Citations de Françoise Moreau (22)
Des sourcils de glycine mauve fleurissaient les façades de pierre. Des brassées de lilas blancs s'échappaient par la trouée des portails et des cheveux rebelles glissaient de la coiffe des filles.
Depuis ce jour-là, Lucas se sent si fier, si grand, qu'il se voit bien déjà en savant !
Et, souvent, en travaillant sur les cahiers bleus et verts, il se dit : " Comme ça, je ferai des pommades, des sirops et des tas de médicaments qui guériront tous les gens ! "
Les régimes passent...Comme les péniches sur le canal avec des chargements différents. Et il faut résister aux tourbillons...Le sens du courant, c'est celui de l'homme.
Mais les enfants sont comme la Loire qu'ils reniflent, qui les berce, imprévisibles et désobéissants, un beau jour ils prennent le large des mères et n'en font qu'à leur tête.
Gisou, tu crois qu'on pourrait mourir, tu crois qu'on peut mourir à dix-sept ans...
Dans l'alcôve, sur la toile posée en travers du sofa ivoire, vous voyez bien que la lumière est entrée de force, inondant le fauteuil en ivoire cramoisi! La main de la petite est crispée sur sa robe. le geste esquissé des genoux protège son ventre...
Elle avait attendu d'attraper ses treize ans avant d'oser demander un jour, à Maria-Antonia: Dis, c'est quoi au juste, un afrancesado? Et son aînée, qui venait de dépasser son dix-huitième anniversaire, avait répondu: Pour ceux qui le disent, c'est une injure, tu l'as bien compris, ça veut dire traître à la patrie!
Je quittai l'île par le pont de la Bourse et je filai sur les quais. Le soir s'étirait sur les docks avec des expirations de saumure et de vanille. Les claquements de voiles, de cordes, les cris rauques des hommes et des mouettes me redressait comme une quille échouée.
Bravo les filles! L'équipe de ménage des WC obtient une médaille d'or.
Au fond, (...) notre existence est un genre de jeu de l'oie ou une marelle colimaçon qu'on commencerait par le centre, et chaque joueur est au départ avec son bagage hérité de ses ancêtres, de vies antérieures peut-être, mais de toute façon, inconnu de lui-même...
Il n'a jamais su fermer une porte!
Ne retiens pas les mauvaises pensées, les sentiments de colère, de crainte ou de culpabilité. Regarde les passer comme les oiseaux au ciel, sans laisser de trace.
Là-bas quand le coeur s'use, on meurt tout simplement. On remet son âme aux ancêtres. Lui, il a été lâche. Il est revenu là du côté de la sécurité pour qu'on le répare.
Toute culture véhicule une sagesse inspirée en même temps que les pires dérives, selon qu’elle est portée par des âmes longuement policées ou vertement immatures.
Alors les femmes s'en prennent à cette garce de Loire jamais bien franche. Ce Pont maudit, la Loire en colère n'en fait qu'une bouchée, il faut se souvenir un peu ! On ne fait plus le compte de tous les braves gens qu'elle avale, qui l'engraissent. Elle peut même vous bouffer le bateau entier, ça s'est vu. Étonnez-vous qu'elles ne veuillent pas voir partir leur fille avec leur frère aîné ! Elles ont un contentieux inépuisable avec la Loire, parce qu'à moins d'être de la butte, on peut s'attendre à ce que la garce vous mange les rues, les trottoirs, les caves, chaque fois qu'elle a trop bu !
Au matin, les idées brillantes de l'insomnie prennent toujours une allure blafarde et suspecte.
Marie Lecerf est dans la cour, à l'aplomb d'un soleil déjà cuisant, le bras tiré par un saut lourd et la démarche déhanchée par le poids – mais non, la corvée de puits c'est sûrement pour Marie-la-fille –, par un panier de pommes de terre plutôt qu'elle rapporte du champ d'à côté et qu'on mangera au soir avec du lait caillé. Le chien jappe de cette façon contente qui accueille les familiers. Elle se campe dans ses sabots, met ses mains en pare-soleil sur ses yeux. Et elle le voit, son gars. Il contourne le tas de fumier, écarte les poules du pied. Il attrape le panier.
Je vois bien que le premier travail est de dresser l'échelle généalogique et d'y percher chacun sur sa traverse avec ses marques, le jeune vieux meurt, et les gardiens de sa mémoire. Les barreaux transmis par ma grand-mère ont perdu leur couleur, Leur étiquette, embrouillés comme des baguettes de mikado sur le tapis de jeu.
Un jour pas comme les autres, Odilon a acheté son journal comme les autres jours. La porte du Journaux–Tabac poussée, il a fugitivement ressenti une convergence des regards, un certain silence de conversation coupée court et quelque chose d'un peu biaisé dans la cordialité du marchand.
Après avoir écouté, les gens qui s'étaient assis près d'eux leur tapotaient la main ou l'épaule. Et ils se laissaient aller dans la proximité. Avec plus ou moins de pudeur, ils mettaient en parole une difficulté, une écharde, un chagrin à eux. Ils échangeaient de l’intime.