AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

5/5 (sur 1 notes)

Nationalité : Roumanie
Né(e) à : Adjud-Putna (Roumanie) , le 15/09/1911
Mort(e) à : Bucarest , le 24/07/1977
Biographie :

Emil Botta est un acteur roumain, connu avant tout pour ses interprétations à la scène et à l'écran, en particulier de Shakespeare, mais aussi de Claudel, Pirandello, Ibsen ou Tchékhov ou sous la direction d'un Lucian Pintilie.
Son activité poétique s'est trouvée rejetée à l'arrière-plan, et même ravalée par la critique au rang de «poésie d'acteur». En fait, son oeuvre poétique devance son passage au conservatoire et s'étend de 1929, premières publications, à sa mort.
"Trîntorul" (Le Paresseux ou le bourdon), paru en 1938 est son seul volume de prose.

Ajouter des informations
Bibliographie de Emil Botta   (1)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Emil Botta
Cervantes

Prenez bien garde
à ce manuscrit.
Prenez garde à la lettre T
à son sens profond
à sa structure fragile.
J'évoque le siècle d'or,
un instrument de torture :
entre erreur et terreur
il y a la subtile, la suave T.
Sur une croix en forme de T,
on a crucifié la chimère :
NUESTRO SEÑOR
DON QUIJOTE
EL CRISTO ESPAÑOL.

(traduit du roumain par Ion Pop et Serge Fauchereau)
Commenter  J’apprécie          770
Emil Botta
Remember

Ô comme tu es loin, ma ténébreuse aimée,
je te vois par les murs comme à travers fumée
comme d’une autre planète je t'entends sans arrêt
et tu m'écris des vers sur ma face de craie.

Est-il possible, est-il possible que je ne puisse mourir,
que j’entende ta voix monter dans la nuit et le jour revenir,
que je me lève tel un fantôme, tel le marin qui veille
et que je t'aperçoive à mille lieues en mon sommeil ?

Mais oui, c'est possible, mon ténébreux aimé,
que m'entendes chanter quand j'aurai trépassé,
et me voies toute claire en le miroir des cieux,
et qu’étoiles s'éteignent et s'allument en mes cheveux.

Mais ne m’en veuille pas si froid est mon baiser,
si mon amour t’assèche comme un vent glacé,
si mon étreinte te déchire à chaque fois,
te faisant souvenir, non, ne m'en veuille pas.

(traduction en français par Aurel George Boeșteanu)
Commenter  J’apprécie          624
Emil Botta
Les actrices

Voici maintenant, finalement,
le Prologue venu,
l’œil grondeur.
L’œil dilaté par l’angoisse,
l’œil, m’a cloué sur place.
Et les actrices,
ces délicates nuances de fresque,
se sont perdues dans l’immense cercle
de l’œil,
dans son globe sans fin.
Et elles ont fané,
ces délicates nuances de fresque,
il a neigé
sur le noir ondoyant des chevelures.
Ce que maintenant, finalement,
dira le Prologue,
elles, dans cette angoisse,
elles l’ont lu, et lu encore,
dans le somptueux couchant de l’œil,
dans le cercle de l’œil
où domine le noir.


(traduit du roumain par Nicolas Cavaillès)
Commenter  J’apprécie          490
Emil Botta
Lisez !

« Je réponds au nom de Coucou,
suis un subalterne ;
je n'ai par le monde
d'autre mission
que de vous instruire en vous stupéfiant
que de faire connaître
la consigne :
NE PIÉTINEZ PAS LES FLEURS ! »
Le tout gravé avec minutie,
en lettres mortes, d'une rare finesse,
d'argent et d'os.
Comme un talisman
sur la poitrine du corbeau,
Ô corbeau chauve, subalterne !
La lumière t'a acquitté
tu es aveugle, aveugle.
Mais tu n'as pas un subalterne,
tu n'es pas un coucou
tu es un ŒDIPE des oiseaux,
ô corbeau chauve !

