Citations de Esméralda Cicchetti (14)
Il sentait un mélange de cuir, de tabac et de bois sec. Son parfum puissant discordait avec celui des jeunes hommes d'aujourd'hui.
Il paraît qu'un proverbe russe dit que quand on vit au milieu des roses on en prend malgré nous le parfum. Comme cela serait merveilleux : transpirer l'odeur de rose, exhaler son puissant parfum, ou plutôt ses puissants parfums. Il y en a tellement...
Ce qui avait réveillé Hanaë, c'était la vue des libellules. Elle aimait ces insectes car ils étaient majestueux et fragiles à la fois. Elle les adorait car ces demoiselles allaient toujours de l'avant et, si elles rencontraient un obstacle, elles le contournaient, sans jamais abandonner, jusqu'à arriver à leurs fins. Au Japon, ces « insectes victorieux » étaient associés pour les samouraïs à la force et au courage. Ces créatures féeriques étaient avant tout un symbole qui liait Hanaë à sa famille, celle de ses souvenirs pastel à demi effacés.
_ Je l'ai fait rien que pour toi. C'est l'odeur de la lavande.
Elle se rappelle encore l'air bienveillant de son père. Il avait déposé un baiser chaud sur son front, avait caressé sa joue et lui avait alors raconté l'histoire de sa propre mère. Quand elle était jeune, elle allait ramasser la lavande, à la faucille, comme cela se faisait jadis. Elle se levait aux premières heures du matin et cueillait pendant des heures, sous un soleil de plomb, l'or bleu qui poussait sur des pentes souvent difficiles d'accès. Elle pouvait ramasser jusqu'à quatre cents kilos de tiges fleuries.
- Narcisse était grec, c'était l'un des plus beaux hommes de son époque. Il était beau mais il avait été condamné par les dieux à ne jamais voir son reflet. Toutes les femmes étaient folles de lui. Un jour, la nymphe des sources , Echo, tomba amoureuse de lui. Une jalouse éconduite invoqua alors Arthémis pour la venger de cet amour. A cause d'elle, Narcisse alla boire de l'eau dans une source et il vit son reflet dans l'eau... Eh bien, Narcisse tomba amoureux de son reflet. Et il resta-là, figé face à l'eau, à essayer en vain de saisir le beau jeune homme qu'il y voyait. Il finit par prendre racine et à se transformer en une jolie fleur qui s'incline en direction des cours d'eau. Cette fleur fut baptisée en son nom pour célébrer sa mémoire.
5 mars 2014
Aujourd'hui, le marronier officiel de la ville de Genève a donné sa première feuille annonciatrice du début du printemps. J'adore cette tradition ! L'an dernier, elle était apparue le 21 mars, j'étais allée la voir le lendemain. Ce que je trouve fou, c'est que le relevé se fait chaque année depuis 1818 !
Elle sentit comme une étincelle de curiosité l'envahir et au lieu de ranger la photo sur le bureau de monsieur Pierre, une folie passagère la fit cacher le petit bout de papier usé dans la poche de sa veste.
Pourtant, je ne peux pas me passer de lui... C'est une sensation de déchirure interne entre mon cœur et ma raison. Il faut que je le quitte. Pour le moment, je ne suis pas prête... mais quand je serai suffisamment forte, je le ferai... Ce soir, je le rejoindrai donc.
Pour Hanaë, l'odeur de la fleur d'oranger prenait l'apparence d'un coussin moelleux, d'un blanc sacré comme les plumes d'un ange, dans lequel elle pouvait se blottir recroquevillée tel un enfant contre le sein de sa mère. Humer le doux parfum de cette fleur ou de son eau avait un pouvoir apaisant, presque anesthésiant, sur Hanaë. Elle se sentait enveloppée dans les bras réconfortants de son père, câlinée par les mains usées mais chaleureuses de sa grand-mère, comme dorlotée par toute la lignée de ses ancêtres.
Là où n'importe qui d'autre aurait été incommodé, elle appréciait ce qu'elle percevait. Pour elle, il n'y avait pas de mauvaise odeur. Il n'y avait que des odeurs. D'ailleurs, elle ne comprenait pas toute cette gêne chez les autres. Après tout, personne n'avait jamais caché ses yeux face à une "mauvaise" couleur. Personne n'avait jamais vomi à l'écoute d'un "mauvais" son.
2 mars 2013
Il est 2 h 5 du matin. Je ne dors pas. Je vais donc créer des formules, comme je le fais à chacune de mes insomnies pour essayer de faire sortir la noirceur que j'ai en moi et éviter qu'elle ne m'entraîne vers le fond... Quand c'est comme ça, je mets mes écouteurs et j'écoute de la musique pour éviter que le silence ne me tue. Je sais trop bien que, dans le vide de la nuit, mes ténèbres essaient de remonter et que je vais un jour finir par leur parler, comme dans la chanson prophétique de Simon and Garfunkel : Sound of Silence.
"parce que souvent la plus belle rose n'est pas celle qui exhale le meilleur parfum. Malheureusement les gens vont directement sentir celle qui est bien rouge, ou celle qui a de superbes pétales de velours en ignorant les fleurs moins jolies, les fleurs abimées, les fleurs différentes des autres. Pourtant elles sont souvent bien plus parfumées. Les gens aiment les belles roses, les gens aiment les tomates bien rondes, les gens aiment les objets calibrés, droits, nets. Les gens aiment ce qui est classique. Mais ils sont pauvres tous ces gens, parce qu'ils passent à côté de mille découvertes."
Le silence assourdissant me pénètre, pour me vider intérieurement, éjectant, par tous mes orifices, les ténèbres qui me rongent. Ce sont mes seules amies quand j'ai mes insomnies. Parfois, c'est mieux que mes cauchemars. Si à l'extérieur, je rayonne, à l'intérieur, je suis noire comme la mort.
Elle lui sourit amoureusement, ferma les yeux à nouveau, puis finit par disparaître en un brouillard parfumé.