elle avait été faite pour elle.
— Non. (Il fit demi-tour vers l’appartement de Lily.) Les chiens, je comprends. Ils ont le sens de la hiérarchie et de la coopération. Ils viennent quand on les appelle. Mais un chat… un chat prendra ton numéro et verra s’il a le temps plus tard. Et encore. S’il est de bonne humeur. (Non pas qu’il ait déjà vu Harry de bonne humeur.) Tu ne pouvais pas prendre un chien ?
— Parce que tu crois que j’avais le choix ? Maintenant que j’y pense, être réclamé par un chat, ce n’est pas très différent d’un lien d’âme sœur.
Elle cligna des yeux.
L’allégresse, le chagrin, la pointe d’envie… Tous mêlés en elle tandis que la volute du souvenir s’estompait. Elle ne pourrait jamais s’accrocher à eux, à ces murmures de son autre elle. Comme les aigrettes d’un pissenlit, ils dérivaient par moments dans son esprit, et lui rappelaient douloureusement
celle qui n’était pas tout à fait morte.