Françoise Chapelon

Celle qui aurait dû la protéger. Celle qui n'a rien dit, parce que la parole d'une enfant, n'était alors - alors seulement ? pas digne de confiance. Parce que reconnaître cette parole aurait attiré la honte. Parce qu'à bien peser le pour et le contre, on avait finalement décidé que le qu'en-dira-ton avait plus de poids que les mots d'une enfant qui avait bien dû provoquer ce qui lui était arrivé.

Depuis que papa nous a expliqué que maman était partie au ciel, elle s'installe tous les soirs devant notre fenêtre et contemple les étoiles. Elle dit que si maman est là-haut, elle pourra mieux la voir si elle reste devant la fenêtre. Elle lui dit de revenir. Elle lui promet qu'elle sera sage. Et ensuite elle pleure parce que maman ne lui répond pas.

Personne ne lui dicterait sa conduite désormais Personne ne crèverait plus cette carapace qu'il avait eu tant de mal à se forger au fil des années au rythme des emmerdes avaient ponctué sa vie. L'enfant fragile était mort. En prison, on ne laisse pas son passé faire de vous une proie. On devient vite un homme, parce qu'on n'a pas le choix.

Dix-neuf heures trente, Léa n’a toujours pas appelé. Toujours aucune tonalité sur son portable. Qu’est-ce que cela signifie ? Mais où est-elle ?
Ce n’était pas la première escapade de Léa, mais la dernière fois, elle était rentrée dès le lendemain matin. Et puis elle ne partait pas sans raison. Non, quelque chose avait dû la contrarier. Léa était une jeune fille adorable, mais elle avait du tempérament. Lorsqu’elle avait une idée en tête, elle n’en démordait pas et finissait souvent par avoir le dernier mot.

Sa longue robe immaculée déployée en corolle se mêle à l’écume dans une ultime danse. La dentelle blanche s’empourpre, rincée par l’eau saumâtre qui dilue le sang ruisselant de son crane fracassé et béant.

Je fus punie. Ce sale coup ne pouvait venir que de moi. Je suis mauvaise. Va falloir vous y habituer.

Elle sut que c’était à cause d’elle qu’elle mourait.
Son corps se mit à trembler. Elle convulsa l’espace de quelques secondes et cracha une masse visqueuse qui dégoulina sur le carrelage froid. Puis le silence se fit.
Dehors, la nuit avait enveloppé les rues. Au loin, les rires des enfants lui rappelèrent que, dans ce monde égoïste, la vie côtoyait sans cesse la mort, dans la plus parfaite indifférence.

Depuis que papa nous a expliqué que maman était partie au ciel, elle s’installe tous les soirs devant notre fenêtre et contemple les étoiles. Elle dit que si maman est là-haut, elle pourra mieux la voir si elle reste devant la fenêtre. Elle lui dit de revenir. Elle lui promet qu’elle sera sage. Et ensuite elle pleure parce que maman ne lui répond pas.

- Tu ne lui as pas dit ? demanda Sabine à sa compagne.
- Je n’ai pas vraiment eu le temps, en fait ! Bon, Camille, Sabine et moi, on a une nouvelle à t’annoncer.

Alex, n’avait pas raccroché, mais elle avait lancé son smartphone sur le siège passager et démarré en trompe.
Elle venait de quitter sa garde en indiquant sommairement à sa cheffe qu’elle avait une urgence familiale. Elle préféra ne plus penser aux remontrances qu’elle avait récemment essuyées et dont elle n’avait encore parlé à personne. Son estomac se noua lorsqu’elle songea à nouveau à l’entretien avec le cadre sup. prévu dans deux heures à ce sujet. Elle espérait que ce nouvel incident, cet abandon de service pour raison familiale, ne viendrait pas un peu plus aggraver son cas. L’inquiétude dans la voix de Yann était si forte qu’elle avait soudain craint le pire pour sa sœur. Qui d’autre qu’elle pouvait s’assurer qu’elle allait bien ? Elle n’avait pas eu à hésiter une seule seconde.

Et puis tertio, lançant-il soudain, l’index pointé sur l’obstinée créature dans le regard de laquelle il lisait toute la perplexité, je te signale que tu n’es pas censée être ici ! Les congés payés, tu sais cette nouveauté qui permet aux travailleurs de rester chez eux cinq semaines par an tout en percevant leur salaire, et bien figure-toi que toi aussi, tu y as droit ! Je me permets de te le dire parce qu’il semblerait que personne ne t’avait mise au courant ! Non, je ne veux rien entendre, coupa-t-il avant qu’un son ne soit sorti de la bouche ouverte de la jeune femme que cette attaque venait à nouveau d’atteindre en plein cœur. Ecoutez-moi, jeune fille, Thierry Vasseur dit-il en posant ses deux mains sur les épaules de Camille d’un geste protecteur. Je sais que tu as cœur de comprendre ce qui s’est passé et de boucler cette affaire. Mais tu dois penser un peu à toi. Tu as beaucoup travaillé ces derniers. Tu as fais un boulot remarquable depuis que tu as rejoint l’unité et je suis vraiment content de compter un si brillant élément dans mon équipe. Mais sois raisonnable. Tu ne résoudras pas cette enquête toute seule. Tu en as déjà fait beaucoup. Les collègues de la S.G. savent désormais à quel genre de type ils ont affaire grâce à toi et s’ils ont une chance de le coincer, ils ne le laisseront pas filer, tu peux leur faire confiance. Le lieutenant Mantegnan est un vieux copain et il ne lâchera pas le morceau. Il vient de m’envoyer un S.M.S pour me dire que la maison des Vernet-Branchart allait être mise sous surveillance. Si le bonhomme tente une approche, ils le seront. Rentre chez toi, Camille, prends-les, ces foutues vacances. Et reviens-nous en pleine forme, l’année prochaine.

Après un petit footing purificateur en cette douce matinée de printemps, Camille quitta le parc Montchenu pour repasser prendre une douche à son appartement avant de ce rendre à la BR. En face de son immeuble, la jeune femme pratiquait quelques étirements lorsque la porte d’entrée principale s’ouvrit. Yann Parut sur le seuil, tenant par la main un enfant qui devait avoir environ six ans.