Le lecteur qui voudra bien tourner jusqu'au bout les pages de ce volume remarquera peut-être le lien de continuité qui unit les chapitres du commencement à ceux du milieu et à ceux de la fin. De la science moderne, glorieusement représentée par un Taine et par un Renan, à la religiosité moderne, représentée par M. Huysmans et quelques autres personnes, il y a, en réalité, un mouvement ininterrompu, qu'il était facile de prévoir.
La littérature napoléonienne, déjà fort abondante, s'est enrichie de plusieurs ouvrages, qu'il convient de placer dans nos bibliothèques, au bon coin et à part. La Jeunesse de Napoléon, par M. Arthur Chuquet, n'est pas une oeuvre de polémique, ni un monument d'admiration béate, ni enfin un de ces manuels d'arrivisme, que l'étonnante fortune de l'Empereur a fait éclore, ces temps-ci, dans des cénacles cyniques et naïfs.
Ce voyageur attentif nous a rapporté l'Angleterre deux gros volumes qu'il a intitulés : l'Éducation des classes moyennes. et dirigeantes en Angleterre; les Professions et la société en Angleterre. 658 pages, bourrées dé faits, chargées de notes, traversées à la manière anglaise, par des lignes de chiffres, un peu hâtives quelquefois et expédiées avec une agilité toute britannique, un peu dénuées de grâce, de nombre et d'harmonie, mais tout à fait exemptes de verbiage, très alertes malgré leur pesant bagage, très souvent neuves et vraiment suggestives.
Mais, hélas ! le public, souvent épars en d'oisives villégiatures, le public, désarticulé par la bicyclette et tiraillé par la passion du kodak ou du vérascope, ne peut plus déguster le nectar idéal qu'à petites gorgées. Il faut lui mesurer la poésie au pèse-gouttes. M. Paul Sirven n'hésita pas. Il entreprit d'extraire la quintessence des floraisons prodigues où s'est épanoui luxueusement le talent superbement verbal de Théophile Gautier.
Nous avons, en France, la manie des formules, des étiquettes et des casiers. Pour beaucoup de personnes, amies des nigaudes symétries, un poète est un artiste qui ne sait rien, un historien est un savant qui écrit mal. Il est vrai que certains rimeurs se vantent publiquement d'être des cancres. Et plusieurs érudits, fiers de leurs barbarismes, font profession de n'avoir point de talent.
Il n'en faudra point remercier les écrivains qui, depuis la guerre, ont eu la voix assez forte pour parler aux multitudes; car ils auront peu contribué à ce renouveau de vie et de joie. Cette nation, longtemps accablée, saturée de prose mauvaise et qui, sous l'amoncellement des vilaines paperasses, semblait ne plus remuer, cette nation a vécu par miracle, sans littérature nationale.
On cite des écrivains qui ont excité l'admiration de leurs contemporains ou mérité les suffrages de l'Académie par de simples traductions. Le premier ouvrage de Montaigne fut une version en français du latin barbare d'un théologien. Malherbe, avant de consoler du Périer, s'était exercé à reproduire en notre langue les gentillesses d'un Italien.