Jadis, les bâtisseurs des cathédrales érigeaient des porches colossaux afin que les hommes se confrontent et s'écrasent devant la grandeur de leur Dieu. À présent, cette stratégie d'asservissement existait au nom de l'argent, ou dans ce cas précis, au nom d'une nouvelle science.
—J'imagine bien l'aide que peut apporter une prothèse à un handicapé ou un implant synthétique à un aveugle. Mais pour un cerveau fatigué qui aura la charge de supporter un corps de cent ans, quelles en seront les possibilités ?
Une intelligence artificielle fera-t-elle la liaison entre le corps et l'esprit ? Une puce qui anticipera nos choix ?
Imaginez maintenant que cette intelligence élabore un ordre de choix, quant à ceux qu'elle vous transmet. Imaginez que vous l'ignorez. Imaginez qu'elle décide.
Le cortège ne scandait aucun slogan. Il n’y avait aucune parole jetée, aucun chant. Les fantômes au masque blanc étaient muets. Personne parlait dans les rangs, ni même les enfants.
Paul en frissonna, cette marche funeste commençait à l’incommoder sérieusement. Plus qu’un sentiment d’insécurité, c’était une véritable terreur qui animait ces corps. Elle-même qui cadenassait leurs mots. Et la terreur est contagieuse.
Paul voulut s’en dégager et commença à s’ébattre. Il aurait souhaité trouver le réconfort d’un regard humain, d’un rire d’enfant, mais les masques n’offraient qu’une prison.
Ces hommes ont déjà perdu, songea Paul. Il le comprenait à présent. Derrière ces faces impeccables, l’espoir avait failli depuis longtemps. Des cages vides. Ils se réunissaient en groupe pour ne pas faillir, par crainte de disparaître. Paul marchait aux côtés des sans-âmes.
N’en pouvant plus, il poussa un cri, il aboya. La foule effrayée se brisa et dessina un passage.
—La science me fait peur, Emilie. Les paroles de Dieu sont limpides, sensées et humaines. La science, elle, bouleverse tout sans montrer une voie claire. Elle nous éloigne de Dieu comme elle nous éloigne des hommes. J’ai peur de ce que nous pourrions trouver là-bas, une fois que la voie sera tracée. J’ai peur que l’homme ne puisse jamais s’en contenter.
La bête immonde cracha sa rage à la face de Paul, et il dut s'appuyer au mur pour ne pas défaillir. Il eut envie de vomir pour se défaire du poison, de crever ses oreilles pour faire taire la folie.
Il se tourna vers son ami et eut le soulagement d'y voir de la répugnance.
Le Roi avait décidé d'agir et de la plus horrible des manières. La vengeance par l'exemple. Ceux qui seraient dans son sillon connaîtraient l'enfer et ses terribles afflictions.