(excipit) Enfin, après l’ébranlement de 1914, la résolution qu'aura nouée le soldat blessé avec son émotion est moins un pacte freudien qu’un pacte faustien, plus apte sans doute pour lui à "connaître tout ce que le monde cache en lui-même" (J.-W. Goethe). Au prix du choc premier, de ses rémanences, de ses embardées, c’est un contrat avec le sang neuf du mal. Il en passe, au lecteur, un climat de dérèglement, propice aux épiphanies et aux horreurs.
Ainsi Céline impose à celui-ci d’éprouver le propre pacte qu’il peut établir avec l’écrivain. Et sur le fil de tant d'ambiguïtés et de provocations, n’es-ce pas en définitive lui, ce lecteur, qui se trouve élargi à penser et à repenser son histoire et, surtout, reste stimulé pour avoir son mot à dire ?
Si le corps et l’esprit se vivent mortifiés, depuis la blessure de 1914, le sexe peut l’être également, exposant à un ressenti par trop cru, par trop vif, la rencontre à sa chair de la chair du partenaire. Une sexualité de “voyeur”, comme Céline évoquait la sienne, permettrait alors de mieux conserver son affection pour l’autre, son idéalisation même. De plus, puisque le traumatisme dépose une volonté puissante de se préserver autant que de préserver l’excitation sous peine de basculer, encore, dans la perception d’un terrible néant, les moyens de se situer suffisamment à la limite ressortent d’une très salutaire construction. Ce que découvrirait Louis Destouches, passés certainement quelques excès à Londres dont il fallait s’arracher, c’est qu’il existe des moyens de se tenir au bord de l’excitation et de la caresser, sans réactiver absolument la défaillance d'auto-contrôle. Après certains surinvestissements intellectuels, l’écriture qui l’occupe la nuit en est un qui a l’avantage de le protéger de trop perdre, de lui et de l’autre, dans une sexualité domestique.