Pas loin pourtant…
extrait 4
Pas loin pourtant
Cette image
Non pas obsédante
Non pas attristante
Seulement présente
Pas loin pourtant
Une image
Ton éternité dans mon temps périssable
Ô ma piratesse des bois endormis
Tu te berces dans les branches
D’un pommier à l’acmé de sa floraison
Un oiseau a déposé sur mon oreiller
Un pétale blanc un pétale rose
Cette nuit éblouie d’il y a longtemps
Ô vagues des insomnies
Dentelées de tendresse
Ô nuit de marbre
Attendant un éclair
Pour couler l’aube qui approche
…
/Esprit poétique n°3 – Hélices poésie, 2010
à LR
LA FENÊTRE OUVERTE
Dehors
Battements d’ailes et friselis des feuillages
Dedans
Un merle ponctue la voix sereine
Monde d’ascensions, d’espoirs et de larmes
Modelé par un christ-oiseau
Souffert par l’enfant volé envolé
Le fils de l’homme et le fils de l’autre
Raviver la parole et l’image
Pétrir l’écho et le reflet en pâte de lumière
Qu’ainsi la présence froisse l’air
Présence
Légère et fidèle comme les printemps
Souveraine comme cette fillette sous un pommier
Bravant jadis la guerre dans son abri de fleurs
Aux confins du cœur
Sur une crête du temps
Fleurit continûment l’arbre bienveillant
Elle y retrouve ses voyageurs ineffables
Dilater le présent
C’était un jour ensoleillé, n’est-ce pas ?
Tectonique
Tu marches entre les lèvres d’une faille
Entre un éclat de soleil et le vent
Tu penses à l’origine, aux dieux pas encore nés
Aux vents sur les terres fracturées de feu
Aux spasmes des aurores et aux déluges
A la terreur de tes lointains ancêtres
Tu marches dans la démesure minérale
Nulle racine, pas d’empreintes de pas
Un vol de bernaches confirme ciel et silence
Peu à peu l’espace abolit la durée
Comme une colombe de magicien
Surgissent l’instant et la lumière
Revue Lichen n° 24 - mars 2018.
Moi qui viens de la bruine…
extrait 7
Moi qui viens de la bruine aux contours indécis
Tes grondements déchirent le conforme
Dans le blanc mutique alentour
Ô mon exotique des grandes terres plates
Où la Baltique lèche une île aux pétunias
Je t’offre en ces jours parallèles où je t’écris
Des bijoux lents comme un dimanche
Des saphirs sertis de sentiers côtiers
Colère basse retirée au rythme de marée
Mots coquillages dans un verger de pommiers
Nacre et fleurs unies par l’écume
Ô tu dansais dansais en koré décalée
J’arpente au petit bonheur une grêve végétale
Aucune réponse à la devinette de l’océan
Le sable rosit derrière un vol de pétales
Sous ce ciel, cette nuit, loin de toute hypothèse :
Ton éternité dans mon temps périssable
/Esprit poétique n°3 – Hélices poésie, 2010
Tu cherches des mots fiables
Vivants et chauds comme un pouls régulier
Oiseleur ou jardinier
Au plus près des tilleuls
Au plus près des moineaux
Tu déchiffrerais l'envol
Les destins nervurés
La sève ascendante
Mais tu es là entre horloge et monde
Avec tes vieux secrets doucement douloureux
Ta pauvreté et ton élan
L'exil des mots
Calée dans la parenthèse du présent
Comme au coin d'une cheminée
Tu songes aux sureaux de ton enfance
A l'âne amical
A l'autre ciel à portée de paume
(" Chemins de poésie ")
Touffes d’oyat dansant…
extrait 3
Touffes d’oyat dansant à ras du sable
Au vent qui s’en fout
Au vent qui se fout
Du tiers comme du quart
De ce qui me tient une et entière
Debout dans ce déluge d’images
Qui me fracasse le jour
Certains jours sans blanc ni rose
Que dis-je
Sans même une rose
Moussue et blanche
Troussée au velours d’une Renaissance
Crevée
Définitivement enfouie sous les décombres
D’un monde dégueulant son cadavre
Dans les vitrines qui embaument
Vois ma chute
Vois mon vertige
Remontant du bitume
…
/Esprit poétique n°3 – Hélices poésie, 2010
Ici, dans l’instant de la nuit
Se soumettre aux mots
Se laisser embarquer
Au-delà des cols et des mers
Loin de Tonio Kröger* et sa roulotte verte
Au-delà des volcans et des îles d’or
Loin de la paix d’un canal flamand
Toujours plus proche de ce qui nous consumera ?
Dire la menace aux aguets
La terre sous les ongles après la lumière ?
La soif des roses suffit à la certitude de l’ombre
L’or coule parfois dans les chants parallèles
Il y a les chevaux bleus gardiens des rêves
Et ceux qui galopent dans ma mémoire
Blancs à jamais sur une plage enneigée
Nuit chorale
Son soleil sous les paupières
Là où je suis
Là où je vous attends
Là où je cherche des mots contrepoison
Pour que le chagrin consente un passage à la joie
* Tonio Kröger est un court roman en allemand de Thomas Mann publié en 1903. L'histoire est celle de Tonio, un garçon issu de la bourgeoisie allemande qui s'interroge sur lui-même en tant qu'adolescent ...
En marchant [4]
Le mensonge a soudain flamboyé dans un vitrail
Trop d’oiseaux
Trop d’or et d’azur
Trop d’étoiles
Absence des anges dans leur gloire même
Un vertige qui t’incline devant la brume à venir
Prends l’or dans ton regard
Et les étoiles dans ta nuit
Mais dès la clarté
Écoute les grandes ailes migratoires
Leur chant d’allégeance au vent nomade
Et toi sans route déterminée
Plus pauvre qu’oiseaux
Marche sous ce ciel sans message
Ta fleur bleue à la bouche
Parallèle au fleuve
L’automne fait sa cour à l’été
Vois cet arbre rond comme un soleil feuillu
La joie c’est ta bohème
À vagabonder au plus près de l’écorce
Tu hausses les épaules à l’ordinaire des jours
Nulle cage pour elle
Nulle barrière
Les sens guident mieux que des preuves
Une miette de lumière
Un frémissement de feuilles quand le vent est ailleurs
Un reflet furtif sur une vitre
Reflux des voiles au fond de nos geôles
Grains d’éternité dans le mécanisme des heures
Un chant s’élève de la mer
L’élan dans ton plexus l’ange entrevu
C’est toujours le début du monde
Et tu hausses les épaules
Ton rire auréolé d’écume
Paysages d’enfance mêlés
à la rose de Desnos
Et la plage se fait et se défait
Coquilles, étoiles, varechs
Écriture et réécriture illimitée
De la matrice du monde
Et un autre paysage affleure
Boues, ferraille, béton
Débris gris brun rouille
De l’histoire des hommes
Temps fixe lumière globale
Et ce silence que la marée ponctue
Et ce ciel que tracent les oiseaux
Ta verticale contrant le vent
L’écran de tes pensées
Tu es aveugle quand tout se révèle sur le sable
Ne pas poser de questions
Pour ne plus attendre de réponses
Que le simple advienne enfin
L’être de peu qu’un moineau rassérène
Un buisson d’églantines s’obstine dans une crevasse
Tu t’irrigues à la rose originelle
Sa nacre humide pour tout message