La jeunesse de l'empereur Meiji en faisait une personne encore malléable, apte à être formé au rôle totalement inédit que les nouveaux dirigeants comme Itô Hirobumi ou Iwakura Tomomi entendaient lui faire jouer : figurer la nation et susciter un attachement patriotique débarrassé des multiples allégeances féodales. Puisqu'il fallait que le pays s'engage sur la voie d'une modernisation à marche forcée, c'est le Tennô qui devait donner l'exemple, et incarner ce « nouveau Japon » ; c'est en son nom également que seraient conduites les réformes les plus radicales, alors qu'il n'était pour rien dans leur élaboration. Dans un climat encore empreint de sentiments xénophobes, cette propagande se révéla un atout décisif pour légitimer la volte-face du régime vers l'occidentalisation des institutions et des mœurs : le prestige de la institution impériale crédibilisait le slogan « âme japonaise, technique occidentale » (wakon yôsai) à l'ordre du jour.
La dynastie impériale était depuis si longtemps un élément important de l'identité nationale japonaise. Ses origines immémoriales se perdaient dans la mythologie du « temps des dieux » et des souverains légendaires, et la maison impériale du Japon demeure d'ailleurs à l'heure actuelle la seule famille du pays à ne pas porter de nom. Le caractère supposé ininterrompu de la succession était mis en avant dès le Moyen Âge, pas contraste avec les nombreux changements dynastiques de l'histoire chinoise, comme un signe du caractère exceptionnel de l'archipel japonais, le « pays des dieux » (shinkoku).