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Critiques de Estelle Deléage (3)
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Ecologie et Politique, N° 48/2014 : Résister ..

Éditorial de Jean-Paul Deléage : Avec Edward Snowden, l’homme sorti de l’ombre qui voulait éclairer le monde !



Je n’évoque que certains points traités dans quatre articles du riche dossier : Résister à l’ère du temps accélérécoordonné par Estelle Deléage et Guillaume Sabin.



« Ce dossier d’Écologie & Politique s’accorde au moins sur deux éléments importants de l’argumentation de Rosa1. Le premier est celui du temps humain (calendriers, mesure du temps, rapport à l’histoire, etc.) qui possède inévitablement une dimension sociale : on ne se soustrait pas individuellement du cadre temporel de la société à laquelle on appartient. Le deuxième élément considère l’accélération du rythme du temps comme un « moment essentiel autodétermination » : il s’agit bien de « choix » sociaux, intentionnels ou non, délibérés ou non, mais qui expliquent que cette tendance à l’accélération puisse persister, éventuellement se renforcer, attestant d’une forme de compatibilité entre les schèmes d’organisation (productivistes et capitalistes notamment) et un ethos qui les rend possibles ; Ces choix permettent de rendre compte des pratiques de zapping, du fast-food, du speed dating, du microblogging, etc. »



Temps accéléré, obsolescence des expériences, des attentes et des produits, accélération du rythme des changements sociaux sans remise en cause de leur structure, profonde césure entre le temps des activités humaines et celui des écosystèmes, etc.



Il convient comme le disent Estelle Deléage et Guillaume Sabin de s’extraire de cette pseudo vitesse et d’avoir « un rapport au temps qui distingue passé, présent et futur, et permette un retour réflexif sur les changements en cours et une action délibérée pour assumer la nouvelle situation ».



Le temps, et son accélération, possèdent une dimension politique. « L’obsession du regard porté sur l’instant voudrait évacuer toute idée de transmission, du passé vers le présent, du présent vers le futur », de bifurcations possibles, de choix démocratiques à élaborer… Le dossier interrogera « les positions et les pratiques des mouvements sociaux face à et dans cette accélération »



Estelle Deléage et Guillaume Sabin : Peut-on résister à l’ère du temps accéléré ?



François Jarrige : Pris dans l’engrenage ?Les mondes du travail face à l’accélération au xixe siècle



Nicole Roux : Habiter autrement, un autre rapport au temps



Estelle Deléage : Le mouvement Slow Food : contretemps de l’accélération temporelle ?



Entretien avec Isabelle Stengers : Ralentir les sciences, c’est réveiller le chercheur somnambule



Guillaume Sabin : L’épaisseur sociale du temps, une dimension symbolique pour agir. Une déclinaison autochtone, Argentine



Monique Selim et Wenjing Guo : Cantonais à la recherche du temps passé



Dario Rudy et Yves Citton : Le lo-fi : épaissir la médiation pour intensifier la relation



François Jarrige revient, entre autres, sur les mondes du travail face à l’accélération au XIXe siècle, les quotidiens de l’atelier ou de l’usine, l’accroissement de la vitesse des opérations productives, l’intensification du travail, l’invention du « temps abstrait », l’apparition des sciences appliquées, l’obsession du temps, la discipline imposée à la main d’œuvre, l’accroissement incessant des rendements, l’apparition de l’informatique et de la robotique, invisibilisation du travail des salarié-e-s. A noter que les effets genrés de l’accélération ne sont pas traités.



Estelle Deléage traite du mouvement Slow Food, du temps découpé et rationalisé, du processus de délocalisation et de virtualisation de l’espace, d’un autre rapport à l’alimentaire, des races et variétés non standardisées, des rythmes productifs plus lents que dans l’agriculture industrielle. L’auteure souligne aussi les autres versants de ce mouvement dont les opérations de communication, l’insertion dans la société du spectacle, les contradictions entre le temps lent de la production et de la dégustation et celui accéléré de la communication. Elle pose pour finir la question d’une « alternative au modèle agricole et alimentaire dominant en termes de réforme et de révolution »



En complément, je rappelle son dernier ouvrage : Ravages productivistes, résistances paysannes, Le bord de l’eau 2013;



