Vieillir à domicile avec de l’aide, avant d’être affaire de professionnelles, est affaire de famille. Les conjoints seront les premiers sollicités, puis les descendants, les filles d’abord, les fils ensuite. S’y adjoindront quelques alliés, principalement les belles-filles. Quand le handicap s’installe, quand la mémoire s’enfuit, le corps et ses failles réclament l’aide nécessaire à la survie.
Dans la division du travail à l’hôpital, les aides-soignantes occupent la position hiérarchique la plus basse. Cette disqualification s’aggrave lorsqu’elles travaillent en gériatrie, spécialité peu valorisée. Le personnel soignant est confronté là, bien plus qu’ailleurs, aux matières sales et rebutantes et au dégoût qu’elles peuvent inspirer. Toutes les confrontations potentielles avec ces matières sont encadrées par l’organisation du service. Elles sont « instituées » : l’institution, par cet encadrement, impose sa rationalité et renforce ce faisant les diverses hiérarchies qui la mettent en œuvre. Il se produit à cet égard une intériorisation des normes chez les divers agents, du haut jusqu’en bas.
Cette gestion normative des dégoûts, qui vise essentiellement à les camoufler, contribue à occulter les personnes qui sont vouées à cette administration et à cette dissimulation : elle les rend proprement invisibles, une invisibilité déjà bien mise en lumière par Anne-Marie Arborio.