Camp Bastion est aussi étendu que la ville de Bordeaux. C'est le centre des opérations militaires britanniques et américaines en Afghanistan. Une véritable forteresse du désert, impénétrable, entourée par trente kilomètre de grillage et trente-six tours de guet, dans chacune desquelles cinq hommes qui surveillent en permanence les mouvements des insurgés avec une centaine de caméras de surveillance.
Il est couvert de sang. Sa jambe droite est déchiquetée par la mine jusque sous le genou. Sa main droite est aussi atteinte. Il est inconscient, intubé, ventilé et transfusé. Je perçois tout d'un coup cette odeur de viande humaine altérée par la chaleur du climat. J'ai du mal à m'y habituer et j'avoue que je la sens encore aujourd'hui au moment où j'écris ces lignes.
Quelle est la part du libre arbitre et celle de la destinée dans cette histoire ? Certaines circonstances sont en apparence incontournables. Choisit-on vraiment la naissance dans une famille, la mort inéluctable, certaines rencontres, les accidents, des événements mondiaux comme les guerres ou les catastrophes naturelles ? Ce qu’on appelle le libre arbitre n’est peut-être que la manière dont on va affronter ou négocier ce parcours imposé. L’aura de mon grand-père paternel plane à nouveau sur moi. Ce lien irrationnel donne à ma mission une tonalité très spéciale.
Ici-bas, rien n`est tou a fait blanc, ni tout a fait noir, le monde est plutot gris. Tout cela me rappelle l`histoire de la tour de Babel, l`ego des hommes voulant toucher le ciel...
Étrangeté du monde moderne et de ses réseaux de communication quasiment instantanés. L’information circule très vite. Le temps et la distance sont abolis. J’apprends aujourd’hui par BBC World News émettant de Londres, à six mille kilomètres d’ici, qui était ce jeune combattant et à quoi il ressemblait, alors qu’il est mort devant moi hier à Camp Bastion !
Le problème est le même avec la cocaïne en Amérique du Sud. C’est le serpent qui se mord la queue. Que se passerait-il si l’économie mondiale était amputée des réseaux de la drogue, de la prostitution et du trafic d’armes ? Les banques ont-elles envie de se passer de cet argent qui a infiltré leur système et les offshores ?
C’est aussi la guerre que j’ai menée contre mon meilleur ennemi, moi-même, pour continuer à vivre, ou quelquefois à survivre. Étrange combat, sans réponse et sans fin, pour l’éternel retour de la vie, de l’amour et de la mort. Destin, coïncidence, hasard. Qui sait ? Tout cela n’a plus vraiment d’importance. »
Ce complexe industriel appartient à KBR, une filiale d’Halliburton, société américaine basée à Houston qui aurait eu des liens étroits avec Dick Cheney, devenu plus tard vice-président des États-Unis. On n’arrête pas le business.