J’ai particulièrement apprécié l’entretien avec Isabelle Stengers, qui souligne que « la différence de genre, ici encore, se traduit par les questions que l’on ne pose pas, les questions que l’on ne doit pas se poser ». L’auteure parle de « réveiller le chercheur somnambule », de la nécessité de se mêler des questions qui nous concernent, de poser les questions que les spécialistes n’ont pas imaginées, de l’accélération comme d’une rigidité, des injonctions morales de compétitivité et de flexibilité, de la fiabilité relative des sciences, de l’illusoire promesse du progrès, du processus de Bologne sur l’enseignement, de la fable « on n’arrête pas les horloges » véritable parole antidémocratique, du caractère non durable d’éléments valorisés par les scientifiques, de l’irresponsabilité capitaliste, de l’illusion du politiquement neutre des savoirs, des OGN, du nucléaire…



Isabelle Stengers souligne aussi les résistances et les nécessaires alliances de ces résistances. L’auteure parle de démocratie et d’espaces de délibération.



Le titre de cette note est extrait de cet entretien.



De l’auteure, lire entre autres : Vinciane Despret, Isabelle Stengers : Les faiseuses d’histoires. Que font les femmes à la pensée ?, Les empêcheurs de penser en rond / La Découverte 2011.



Guillaume Sabin traite de l’épaisseur sociale du temps, de déclinaison autochtone, du rapport au passé (« Mais valoriser ce passé ce n’est pas dire qu’avant c’était mieux, parce que nous savons la souffrance qu’il y avait et que les gens te racontent »), d’identité et de statut, de carnaval et de chayadas, du système de deux résidences, d’activité pastorale, de l’usage du temps, des liens entre impôts monétarisés et endettement, de système communautaire (ayllu) et de privatisation des terres, administration autonome des territoires, du temps de concertation, « Toutes ces pratiques collectives nécessitent des temps de concertation organisés le dimanche ou en soirée après le retour des troupeaux dans leurs corrals », de l’importance du territoire dans les luttes autochtones, de logique coloniale. Si les un-e-s et les autres peuvent avoir des appréciations différentes sur la durée, en termes de dimension humaine, « toujours, qui n’existe pas, peut-être substitué par toutes les fois »…



Un dossier pour penser les résistances à l’accélération du temps imposée par le développement de la marchandisation et les logiques propres à la valorisation capitaliste.
Lien : http://entreleslignesentrele..
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Ravages productivistes, résistances paysannes

Un livre court (44 pages seulement), mais très instructif, synthétique, clair ... bref instructif. Vous l'aurez compris, une lecture qui me donne donc envie de découvrir d'autres livres de cette collection : Altérité critique poch'



J'ai bien aimé cette lecture, qui me semble complémentaire d'un livre lu il y a quelques années (mais qui reste d'actualité) : "La guerre au vivant"

Le thème des OGM et des multinationales est bien abordé, sans détours ni détails complexes. L'obsolescence programmée (inventée dès 1932) y est aussi abordée, elle aussi faisant partie des délires de la société de consommation. Pour ceux qui s'intéressent à ce thème, je conseille le livre "Bon pour la casse", très éclairant aussi.



Un petit bémol, j'ai trouvé que le livre décrit beaucoup plus les ravages productivistes que les résistances paysannes (quelques pages intéressantes en fin d'ouvrage).

La couverture est aussi un peu curieuse, un jaune lumineux mais des mots écrits en noir et d'autres ... en blanc, très mauvais contraste sur le jaune ...



Enfin, cela peut nous donner plus encore l'envie de savoir ce que nous avons vraiment dans nos assiettes chaque jour, de redécouvrir des circuits courts, de délaisser un peu la grande distribution et les produits industriels, pour redécouvrir une autre alimentation, plus de saison, plus saine, plus goûteuse aussi ... en ayant de plus en tête les nombreux enjeux politiques, sociaux et économiques du monde agricole.



Ce livre fait une lecture actuelle et sans concession de la nouvelle lutte de classes à l'œuvre dans le monde agricole (domination économique) et aborde la domination sociale très présente aussi : opposition du monde de la ville, supposé moderne et progressiste à la campagne archaïque et traditionnelle, bien que les multinationales aient souvent confisqué de nombreuses terres aux paysans, ou les obligent à une monoculture intensive, effrayante, à des cultures d'OGM et de semences hybrides donc stériles ...

Les bidonvilles aussi se remplissent d'anciens paysans appauvris, attirés par les villes dans lesquelles ils ne pourront s'intégrer ...



