Je partis dans un train au petit matin. J’avais décidé de refaire confiance à ma sœur, même si, la dernière fois, ça s’était mal fini. Je n’avais qu’elle. Katy aurait peut-être pitié de son petit neveu, elle ne pouvait pas lui faire du mal. C’était un enfant, ou presque.
Un voyage plein d’angoisses, de questions sans réponse. Une nuit blanche entre deux trains, avec le ventre tellement bloqué que je ne réussis à rien avaler, pendant deux jours interminables. Deux jours sur les chemins de fer, pour un si petit trajet, à me questionner sur mon avenir. Un avenir incertain, mais qui changerait ma vie à tout jamais.
Il était encore très tôt. Accoudée à la fenêtre, je regardais les étoiles toujours brillantes. José, derrière moi, dormait toujours d’un sommeil lourd et turbulent, il tremblait, il criait. Son idée n’avait pas changé depuis qu’on s’était connus, il refusait d’être père.
Je m’approchai de lui et lui déposai un baiser sur le front. Le bisou eut pour effet de le calmer. On aurait dit que mon départ l’apaisait, me rassurant dans mon idée de fuir. J’écrivis un petit mot sur un cahier qui se trouvait sur la table et dépassai la porte d’entrée comme une voleuse.
Je vous présente Elizabeth, Ely pour les intimes. Cela dit, le plus souvent, elle s’appellera Rosa, Elizabeth étant son ancienne vie et
Rosa la nouvelle. Moi, j’aime bien l’appeler Ely-Rosa. Ce n’est pas pour ne pas me perdre que je l’appelle ainsi, mais parce qu’elle est un entremêlement de ces deux vies. De la même façon que deux couleurs se mélangeant dans un tableau en inventent une nouvelle, une teinte inconnue, une nuance à part. Vous me demandez quelle couleur tout ce mélange peut produire, la couleur Ely-Rosa !
Je le laissai faire de loin espérant qu’une fois fini il s’éloignerait comme il était venu. Mes yeux fixés sur les siens avaient dû le gêner puisque, quelques secondes plus tard, il rangea son attirail et repartit dans un coin sombre loin de mon regard. Quelques minutes plus tard, j’entendis un gémissement au loin, suivi de pas qui s’éloignaient.
Une voix sortant des haut-parleurs me rassura enfin. Mon train arrivait en quai, me libérant de cet endroit froid et angoissant.
J’avais dû passer une nuit dans la gare de Narbonne pour prendre enfin le train pour Perpignan que j’avais raté de vingt minutes. Le vent glacial s’engouffrait sur le quai silencieux et solitaire.
Un homme s’approcha et s’arrêta à une dizaine de mètres de moi.
Son regard était plein de vice. Il m’ausculta entièrement. Au bout de quelques instants, il déboutonna son pantalon et sortit son sexe tout ramolli d’entre ses mains. Je ne pus m’empêcher de le prendre en pitié.
Après un peu plus d’une heure de voyage, j’arrivai enfin à
Perpignan, ça ne pouvait que me sauver. Regardant la gare, je perçus ce que Dali avait senti dans cet endroit. C’était une très belle gare selon l’artiste, ce grand monsieur que j’avais connu enfant quand mon père avait travaillé pour lui, il avait bien réussi, lui, et il avait forcément raison. Et puis, si elle me sauvait, j’accepterais de croire que c’est le centre du monde
Le soleil toucha mes yeux, je me retournai, mais c'était trop tard, j'étais réveillée. J'avais oublié de fermer le volet en rentrant. En regardant le réveil, je m'aperçus que ce n'était pas si tôt que ça. Il était midi.
Mon cœur était rempli de rancune, mes rêves commençaient à peser et ma haine augmentait de jour en jour. Des souvenirs que j'avais oubliés depuis trop longtemps me revenaient en pleine gueule. Mon sang bouillait. J'avais des sentiments un peu à part après avoir vécu des choses qu'on ne pouvait même pas nommer à un âge où j'aurais dû être au cinéma entre copines.
Cependant il fallait que quelqu'un s'en occupe ! Si je ne le faisais pas, qui le ferais ?
On était vendredi, le jour où Doc n°2 allait faire du mal à quelqu'un et de préférence à une jeune fille. Il avait dû trouver une nouvelle prostituée grâce à ses acolytes cachés dans les sous-sols.
C'était plus facile, qui s'inquièterait d'une insignifiante fille de joie ?
J’avais avec moi un minimum de bagages, laissant tout le superflu sur place. Au moment où la porte se referma, mon cœur se déchira en mille morceaux.
J’abandonnais derrière moi la seule personne à laquelle je tenais à part ce petit être qui se trouvait en moi.
Passé-présent, amour-haine, amitié-vengeance. Tout ça fait partie d’elle, la réinventant.
Les présentations faites, je vous laisse. Une petite fille est devant chez moi et je dois la sauver !
Toc, toc !
—J’arrive !
Je décidai à ce moment là que je souffrirais pas seule. La haine explosa dans ma tête ,me poussant à nouveau vers l’abime de mes cauchemars