(traduit du roumain par Pierre Drogi)
Commenter  J’apprécie          490
Emil Botta
En regardant le tableau de Delacroix :
la lutte de Jacob avec l'ange

L'étoile allait sur sa fin,
le couvre-feu aussi avait sonné
les cieux ouverts chantaient.
Que savaient de destruction
les cieux ?
Que savaient-ils
des larmes amères ?
Que sait le Printemps
du muguet en pleurs ?
Et assigné à résidence
dans la caverne des vallées
j'ai proféré des mots,
j'ai dit des injures,
j'ai prononcé des discours
sur la désolation,
des blasphèmes, des blasphèmes
qui parlaient de la Mort femelle.
Et les cieux grands ouverts chantaient :
regarde-le, il est tout efféminé,
il crie ses amours
et quels bruyants
amours !
Oh, amours,
pauvres amours,
dans cette vallée de larmes,
dans la grotte
trop pleine de pleurs !
… Vient ensuite un temps cruel
qui punit la douceur.
Survient un visage sans visage,
survient une voix sans voix,
un timbre sas timbre,
une face sans face
survient la crapule lumineuse
pourvue d'un millier d'ailes.
Et quelle texture
quelle écriture cunéiforme
– mystérieuse, mystérieuse ! –
quels piquants de hérisson
dans un affreux battement d'ailes.
Pouce, je ne lutte pas avec toi
comme Jacob avec l'ange,
ne me fauche pas, ne me moissonne pas
ne m'appelle pas Jacob
je suis un autre.
Les créatures de mon rêve
sont immaculées
mes mains sont lasses
croisées sur ma poitrine.
Le couvre-feu a sonné
et se fait silence silence.
Et puis plus rien que des cristaux
plus rien que du minéral
dans la grotte de la vallée.

(traduit du roumain par Pierre Drogi)
Commenter  J’apprécie          423
Emil Botta
Soliloque

L'amour au ciel avec la lune disputait,
rien, disait-il, ne le surpassant en beauté.
Et leurs mots frémissaient. L'étoile des fourvoyés
au-delà, au-delà tentait de me conduire.

Ne sachant vivre, j'écoutais
novembre parcourir les forêts mortes.
Sombre et ne sachant vivre,
de mort mon âme était ivre.

L'amour au ciel avec la lune disputait,
Oh, son masque affreux, de Gorgone,
et sa chevelure dorée qui descendait,
flamme, fumée, d'une lunaire zone.

(traduit du roumain par C. Borănescu-Lahovary)
Commenter  J’apprécie          340
Emil Botta
À la mort de Zed

Ça a été un chien
et il est mort comme un chien.
De cérémonie funèbre
il n'y en a pas eu.
Ni de sanctification, ni de piété
ni de pope, ni de litanies,
seulement une tempête de neige terrible
et les branches étaient seules à se lamenter
à la mort de Zed,
du fidèle, du pauvre chien.
Et juste un pain
que j'ai posé sur sa poitrine
à l'affamé éternel,
entre ses grosses paluches
et lourdes comme deux rames
lourdes du sommeil de la terre.
… Et comme il n'y avait tout autour pas d'orateur
c'est moi qui lui ai souhaité, en toute solitude,
le jetant dans le de la rivière :
… « Bonne nuit, chien ! »
On dit que le Danois en deuil
a souhaité la même chose à Horatio
quand il mourait
Bonne nuit à toi, Horatio, chien !
C'est un ne pas croire
mais on le dit.

(traduit du roumain par Pierre Drogi)
Commenter  J’apprécie          321
Emil Botta
Blason

D'une nuit blanche
dans une nuit bleue
franchis le seuil
franchis-le en paix
n'aie pas peur
de l'aile de la mort.
Et tu verras, tu verras
des lumières célestes jamais vues
– les lumières des yeux des anges.
Ombres,
mes pauvres yeux
lourds de calamité
sont tombés à terre.
Or des escargots couvraient ce lieu
des escargots sur toute la face de la terre,
mes yeux l'ont vu !
Et d'escargots qu'ils étaient
les voilà devenus géants.
Et sortant sans honte
d'énormes cornes, comme des bœufs,
dans cette buée de lumière.
Avec quel tour d'adresse,
avec quel coup de maître,
comment me protéger
des cornes de comptine
et de leurs pointes ?
Non, ne te défends pas.
Du mal, oui,
mais des cornes géantes,
de leurs cornes de bœufs,
ne te défends pas, mon petit.
S'ils t'ont choisi
pour leur Seigneur bien-aimé,
si dans le couchant
ils t'ont nommé ainsi,
laisse-toi vaincre,
laisse-toi mettre en pièces :
tu mourras heureux.