Il y a donc de nombreux combats à mener AVEC les paysans, pour une Terre plus juste, plus vivable pour tous (pour rappel de très nombreux paysans sont très pauvres aujourd'hui), pour la production de quantités sensées d'aliments (et non le gaspillage généré par la surproduction permanente et la surconsommation des pays du Nord) ... Il est aussi question de réinventer des liens sociaux, entre ville et campagne, par les AMAP, les jardins partagés ...
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Ravages productivistes, résistances paysannes

Nous avons toutes et tous besoin d’une agriculture paysanne



Voici un petit livre qui devrait intéresser toutes celles et tous ceux qui s’intéressent à l’agriculture, aux paysan-ne-s, à la souveraineté alimentaire, à la nourriture ; à celles et ceux qui n’acceptent pas les dégâts environnementaux ou sur la santé, causés par le productivisme et l’industrie agroalimentaire.



Estelle Deléage indique que : « Le terme paysan est ici utilisé dans son acceptation positive, celui qui habite un pays, un terroir et qui cultive la terre par opposition au terme d’agriculteur moderne qui désigne plus spécifiquement celui qui cultive la terre pour la valoriser uniquement économiquement ».



Dans le premier chapitre « Ces paysans qu’on assassine… », l’auteure analyse, entre autres, les mutations du secteur depuis la seconde guerre mondiale, ce qui fut nommée « révolution verte », les politiques d’ajustement structurel, les rôles de la Banque mondiale ou du FMI, les logiques technocientifiques, la combinaison de l’hétérogénéité des situations et d’une tendance de fond, « celle du triomphe d’un modèle unique de production qui repose sur l’idéologie du progrès technique, la division du travail et la spécialisation concomitante de la production à l’échelle des exploitations, des bassins de production, des pays voire des sous-continents dans un contexte de libéralisation des échanges agricoles dans le cadre de l’inclusion de l’agriculture dans les négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce modèle unique se déploie aujourd’hui grâce à la logique de la diffusion industrielle à l’ensemble des agricultures du monde, qui repose d’une part sur le développement du capitalisme et d’autre part sur celui de la technoscience, les deux étant étroitement imbriqués puisque la concentration du capital est rendue possible par l’utilisation croissante de cette dernière (mécanisation, motorisation, développement de la chimie et de la génétique, utilisation du GPS, etc.) ». Estelle Deléage critique l’agriculture « dite de firme », les accaparements de terres (land grabbing), les agrocarburants, la « sécurité alimentaire ». Sur ce dernier point, elle fait une juste distinction entre sécurité et souveraineté alimentaire comprise comme « la possibilité pour les populations de définir leur politique agricole et alimentaire afin d’assurer leurs besoins essentiels ». L’auteure souligne aussi « une artificialisation toujours plus poussée de la nature ». La domination économique se double d’une domination politique, et se traduit par l’éviction d’une partie de la population agricole ou sa paupérisation.



L’analyse de la pauvreté ne reste pas limitée à sa réduction à la dimension monétaire, « la pauvreté doit être analysée comme une construction sociale, c’est-à-dire qu’elle doit être envisagée en termes de non-satisfaction des besoins vitaux (s’alimenter en tout premier lieu) mais également du point de vue du manque de liens sociaux ou de ressources culturelles ».



Dans le second chapitre, l’auteure présente « Les chemins de la résistance paysanne », dont la Via Campesina, les critiques du productivisme agricole ou de uniformisation des espaces, les conséquences en termes d’évolution de la consommation alimentaire (par exemple « mangeur sans saison »), les nécessaires autonomies à construire. Estelle Deléage traite l’obsolescence alimentaire, « née avec l’extension de la date de péremption », les destructions massives de denrées alimentaires, la disparition de « très nombreuses variétés de fruits, de légumes, de céréales et d’animaux ».



« L’agriculture hors sol qui s’affranchit de l’espace en réduisant les temps de production constitue l’exemple emblématique de ce rapport instrumental au temps et à l’espace dont il faut s’extraire ».



Elle plaide pour la « diversité de modes de production », la co-production de savoirs, les relocalisations de la production (les exemples donnés sont particulièrement instructifs).



Dans un court épilogue « Pourquoi est-il aujourd’hui nécessaire de lutter avec les paysans », Estelle Deléage, indique que « les termes de modernité et de modernisation » doivent être réinterrogés. Il faut donc « un mouvement social à l’échelle internationale » des résistances qui ne peut être compris comme la « juxtaposition d’initiatives locales ».



Je regrette que la place particulière des femmes dans les paysanneries ne soit pas analysée.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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