Les seigneurs disposent également d’autres droits, dits seigneuriaux : ils découlent de l’exercice de la puissance publique et de pouvoirs, partiellement usurpés au pouvoir royal, à la fin du ixe siècle.
Rendre la justice constitue le droit le plus significatif, cité en premier dans les aveux car source de prestige et de pouvoir. Ce droit connaît de fortes variations d’une province à l’autre, entre deux extrêmes : celui de régions où les seigneurs justiciers sont très peu nombreux et où la justice royale est largement installée et celui de régions telles la Bretagne, où « fief et justice sont un » ce qui donne une à deux justices seigneuriales par paroisse (A. Giffard). Il est des seigneuries sans droit de justice à l’image des sieureries, composées d’un domaine avec une toute petite mouvance, dans le Vannetais (J. Gallet).
Le droit de justice s’exerce sur les habitants du domaine et de la mouvance, même les alleutiers, et se décline selon trois degrés. Tout d’abord, la basse justice ou justice foncière. Peu honorifique, elle donne les moyens de contraindre vassaux et sujets à « faire leurs obéissances » et à respecter les droits féodaux (A. Antoine). Elle s’applique également aux simples délits donnant lieu à une amende inférieure à 60 sous. Ce premier degré de justice, souvent appelé justice foncière, n’est pas négligeable en raison du pouvoir qu’il confère au seigneur (J. Jacquart). La moyenne justice concerne les crimes et délits susceptibles d’une amende plus importante, d’une correction corporelle modérée ou d’un bannissement. Elle autorise les actes gracieux au civil (curatelles, émancipations, scellés, inventaires…). Enfin, la haute justice, plus prestigieuse, connaît tous les crimes graves entraînant une peine afflictive ou infamante jusqu’à la mort. Un seigneur qui dispose de ce degré de juridiction détient également la basse et la moyenne justice.
Leur répartition est inégale : sur les 63 fiefs qui composent la prévôté de Corbeil sous le règne de François Ier, 45 possèdent la justice foncière, 8 la justice moyenne et basse, 9 seulement la haute justice (J. Jacquart). Quel que soit le motif, tout recours à la justice seigneuriale est coûteux. Le fonctionnement d’une justice permanente suppose du personnel, des officiers recrutés par le seigneur : un juge sénéchal pour rendre les sentences, un procureur fiscal pour mener l’instruction, un greffier pour garder la mémoire des actes et les archiver, un sergent pour signifier leurs décisions. Dans le meilleur des cas, un auditoire est affecté à l’exercice de la justice.