1829
Liszt s’intéresse beaucoup à la littérature ; il lit tout ce qui lui tombe sous la main et pose ainsi les fondements d’une vaste culture. Beaucoup de ses auteurs préférés — Lamennais, Lamartine, Sainte-Beuve, Dumas, Balzac, Hugo et Heine — deviendront ses amis quelques années plus tard. C’est l’époque de la mode littéraire du « Weltschmerz », le « mal du siècle ». La lecture favorite de Liszt est René, inséré par Chateaubriand dans le Génie du Christianisme, un pendant du Werther de Goethe. Le bilan de René — le héros renonce à sa passion pour se consacrer exclusivement à la foi et à la religion.
Jeanne Élisabeth Carolyne, princesse de Sayn-Wittgenstein, était née le 8 février 1819, de Peter von Ivanovsky, aristocrate polonais, riche propriétaire terrien, et de son épouse Pauline, d’origine noble elle aussi. Elle vivait dans son château de Woronince, construit au début du XVIIIe siècle, entre Kiev et Odessa. Tout les témoins s’accordent à reconnaître que ce n’était pas une beauté, mais tous sont sensibles au charme de ses yeux noirs très expressifs. Elle se fait remarquer par son intelligence et sa culture, la pétulance de son tempérament et son catholicisme inébranlable, qui touchait au fanatisme. Elle avait ses entrées dans tous les palais d’Europe.
Sa rencontre fatidique avec Franz Liszt l’amena à quitter la Russie en avril 1848 en compagnie de sa fillette de onze ans, Marie. Elle vécut douze années avec Liszt à Weimar et réunit rapidement autour d’elle un cercle d’artistes et de gens de lettres.
(Après que la cérémonie de son mariage avec Liszt fut annulée) :
Terrée dans son appartement du 89, Via Babuino, à Rome, la princesse se consacra désormais à des études théologiques, en fumant quantité de cigares. Elle mourra le 8 mars 1887, peu après avoir achevé son ouvrage en 24 volumes « Des causes intérieures de la faiblesse extérieure de l’Église » Elle est enterrée au cimetière de Vatican.
Pendant de longues années, la légalisation de ses relations illégitimes avec Carolyne von Sayn-Wittgenstein fut le plus cher désir de Liszt : « Vous savez que dans cette union avec la Princesse gît tout l’honneur et tout le bonheur auxquels aspire et qu’espère en ce monde…», écrit-il le 19 août 1860 au grand-duc Charles Alexander de Weimar, qui intervient alors auprès du secrétaire d’État de Pie IX, le cardinal Antonelle : « …Nous pourrions avancer comme preuve du bien fondé d’une attention bienveillante de Sa Sainteté en faveur de Monsieur Liszt : les dépenses considérables de Liszt pour les églises catholiques et les fondations pieuses dans tous les pays. Ses concerts donnés à Berlin et à Cologne au profit de la construction des cathédrales, celui qu’il a donné à Pest pour la construction de l’église Saint-Léopold, à Bruxelles pour la restauration de l’Église… »
Après deux audiences de Pie IX(*), mariage est fixé au 22 octobre 1861. Un cousin de la princesse, présent à Rome par hasard, entre tout aussi par hasard dans l’église Saint Carlo al Corso, déjà décorée pour le mariage. Il obtient que la veille même de la cérémonie, un examen du dossier soit ordonné. La princesse s’y oppose. Le mariage n’aura pas lieu.
(*) Les démarches de Carolyne visaient à obtenir d’abord le divorce d’avec le prince Nicolas de Sayn-Wittgenstein, aide-de-camp du gouverneur de Kiev et fils cadet du feld-maréchal russe victorieux, le prince Wittgenstein, qu'elle avait épousé à dix-sept ans pour obéir à son père.
Vers 1825, « le petit Litz » (c’est ainsi que presque tous les Français prononçaient et écrivaient son nom) conquit le cœur des Parisiens par son talent, mais aussi par son charme. Plus tard, son « profil d’ivoire » était vanté par tous, autant que ses dons. Foyatier choisit le jeune Liszt comme modèle de sa statue de Spartacus à Tuileries.