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Critiques de Francine Saillant (2)
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Cancer et culture

J’en ai accumulé des lectures sur le cancer et tout ce qui l’entoure dans la veine qu’on dit psychanalytique, parce que c’est comme ça dans la vie : faut choisir de quel bord on est, même si on en change tous les trois mois. Moi j’ai choisi le bord de la psychanalyse un peu par hasard, parce qu’on ne choisit pas comment on aime réfléchir, mais je me laisse la possibilité de détester ça un de ces jours prochains. C’est un peu ça mon problème : il suffit qu’un truc m’intéresse pour que je lui chie sur la gueule au bout de dix jours, cinq mois ou dix ans. Pour la psychanalyse, ça va, c’est assez fou et foutraque pour que je me lasse pas encore et que je continue à être surprise.





Fut un temps où je cherchais à connaître les représentations populaires qui pouvaient peupler le folklore de nos contrées. Je tombe sur un PDF en ligne de « Cancer et culture », un remanié d’une thèse de Francine Saillant. Moi, fascinée par les interprétations analytiques, croyant qu’il n’existe plus que ça au monde, je me doutais même pas que l’approche de ce document serait différente. C’est ainsi que je lus une thèse anthropologique. Ce qu’il y a de bien avec la psychanalyse, c’est que tout ce qu’on lit après semble plus facile. Du coup j’ai torché cette lecture à la vitesse d’environ 30 secondes par page, mais on peut y passer plus de temps si on veut se laisser bercer par les mélodieuses dissonances d’un parler québécois retranscrit dans les diverses vignettes cliniques de ce travail.





Ce qui s’inscrit en conclusion de ce travail n’étonnera guère les lecteurs aujourd’hui (c’est que cette thèse a fait de la route depuis sa publication en 1987, rendons-lui au moins cet honneur) : le discours des soignants intercède mal celui des soignés et entraîne une situation de liminalité qui se prolonge sans possibilité que la symbolisation du statut de survivant du cancer ne s’effectue efficacement. Ou, pour en venir à la dernière page de cette thèse : « L'intérêt d'une approche anthropologique dans le domaine de la santé se situe justement là, dans la compréhension et la connaissance de l'univers culturel des soignés et des catégories fondatrices d'un tel univers. C'est là, je crois, la seule démarche qui nous permette de prendre du recul face au scientisme et au professionnalisme dans lequel baigne l'institution médicale, et de placer l'expérience et le quotidien au premier plan, en laissant pour une fois à l'arrière les multiples facettes de la « raison » et du champ technique ».





Si la rupture nette entre discours des soignants et des soignés était encore possible il y a 30 ans, cet écart s’est possiblement amoindri aujourd’hui avec l’information croissante proposée aux malades et l’intervention des médecines parallèles et cortèges associatifs qui – qu’on le déplore ou qu’on l’implore – remodèlent quelque peu le discours scientifique et atténue sa portée hégémonique. Cette donnée qui n’a pas pu être travaillée dans cette thèse (une thèse n’est pas un récit de science-fiction venant interroger les futurs possibles) la rend aujourd’hui quelque peu obsolète - ceci simplement parce que j’ai envie de chipoter.

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Le mouvement noir au Brésil (2000-2010)

Droits humains, reconnaissance et réparations



Noir-e-s au Brésil, Afro-brésilien-ne-s. « Etrange « minorité » que ce groupe en passe de représenter 50% de la population ».



Mais n’est-ce pas une habitude signifiante des dominants que de renvoyer les groupes dominé-e-s à une situation « particulière », une situation de minoritaires, une communauté spécifique ?… Les dominants, comme chacun-e le sait, ne forment jamais de communauté, leur situation est la mesure neutre de toute mesure… Il y aurait des personnes de « couleur » mais les « Blancs » seraient sans couleur, il y aurait des personnes de sexe féminin, mais les « Hommes » seraient neutres sexuellement, etc. Chacun-e pourra multiplier les exemples…



Francine Saillant parle des blessures de l’histoire, de la traite atlantique, « la plus grande migration forcée de l’histoire », de l’usage généralisé de la main-d’oeuvre esclave, dans les milieux ruraux et « peu à peu dans les milieux urbains »… L’esclavage fut aboli au Brésil en mai 1888. « L’Etat ne donna aucune compensation financière aux esclaves libérés, laissés pour compte, et ne mit en place aucun programme de distribution de terres ou visant leur insertion dans la « nouvelle » économie ». Et le Brésil favorisa l’immigration européenne, un projet de « blanchiment » de la population et un « renforcement du mythe des trois races, selon lequel le Blanc, l’Indigène et le Noir seraient à la base de la formation brésilienne »