(traduit du roumain par Pierre Drogi)
Commenter  J’apprécie          110
Emil Botta
Les moralités

D'effroyables charrues
semblent labourer le sol !
Les comédiens sur une estrade
bouillonnant, écumant.
À force de réciter « La Fiancée du forgeron »,
ils ont oublié le nom de la fiancée du forgeron.
C'était un lapsus,
une regrettable erreur,
avec la fiancée du forgeron pleurant
à chaudes larmes.
Et c'est ainsi qu'elle est passée
de l'existence à la non-existence,
du conscient au non-conscient,
du créé à l'incrée.
D'effroyables charrues
semblent labourer le sol !

(traduit du roumain par Ion Pop et Serge Fauchereau)
Commenter  J’apprécie          90
Emil Botta
Post ludum

Rends-toi, poésie, aux chênes de garde, au plus haut point
et transmets-leur le salut d’un ami qui n’est plus rien.
Prie les oiseaux de se taire, ils m’ont rendu fou,
je fus de leur pépiement plus que soûl.

Passe cette nuit, poésie, voir mes proches dans leur sommeil,
embrasse-les sur le front, chuchotez un peu ensemble.
Dis-leur que j’ai fermé la dernière page du cahier
et gagné la compassion des pierres et des rochers.

À ma mère, poésie, dis de me pardonner,
je suis une mauvaise graine, de celles qu’il faut vomir ;
de toutes leurs larmes j’ai essoré ses yeux,
et cousu ses lèvres d’un fil de soupirs.

À mon frère, poésie, dis que je n’ai pas été l’ange qu’il a pu croire,
que mon cœur est châtiment, blâme et coups de fouet.
Les pensées cruelles et sauvages dont je fus le jouet
me valent un long sommeil crématoire.

À mes amoureuses, dis que je ne les ai pas aimées,
que je n’ai eu de goût que pour les échappées.
La vie fut pour moi comme un chapeau, comme un verre
où mélanger les dés du sort.

Au chat blond, s’il y peut comprendre goutte,
dis que sa paresse à la mienne ressemble toute.
Lumière dorée qui flânait au jardin, rare et nonchalant,
qu’il me pardonne, à moi qui ne fus qu’un ciel décadent.

Après quoi,
poésie,
ne reviens plus jamais ici,
ce couple que nous faisons n’est pas noble ;
notre alliance est rompue,
disparais, poésie, à jamais de ma vue.

*

Post ludum

Poezie, sa te duci la stejarii de straja in cel mai inaintat post
si spune-le dragi salutari de la unul care a fost.
Roaga paserile sa taca, m-au innebunit,
am ametit de atata ciripit.

poezie, sa treci noaptea prin somnul celor ai mei,
saruta-i pe frunte, discuta in soapta cu ei,
spune-le ca am incheiat din caiet ultima fila
si ca imi plang si pietrele de mila.

poezie, spune mamei sa ma ierte, sunt o poama rea,
pe care o arunca cine musca din ea;
lacrimi din ochi ca dintr-um burete i-am stors,
firul oftarii pe buze s-a tors.

poezie, spune fratelui meu ca n-am fost inger, cum poate credea,
ca mi-e inima pedeapsa, mustrare, nuia.
si de gandurile crude care m-au batut foarte salbatec
mi-e un somn de jaratec.

spune iubitelor mele: el nu v-a iubit,
el, zapacindu-va, s-a zapacit.
viata i-a fost ca un pahar
in care amesteci al intamplarii zar.

apoi,
sa nu te mai intorci, poezie!
nu facem o nobila pereche noi doi;
alianta noastra e sfarmata
si as vrea, poezie, sa nu te mai vad niciodata!

***
Întunecatul April (Avril sombre) (1937) – L’aurore me trouvera les bras croisés (Hochroth, Paris, 2013) – Traduit du roumain par Nicolas Cavaillès.
Commenter  J’apprécie          60

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Emil Botta (1)Voir plus

¤¤

{* *}