Les simples d’esprit
On vous répète : la vérité est inaccessible ; il faut néanmoins la chercher, y tendre, s’y évertuer. — Voilà une restriction qui ne vous sépare guère de ceux qui affirment l’avoir trouvée : l’important est de croire qu’elle est possible : la posséder ou y aspirer sont deux actes qui procèdent d’une même attitude. D’un mot comme d’un autre on fait une exception : terrible usurpation du langage ! J’appelle simple d’esprit tout homme qui parle de la Vérité avec conviction : c’est qu’il a des majuscules en réserve et s’en sert naïvement, sans fraude ni mépris. — Pour ce qui est du philosophe, sa moindre complaisance à cette idolâtrie le démasque : le citoyen a triomphé en lui du solitaire. L’espoir émergeant d’une pensée, cela attriste ou fait sourire… Il y a une indécence à mettre trop d’âme dans les grands mots : l’enfantillage de tout enthousiasme pour la connaissance. Et il est temps que la philosophie, jetant un discrédit sur la Vérité, s’affranchisse de toutes les majuscules.
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