L’auteure analyse, entre autres, l’abolition, le blanchiment, le métissage, l’exclusion, la peur du mélange, le « mythe de la démocratie raciale », les racines du mouvement noir, les « identités », l’instauration des « politiques d’actions affirmatives » (ações affirmativas)…



Elle explicite sa recherche à partir de la problématique des réparations : « existe-t-il aujourd’hui quelque chose comme les réparations eu égard aux torts de l’esclavage au Brésil ? Ce mot réparation, a-t-il même un sens ? Si oui, qui en parle et comment ? Si les réparations existent, concrètement, comment sont-elles mises en œuvres ? A travers quels processus ? Et, enfin, que signifie réparer les torts du passé dans un tel contexte ? Comment sont finalement mobilisés droits, mémoires, politiques et cultures ? » et précise « Ce thème des réparations, enchâssé dans celui des droits et des droits humains, me servit de fil conducteur ». Au centre de ce travail, le mouvement noir de Rio de Janeiro.



Francine Saillant n’en reste pas à une « conception strictement juridique » de l’idée de réparations, revient sur « l’expérience d’être privé de droits », les droits collectifs, « Il est prioritaire de reconceptualiser les droits humains comme processus sociaux, culturels, politiques et subjectifs et de poser la recherche sur de telles bases, cela tout en faisant la différence entre les droits humains produits d’une culture hégémonique (imposés de l’extérieur) et les droits humains générateurs de pratiques de résistance et de luttes sociales (appropriés localement) ».



L’auteure parle de classe, de race et d’héritages de l’histoire, de violences et de droits humains, des révoltes coloniales, du mouvement noir contemporain, de la création du Frente Negra Brasileira, du Movimento Negro Unificado, de la nouvelle constitution, de l’intensification des luttes, des activistes noires, de résistance, de la place de la conférence de Durban, d’afrolatinité, d’afrodescendance, de réparations…



Francine Saillant détaille les actions affirmatives et leurs rôles, parle de mémoire et de culture afro-brésiliennes…



J’ai particulièrement été intéressé par les chapitres sur l’art, « Réparer par l’art », les associations d’artistes afro-brésiliens, les portraits et pratiques d’artistes engagé-e-s (je souligne le chaptre sur Carmen Luz).



L’auteure détaille la « sphère religieuse », les religions afro-brésiliennes, les stratégies historiques de résistance, le mouvement contre l’intolérance religieuse, les attaques des néopentecôtistes, le candomblé, les lieux de mémoire, les liens entre politiques publiques et spiritualité noire, les réparations au sein du terreiro… Je souligne le chapitre « Navire négrier : le candomblé raconté depuis la traversée des esclaves ».



Dans le dernier chapitre, « Réparation, justice et devenir des afro-brésiliens », Francine Saillant rappelle qu’il n’y a pas de doux esclavage, « L’esclavage existe ou n’existe pas », analyse les réalités et les conséquences de l’esclavage, parle de trauma, du rôle des églises chrétiennes (dont l’enculturation chrétienne), de reconnaissance et de réparations (« Le paradoxe des réparations est d’abord leur impossibilité » et « Le paradoxe des réparations est aussi leur possibilité d’existence »). Réparations et actions affirmatives…



Le choix de mettre l’accent sur les domaines culturels et religieux, permettant une certaine compréhension des mouvements, des revendications, des organisations et des expressions, n’épuise pas le sujet. Il serait plus qu’utile d’avoir des données et des analyses de l’ensemble des rapports sociaux et des situations sociales… Les (ré)affirmations à dimensions identitaires ne pouvant être considérées comme seules hypothèses ou moyens de changement des conditions matérielles (y compris dans leurs dimensions idéelles) des populations.



Quoiqu’il en soit, un livre dont la lecture apportera, outre de multiples informations, des analyses et des réflexions sur le mouvement noir au Brésil et sur la (re)construction/(re)invention des passés et des imaginaires en liaison avec les possibles émancipateurs.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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