La préservation du moral ressemble à une éthique du comportement à laquelle on rattache une valeur thérapeutique. Car les émotions négatives vécues antérieurement sont susceptibles d'avoir créé la maladie, tout comme elles pourraient accélérer un processus morbide.
De véritables « dispositifs » sont à l'œuvre dans la fabrication de la maladie comme l'a fait voir Foucault dans son Histoire de la folie (1972). Un « dispositif », selon Foucault, « inclut les discours, les institutions, les dispositions architecturales, les règlements, les lois, les mesures administratives, les énoncés scientifiques, les propositions philosophiques, la moralité, la philanthropie » (Dreyfus et Rabinow, 1984 : 178). Les différents niveaux de construction de l'expérience du cancer qui seront abordés dans les prochains chapitres représentent, ni plus ni moins, un dispositif au sens de Foucault.
dans le folklore médical québécois, l'association du cancer à la pourriture, au noir, à la mort, est très présente, comme en témoignent les « recettes de nos grands-mères » recueillies par les ethnologues. L'utilisation des taupes, des araignées ou de la mouffette dans les recettes médicinales populaires rappellent bien, là aussi, cette association du cancer à des idées de mal intérieur et souterrain, à la noirceur, si l'on s'en tient aux caractéristiques de ces animaux.
[...] au fond, derrière une certaine mise en scène publique de la bonne vie, derrière ces images de combat héroïque et de vie positive, se profile l'immense solitude du patient et ses tentatives pour réunir les morceaux d'une vie qui apparaît, dans le contexte de la maladie, fêlée et absurde.
Je n'ai pas trouvé de nombreuses recettes populaires censées délivrer du mal... pas plus que de dictons bizarres rattachés à des « croyances ». En contexte clinique ou chez soi, pas de rituels hauts en couleur auxquels nous ont habitués les anthropologues. Pas de guérisseurs, pas plus que de système médical parallèle à la médecine officielle : rien, donc, qui fasse penser à l'existence d'une science populaire du cancer. Plus encore, l'éclatement des discours singuliers offre la tentation, toujours présente, de voir en ce phénomène le démantèlement de tout le savoir populaire, alors que les personnes atteintes de cancer seraient entièrement « acculturées » à la raison scientifique sous forme vulgarisée ou non.
L’Etat ne donna aucune compensation financière aux esclaves libérés, laissés pour compte, et ne mit en place aucun programme de distribution de terres ou visant leur insertion dans la « nouvelle » économie
Il est prioritaire de reconceptualiser les droits humains comme processus sociaux, culturels, politiques et subjectifs et de poser la recherche sur de telles bases, cela tout en faisant la différence entre les droits humains produits d’une culture hégémonique (imposés de l’extérieur) et les droits humains générateurs de pratiques de résistance et de luttes sociales (appropriés localement)
Sontag (1979) et d'autres auteurs ont analysé le discours sur le cancer comme une métaphore du discours sur le mal du monde moderne, entre autres, à travers les thèmes du chaos, de la surproduction et du non-contrôle. Le cancer serait à la fois l'effet et la métaphore du monde moderne. La victime devient selon cette logique, une victime des forces incontrôlées d'un monde perçu comme de plus en plus anarchique. À quoi sert alors la promotion du retour aux valeurs traditionnelles ? Tout simplement à bouleverser l'ordre social, comme si le recul dans un passé historique pouvait nous ramener dans un monde sans maladie et surtout sans cancer. La culpabilité sous-jacente à un tel univers de représentations ne surprend pas, étant donné le rapport constamment établi, dans les sociétés occidentales et ailleurs, entre mal et maladie.
Au plan étymologique, le mot moral renvoie à l'idée de moeurs ; « se comporter ». Se résigner à son sort consiste aussi à éviter toute révolte et toute perturbation de l'ordre, en bref, se conformer. Ce conformisme particulier qu'est le maintien du « bon moral » envers et contre tous, tout en possédant les vertus thérapeutiques qu'on lui reconnaît, appelle un commentaire en regard de la cohésion du groupe.
Yvette Tremblay se trouvait dans les faits réceptrice d'un double message, caractéristique de la pratique oncologique lorsque l'évolution de la maladie se fait plus dramatique : entre l'espoir qu'il faut encore maintenir et la fragilité des moyens réels dont on dispose, la voie du paradoxe se tisse, multipliant les bruits dans un système de communication sans cesse perverti.