François Tommy Perrens

L'Espagne fit paraître ses véritables sentiments, dès qu'il fut de nouveau question des mariages. Un mois avant que la trêve fût conclue, le Souverain-Pontife, apprenant que les négociations touchaient à leur fin et ne seraient pas infructueuses, disait à l'ambassadeur de France « qu'il en avait un contentement particulier, pour l'espérance que le traité des mariages proposés aurait lieu, bâtissant là-dessus une infinité de beaux desseins avantageux à la chrétienté .» Quand la trêve fut signée, il était donc naturel que Paul V revînt à son projet favori.

Franco Sacchetti (1335-1402) n’eut pas davantage à s’en plaindre. Issu d’une noble famille de Florence, podestat de plusieurs villes, chargé de mainte ambassade et si estimé qu’on l’excepta seul de l’interdiction des hauts emplois qui frappait les pères, les fils, les frères des bannis, il débuta dans les lettres par des poésies aussi faibles qu’il les croyait passionnées ; malgré l’amour dont il s’y déclare embrasé pour une Laure qu’il n’a pas su rendre célèbre, il fut toujours un bon père de famille et prit femme trois fois.

Partout, dit le savant continuateur des Bénédictins, à la violence des essais de liberté se mêle la violence des dictatures, démocratique avec Rienzi, militaire avec les Visconti, monastique avec les bandes indisciplinées des Franciscains du tiers ordre, prêchant contre la propriété, imposant des tributs aux villes, mêlant l'anarchie à la délégation du pouvoir divin.

Enfin, sur la nécessité d'imposer silence aux prédicateurs et aux écrivains, Ubaldini ne rencontrait à la Cour aucune objection, aucune résistance ; mais la résistance persistait opiniâtre dans les rangs de ses adversaires, soit qu'ils écrivissent ou parlassent contre les doctrines romaines, soit qu'il leur parut bon d'imposer silence à ceux qui les soutenaient. La était le véritable terrain de la lutte, parce qu'il dépendait d'une résolution particulière de la continuer ou de la recommencer, quand on la croyait suspendue ou terminée, et que la faiblesse des ministres ne savait imposer l'obéissance à leur volonté.

La période que nous abordons est, dans toute l'Europe, une des plus troublées de l'histoire. Ammirato a laissé des horreurs de ce temps un tableau qu'il croit propre à expliquer, à excuser les fautes de ses compatriotes, Il a raison quand il les montre semblables à leurs contemporains, et nullement plus mauvais qu'eux; mais il a tort d'oublier que la pire tyrannie est celle qui se déchaîne sur un théâtre étroit. Or l'Italie reste, comme par le passé, morcelée plus qu'aucun pays d'Europe.

Habile dans la vie, Lorenzo des Medici avait été heureux dans la mort. Il disparaissait de la scène du inonde fort à propos pour sa gloire. Eût-il continué d'y tenir son rôle, on peut douter qu'il eût détourné ou suspendu le cours des événements. Après des siècles d'une vie trop active et trop agitée, l'Italie, en proie à ses énervantes divisions et atteinte d'une vieillesse précoce, était trop corrompue et trop affaiblie pour qu'on lui pût infuser une vie nouvelle.

Mon dessein est ici d'en détacher les parties que j oserai dire non contingentes, celles qui ont marqué la place de Florence au panthéon de la gloire : ses institutions politiques, premier fondement des démocraties modernes; ses institutions économiques, premier fondement d'une science qui a mis plusieurs siècles à prendre conscience d'elle-même ; ses mœurs, si supérieures à la sauvagerie du moyen âge; son rôle initiateur dans les belles-lettres et les beaux-arts, grâce à l'esprit de la Renaissance qui souffle chez elle plus tôt et mieux qu'ailleurs; enfin l'héroïque exemple qu'elle donne au monde de les cultiver avec un succès sans pareil dans les convulsions de la mort.

Pendant quinze années, chaque printemps, j'ai fait aux élèves-maîtres de l'École Normale supérieure d'enseignement primaire sise à Saint-Cloud. treize leçons sur l'histoire de la littérature française au XIXe siècle. C'étaient les dernières d'un cours qui embrassait toute notre littérature, et dont les autres parties étaient traitées sous ma direction par les élèves eux-mêmes, pour se préparer à l'enseignement dans les Écoles Normales. Je n'aurais pas osé leur abandonner l'exposition de la période séculaire d'où nous ne sommes pas encore sortis.

Rappelé de l'exil par ses compatriotes, ramené chez lui comme en triomphe, Cosimo des Medici ne peut plus être, même en apparence, un simple citoyen. Ce marchand parvenu règne sur Florence, on peut le dire ; mais il faut ajouter aussitôt qu'il règne uniquement par la force de l'opinion. Il ne fût pas resté debout vingt-quatre heures, s'il n'avait pas représenté un grand parti, les vaincus de la démocratie, les victimes de l'oligarchie. Son retour est pour eux une vengeance longtemps désirée, et leur satisfaction fait sa force.

Cette union si naturelle et si favorable à l'Angleterre, Henri IV ne l'avait obtenue qu'en faisant presque violence au bizarre et faible successeur d'Elisabeth. Grand buveur, quoique sobre, porté à la colère et négligent des soins de sa personne, ennemi des plaisirs autant que des affaires, prodigue jusqu'à la folie, et pourtant capable de gouverner, s'il l'eût voulu, Jacques 1er n'abandonnait qu'avec peine ses controverses religieuses et son érudition de pédant pour remplir ses devoirs de roi.