J’insiste sur ce point, bien connu dans d’autres contextes africains : la médecine coloniale dans l’est du Cameroun fut vécue comme une expérience et une pratique fondamentalement ambivalentes, où le soin est agression, où le diagnostic est performatif, où les mots peuvent guérir et tuer ; la médecine est un art “méchant”. (…) A Madouma, on disait que c’était la lutte contre la maladie qui avait amené la mort – ce qui n’avait rien d’irrationnel d’ailleurs (les campagnes étaient parsemées d’accidents et les thérapies étaient globalement inefficaces à l’échelle individuelle). La médecine coloniale se trouvait ainsi intégrée aux formes vernaculaires de manipulation à la fois thérapeutiques et malveillantes des forces de l’invisible.